C'était un temps où l'on ne voyait plus le jour où le jadis glorieux Canadien de Montréal allait remporter une autre Coupe Stanley. Surtout pas en cette saison 1985-86, avec un jeune coach sorti des rangs universitaires, avec un gros problème devant le but et un nombre important et malsain de recrues. Le Canadien des années 1980 n'allait nulle part.

L'entraîneur Jean Perron n'avait en fait rien à perdre lorsqu'il a écarté ses deux gardiens de but vétérans pour faire place à un jeune de 20 ans. Un grand maigre avec toutes sortes de tics nerveux, un bizarro qui pouvait être très gentil une journée et grognon le lendemain.

 

Patrick Roy.

Rouah... Rouah... scandaient les spectateurs au Madison Square Garden de New York un certain soir de demi-finale. Ils cherchaient à distraire le jeune homme, à lui faire perdre sa concentration, comme ils disent. Mais ils n'arrivaient qu'à le faire rire. Roy les saluait avec des larges gestes de ses longs bras.

Et puis il arrêtait tout, comme s'il les remerciait de leur attention.

Ce soir-là, nous allions assister à quelque chose de pas ordinaire. Quarante quelques lancers pour les Rangers, une dizaine du côté du Canadien qui allait toutefois l'emporter 3-2.

La galerie de presse de MSG était située à une dizaine de rangées de la glace, une position rare et unique pour les journalistes.

Lors d'un bombardement en règle des Rangers sur le filet du Canadien, j'ai vu Patrick Roy échapper son bâton et abandonner le jeu pour le récupérer. Pendant que Roy se penchait pour ramasser le précieux objet, le dos tourné aux Rangers, il a reçu une rondelle sur le dos et une autre sur les fesses.

Deux autres arrêts... Involontaires, cette fois. J'ai alors pensé que rien n'allait arrêter le Canadien et son jeune gardien de but. Je n'ai jamais cru *aux équipes de la destinée*, comme ils disent, mais, ce soir-là, j'ai eu des doutes.

Une autre recrue, Claude Lemieux, a marqué le but gagnant en fin de partie. Le but n'aurait pas dû compter, le Canadien méritait une pénalité pour avoir fait trébucher le couvreur de Lemieux. Une pénalité flagrante que les officiels ont ratée.

L'équipe de la destinée ? Ou le gardien de la destinée ? Ou la destinée tout court ?