Treize heures trente. Angle Peel et Sainte-Catherine.

J'ai déjà amené un ami du Bas-du-Fleuve à ce coin de rue un jour de semaine, à 17h. Il y avait des gens qui couraient dans tous les sens, comme chaque jour de semaine à 17h, et mon ami en avait presque fait une crise d'angoisse. « Où est-ce qu'ils vont tous? Et ils sont tous pressés! Où est-ce qu'ils vont? «

N'ayez pas de peine pour lui. Il m'avait amené dans la forêt et m'avait fait croire que nous étions perdus alors que le soleil se couchait. J'en avais presque fait une crise d'angoisse... Je me vengeais un peu.

 

Entécas.

Peel et Sainte-Catherine, hier, c'était pour vérifier si tout était en place pour le défilé du mois de juin, au cas. Mais il n'y avait rien de tricolore en vue. L'an dernier à pareille date, on aurait dit qu'une voiture sur trois avait son petit drapeau du Canadien. Pas cette année. Je n'ai pas vu de drapeaux, seulement des belles femmes.

Tiens, un jeune homme, un seul, avec un chandail du Canadien, portable à l'oreille.

« Pensez-vous qu'on aura une parade en juin, jeune homme?

- Non. Et si le Canadien en gagne une contre les Bruins, ce sera ce soir ou rien... «

Je ne comprends jamais d'où viennent ces raisonnements. Comme si le CH n'avait pas le droit de gagner la deuxième à Boston. Et une autre à Montréal... Enfin.

Mais il faisait très beau et il y avait un guitariste qui jouait divinement des musiques espagnoles. Il faut donner, dans ces moments-là.

Plus loin, l'inévitable groupe de musiciens des Andes, qui vient peut-être de Mexico, et la flûte de pan, je ne suis pas capable...

Tiens, une affiche du film Fast and Furious qui occupe depuis deux semaines le premier rang au box office. Ça fait peur, non? On n'a plus envie de traverser la rue...

Quinze heures. En direction du Centre Bell.

Saviez-vous qu'il y a des écrans géants chez Paré pour les matches du Canadien ? Vous pouvez regarder les artistes et le match en même temps, ou le match et les artistes en même temps. C'est selon.

Mais autour du Centre Bell, rien. Même la boutique de souvenirs et la Cage aux Sports sont silencieuces. Toujours pas de petits drapeaux sur les autos.

Qu'est-ce qui se passe? Ignorer le Canadien en séries éliminatoires, c'est une sorte de révolution. Le peuple est cruel...

Quinze heures trente. Dans la salle de rédaction de La Presse.

Un petit nouveau que je ne connais pas passe devant moi avec un chandail du CH. Bon, c'est mieux.

Deux de mes collègues, féroces partisans des Bruins, achètent à l'instant deux billets pour le match à Boston à 150$ chacun. Ils seront loin de l'action, à mon avis, mais ils étaient heureux.

Et puis, tiens, je dénonce ces deux traitres: Simon Drouin et Ivanoh Demers.

Dix-sept heures. Bar Chez Normand, avenue du Mont-Royal.

L'an dernier, pendant les séries, le bar Chez Normand aurait accueilli deux fois plus de clients s'il avait eu la place. Les oreilles m'en tremblaient quand le CH marquait un but.

Mais Bob, un employé, confirme mes appréhensions. « Il n'y a pas d'engouement comme l'an dernier. Loin de là. D'abord, à cause de la saison de misère; et puis, les gens me disent que même si le CH bat les Bruins, il ne gagnera pas une deuxième série... Et puis, Price n'est pas fiable... et Markov est absent. Les fans sont pessimistes cette année.

« Mais si le Canadien gagne la première partie (hier), ça repartira tout d'un coup, assure Bob. Samedi prochain, le bar sera plein à 17h pour le match de 20h! «

Une autre version veut que les fans du Canadien aient hâte que la saison finisse pour demander la tête de Gainey, des vétérans sans contrat, de George Gillett, de tout le monde... Triste année du Centenaire.

Et si jamais tout cela se produit, ce ne sera pas de bon augure pour les prochaines années.