Dans la rotonde du Stade olympique, où il fallait s'entasser pour entrer samedi, quelques milliers de spectateurs en rouge se mêlaient à plusieurs milliers de spectateurs en bleu. On distinguait les partisans du FC Toronto et de l'Impact à leurs couleurs, mises en évidence par les écharpes qu'affectionnent les amateurs de soccer.

Et tout se passait dans l'ordre, les visiteurs étant au plus soumis à des chants qui encourageaient le club montréalais. En Amérique du Nord, même les Ultras sont dociles.

Dans les stades d'à peu près partout dans le monde, de Buenos Aires à Belgrade en passant par Liverpool et Le Caire, il y aurait eu des clôtures de métal pour séparer les deux groupes et de nombreux policiers pour les diriger dans des corridors séparés.

Pas chez nous. Il n'y avait aucun policier dans la rotonde du Stade olympique et pas de clôtures. Il n'y avait pas non plus de spectateurs déjà en état d'ébriété avant le début de la partie.

Il y avait surtout des enfants, et il est réconfortant de savoir qu'on peut emmener ses petits à un match de soccer professionnel sans risquer de se trouver au centre d'une émeute.

Espérons que les choses ne changent pas.

Les organisateurs du match, qui en connaissent beaucoup plus que moi en la matière, avaient pourtant assigné des sections pour les rouges de Toronto et d'autres pour les bleus de Montréal. De la galerie de presse, on voyait deux foules différentes, qui n'entraient pas en contact.

Était-ce bien nécessaire? Je m'inquiéterais plus des visiteurs de Boston qui suivent les Bruins au Centre Bell. Et là, pas de sections séparées, tout le monde se côtoie et parfois ça tourne mal.

Mais si vous tenez absolument à assister à une émeute, il vaudrait mieux vous rendre à la place Émilie-Gamelin un jour de manif.

La saison locale de l'Impact a finalement commencé avec les joueurs qui tenaient la main d'enfants lors de la présentation des équipes, une tradition qui me touche chaque fois.

Vous remarquerez que de nos jours, les petits ne sont pas tellement intimidés par les 40 000 personnes qui les applaudissent, mais ils savent exactement où se trouvent les caméras de télévision. Voilà ce qui les intéresse vraiment. Quand c'est leur tour d'être immortalisés sur les écrans du monde, ils se tiennent droit et arborent leur plus beau sourire.

Le match a commencé devant de nombreux sièges vides, comme c'est la coutume à Montréal. Pendant que l'arbitre mettait le ballon en jeu, nous pouvions apercevoir, de l'étage 300 où se trouve la galerie de presse, un long embouteillage. Il était causé par les gens qui venaient stationner leurs véhicules sous le stade. Ils arrivent une quinzaine de minutes avant le début du match et tentent d'abord de trouver un espace libre dans les rues avoisinantes, histoire d'économiser quelques sous. Il n'y en a pas, évidemment. Alors ils font la queue longtemps pour entrer dans les entrailles du stade.

Je suis retourné à la rotonde alors que l'action était commencée depuis une dizaine de minutes et je les voyais faire la file devant les guichets d'entrée, parce que là aussi il y avait une queue. Ils franchissaient la barrière en bougonnant contre le stationnement qui est mal organisé.

C'est toujours ainsi quand il y a foule au stade. On dirait que les spectateurs n'apprendront jamais.

J'avais envie de leur dire de prendre le métro, qui a été conçu exactement pour éviter les embouteillages à l'entrée. Il y a même deux stations qui donnent accès au stade.

Mais j'ai décidé de me mêler de ce qui me regarde, comme m'a souvent conseillé mon père.

Les coeurs sensibles

Georges St-Pierre, qui est peut-être l'athlète le plus populaire du Québec, a gagné contre le méchant Nick Diaz, après une semaine de bouffonneries qui nous rappelaient surtout la lutte professionnelle. Il ne manquait que Mad Dog Vachon qui, lui au moins, ne se prenait pas au sérieux.

Quant à nous, les opposants aux bagarres dans une cage de métal, nous avons d'abord été accusés d'entretenir des préjugés. Des pauvres types bornés qui ne savent pas reconnaître ce qui est nouveau et excitant.

Quelques jours avant le combat, en écoutant un panel comme il y en a tant sur les chaînes sportives, nous étions maintenant des coeurs sensibles. De pauvres types encore, mais j'ai senti, entre les lignes, que nous étions un peu moumounes aussi.

Un coeur sensible... Ça faisait tout de même longtemps qu'on ne m'avait pas dit quelque chose d'aussi gentil. Surtout que c'est vrai.