Lorsqu'on se retrouve au milieu de cette joyeuse Nordiques Nation, on souhaite qu'elle obtienne son équipe le plus vite possible et, surtout, que tous ses efforts et espoirs n'auront pas été vains.

Ils étaient plus de 200 à avoir envahi le bar Les Trois Brasseurs rue Sainte-Catherine tôt samedi après-midi, vis-à-vis le Centre Bell, plus au sud. Des gens de tous les âges, des belles filles de Québec, des bébés... Une bande très bien organisée avec émission de radio live sur place et un stand pour remettre aux partisans du Canadien qui allaient au match un chandail bleu. Ils en ont distribué, gratuitement, 1500.

Plus que Québec

La plupart sont arrivés en autocar, d'autres en voiture, et pas seulement de Québec.

Patrick, de Trois-Rivières, se rappelle que sa ville était divisée en deux. «Moi, j'étais Nordiques. Il y avait des conflits, mais rien de grave... Je pense que Bettman bluffe. Quand le temps viendra, avec un aréna neuf, il va écouter.»

Son copain l'avait rejoint de Victoriaville. Le club rival du CH représente bien plus que la ville de Québec.

Quand tout ce beau monde eut terminé ses bières et ses ailes de poulet, il s'est dirigé en groupe, souvent costumé et maquillé - dont trois en frères Hanson du film Slapshot - vers le domicile du Canadien. Ces gens ont été reçus avec des applaudissements de la part des fans du CH qui arrivaient aussi. La soirée commençait bien.

Et puis ça discutait fort. Mario Roy, organisateur de la Nordiques Nation, nous prédit qu'il y aura un club à Québec dans deux ans. «Il commencera au vieux Colisée. La lune de miel durera cinq ans. Après, il faudra que l'équipe gagne...»

Mario Roy était peut-être fouetté par l'annonce du début des travaux faite par le maire Labeaume quelques jours plus tôt. Sa prédiction me semble le fruit d'une pensée positive, un peu magique même, mais il ne faut pas le lui dire, il ne plaisante pas avec cette question.

Et puis il y avait Biz, du groupe Loco Locas, originaire de Québec, nouveau Montréalais et nouveau fan du CH. Biz portait un superbe vieux coupe-vent des Nordiques acheté au Village des Valeurs pour 8$.

«Je me suis converti au Canadien, à l'équipe, mais pas encore à son deuxième étage.» (En fait, Biz, ils sont maintenant au septième étage.)

Il a ajouté, ce qui n'a pas plu à Mario Roy: «Je pense que les Nordiques ne reviendront pas à Québec tant que Gary Bettman sera le commissaire de la LNH. Ça serait pour lui renier sa stratégie et ses décisions. Revenir dans des petites villes canadiennes serait un recul à ses yeux.»

Un souvenir de Ron Lapointe

Et voici Denis Coderre, portant un maillot rouge du CH. Si vous le voulez bien, nous allons nous passer des commentaires de ce notoire kid kodak. De toute façon, quoi qu'il dise, il parle de lui.

Au micro de CHOI Radio X, Jérôme Landry, un des leaders de la Nordiques Nation, se demandait comment les fans en bleu seraient accueillis. «Nous ne sommes pas ici pour provoquer les fans du Canadien. Nous sommes peace and love... À New York, certains partisans se sont demandé si nous voulions leur voler leurs Islanders.»

Jérôme nous a raconté un de ses premiers souvenirs des Nordiques: l'entraîneur Ron Lapointe avait annoncé qu'il était atteint du cancer et qu'il devait quitter ses fonctions. «Les Nordiques n'avaient pas une bonne équipe à ce moment-là, mais pour Lapointe, ils avaient battu le Canadien d'aplomb. J'étais jeune, ça m'avait marqué.»

Landry et ses amis n'avaient pas à s'inquiéter pour l'accueil. Dès le début du match, l'écran géant du Centre Bell montrait des membres de la Nordiques Nation éparpillés dans les gradins. Ils ont été applaudis chaleureusement.

Curieusement, les médias électroniques ont été très discrets. Rien à CKAC qui retransmet le match.

À RDS, une précise et correcte explication du descripteur Pierre Houde pendant que l'écran montrait les visiteurs en bleu. Il est pro quand il le veut, ce Pierre. J'ai presque envie de retirer tout ce que j'ai écrit sur lui... Mais non, quand même, n'exagérons rien.

Enfin, je m'attendais à un commentaire de la part d'Alain Crête qui, sous sa chemise blanche, a le N tatoué sur sa poitrine velue. Mais non, pas un mot et je ne comprends pas...

Peace and love, en effet...

Mario Roy: «Partout, les Montréalais ont été très gentils. Dans la rue, dans les gradins... Certains nous taquinaient un peu, mais ça finissait en poignée de main et en accolade. Il n'y a eu aucun incident, aucun débordement.»

Tiens, tiens, on dirait qu'une nouvelle génération d'amateurs de hockey est capable de parler sport sans y inclure les démons intérieurs qui ont causé tant de mauvaises ondes à l'époque. Soyons-en fiers.

Reste le temps, qui changera peut-être les choses quand l'aréna sera achevé. Les fans en bleu sauront-ils être patients pendant trois autres années?

Mario Roy n'en doute pas: «L'engouement va aller en augmentant.»

Ce n'est pas pour rien qu'il est le chef de la Nordiques Nation.