On nous a parlé, dans les jours qui ont précédé le Marathon Oasis qui avait lieu hier, d'une petite révolution. C'est que toutes les places étaient prises et que les blessés ou autres coureurs qui ne pouvaient être présents vendaient leur dossard sur le marché noir.

Je ne sais pas s'il s'agit d'une première, mais le problème pourrait se régler facilement si on s'en occupait, le but étant de ne pas courir sous un faux nom. Imaginez si un participant mourait, comme ce fut le cas l'an dernier, et que les organisateurs avisaient la mauvaise famille...

Un jeune reporter nous avait dit à la télé que le marathon et la course à pied connaissaient une deuxième vague de popularité chez nous, la première ayant eu lieu dans les années 90. Il était probablement trop jeune pour se souvenir des années 80, alors que la vraie première vague de popularité s'est produite. Et comme c'est le devoir des aînées de rappeler aux jeunes que la vie existait avant eux...

Au début des années 80, nous avions une championne, Jacqueline Gareau, qui étudiait au cégep de Rosemont et qui pètait le feu dans les grands marathons internationaux. Elle a remporté celui de Boston et se classait toujours parmi les cinq ou 10 premières partout où elle allait. Le nom de Jacqueline Gareau était connu des tous les Québécois au début des années 80. On ne vous a pas tous oubliée, madame Gareau...

Et il s'agissait uniquement de marathon, à ne pas confondre avec la modeste course à pied. C'était une affaire très sérieuse. On le voyait comme un défi, comme une bête sauvage à dompter. On ne rigolait pas. D'ailleurs, la grande majorité des nouveaux marathoniens étaient des mâles et il y avait une sorte de preuve de bravoure et de virilité là-dedans. Beaucoup se blessaient et nous sommes chanceux de ne pas en avoir perdu plus...

C'était tellement sérieux et populaire que Jo Mallejac, un célèbre entraîneur français, dressait chaque semaine dans La Presse l'horaire d'entraînement à suivre. Jo a guidé des milliers de gens jusqu'au grand jour.

Des vedettes de la télé, comme Richard Garneau et Serge Arsenault, s'y étaient mises. Ils disaient que n'importe qui pouvait courir un marathon, ce qui n'était pas tout à fait vrai. Mais nous avions tous des copains qui couraient, qui consacraient tous leurs temps libres à l'entraînement. Courir le marathon était le summum du cool.

Et ça partait finalement du pont Jacques-Cartier, tous ensemble et de plus en plus nombreux chaque année, et nous trouvions tout ça beau et noble, parce que c'était nouveau.

Aujourd'hui, la même image fait grimacer tous les automobilistes de la région.

Tout ça pour dire... quoi donc?

Ah oui, que le marathon existe chez nous depuis les années 80.

La grande tombola

Depuis quelques jours, les habitants du coin en discutaient. 27 000 coureurs qui se donnent rendez-vous au parc La Fontaine... Il faut repenser son dimanche.

La journée commence avec une voix dans des haut-parleurs qui répand sa joie, qu'on veuille l'entendre ou non. Personne ne lui a dit que c'est dimanche et qu'il est 7h30. Mais bon... Cette voix, qui ne supporte pas le silence, va se faire entendre jusqu'au milieu de l'après-midi, comme une mauvaise radio.

Je me suis rendu au parc, MON parc, pour constater qu'il avait été transformé en tombola géante, avec des dizaines de tentes et de kiosques, avec une scène pour le spectacle, avec un kiosque de bière, mais pas de café, avec deux clowns insignifiants à qui on avait malheureusement donné des micros...

Le mot Oasis et le slogan Be pure. À l'état pure étaient partout, mais bien d'autres aussi. Oasis est une grande grande entreprise qui commandite des grands grands rassemblements de coureurs. Le nôtre est loin d'être le plus important.

On a encouragé et applaudi les marcheurs et les coureurs. J'aime toujours les marcheurs qui portent des déguisements farfelus et qui passent en souriant et en saluant. J'aime les petites courses d'enfants, les coureurs joyeux qui ne se prennent pas au sérieux...

Je n'aime pas ceux qui se font tout un cinéma, qui jouent les héros, les stars du jour. Je n'aime pas ceux qui portent un trop bel uniforme et trop de gadgets.

Quelqu'un m'a dit que Jacqueline Gareau se trouvait parmi les participants avec son fils dans la vingtaine. Elle courait un demi-marathon.

J'ai aussi appris que 56% des inscrits étaient des femmes.

En 2012, il y a des marches, des courses de cinq, dix kilomètres et des demi-marathons. En 2012, il y a moins de gens qui se blessent et plus qui s'amusent. Laissons le dernier mot à un tout jeune garçon: «C'était mon premier marathon d'un kilomètre et je vais en faire d'autres.»

Nous pouvons parler de progrès.

Photo: Robert Skinner, La Presse