À lire l'alignement des Carabins de l'Université de Montréal, on a l'impression d'être devant le bottin téléphonique de Montréal... Hamid Mahmoudi, Jerry-Ralph Jules, Olivier Dzomo, Mathieu Paquette, Gaïus Renelick, Martin Gagné, Carlos Martinez, Frank Bruno, Rotrand Sené, Maxime Lévesque-Thibodeau, Pierre Youssy, Mathieu Razanakolona, Sami Skakni, Djems Kouamé, Marc-Olivier Brouilette, Samuel Eskander... Il y a aussi les entraîneurs Spiro Feradoucos, Paul-Eddy St-Villien, Dimitri Kiernan...

Les Carabins, le vrai Team-Montréal, de ce Montréal qui inquiète tant le reste de la province, s'en vont-en guerre aujourd'hui contre le Rouge et Or de Laval, la Rolls-Royce des équipes de football universitaire, un club géré comme une organisation professionnelle.

Un Team-Montréal qui a parfois le sang chaud, qui peut-être très indiscipliné et qui est pénalisé plus souvent qu'il ne le devrait.

«L'émotion, c'est ce qui nous pousse en sport, dit avec justesse leur entraîneur-chef, Marc Santerre. Mais il faut diriger cette émotion dans la bonne direction. Il ne s'agit pas de la contrôler, mais de la diriger...»

Ce Team-Montréal émotif a déjà vaincu le Rouge et Or cette année, lui infligeant sa seule défaite, mais les Carabins ont suivi avec deux défaites contre des équipes moindres, comme quoi Santerre et ses adjoints en ont plein les bras. Les Carabins ont besoin d'un défi pour montrer tout leur talent. Et le défi est là...

Les Bleus, comme on les appelle sur le campus, sont très athlétiques, ils peuvent réussir de petits et grands exploits physiques et revenir au banc comme si tout ça était normal. Ils peuvent aussi narguer l'adversaire comme des ados en leur montrant leurs biceps, un de leurs gestes préférés.

Cette équipe multiethnique et multicolore a aussi une capacité de répondre aux épreuves comme on n'en voit pas souvent chez nous. Quand les Carabins se sont présentés sans quart-arrière dans l'enfer du PEPS, plus tôt cette saison, ils ont étonné en ne perdant que 30-8 et en dominant la première demie avec une attaque wildcat.

Rotrand Sené, recrue de 20 ans et star de l'équipe, a accepté les remises de ballon pour la première fois de sa vie et disputé un grand match. «Bien sûr que j'étais nerveux au début, mais après un ou deux jeux, je n'étais plus nerveux du tout.»

On lui en demandait pourtant beaucoup. Pas question de gonfler les résultats et d'accorder des diplômes mous quand on joue au football. Ça passe ou ça casse horriblement. Pas de place pour les petits rois...

Les parents d'Hamid Mahmoudi étaient ingénieur et enseignante en Iran. Ils sont chauffeur de taxi et coiffeuse à Montréal. Le père et ses fils viennent de terminer la construction d'une nouvelle maison, de leurs propres mains. Pas le temps de se plaindre...

«Chaque fois qu'on perd un joueur important à cause d'une blessure, mes joueurs ne baissent jamais la tête, ils reviennent à l'entraînement plein d'enthousiasme et ne parle même pas des épreuves. J'avoue que je reprends parfois courage à cause de leur attitude», raconte Santerre.

Mais ce qui nous touche le plus quand on côtoie les Carabins, quand on assiste à leurs entraînements et qu'on flâne dans leurs salles de réunion, c'est l'harmonie qui règne dans l'équipe, cette fraternité inébranlable entre coéquipiers footballeurs de toutes nationalités et de toutes couleurs.

Comme quoi c'est possible.

Pour toutes ces raisons, je crois que les Carabins ont des chances de gagner à Québec aujourd'hui. Si une équipe peut réussir l'exploit, c'est bien cette bande de joyeux drilles qui représente peut-être mieux que toute formation sportive l'esprit de Montréal.