Dans l’échelle de bassesses du politicien populiste qui cherche à grappiller des votes, peut-on aller plus bas que Maxime Bernier ?

« Greta Thunberg est clairement mentalement instable », a écrit lundi le député de Beauce, dans une enfilade de tweets honteux, indignes d’un homme politique.

Quand se moquer de l’autisme et de l’état de santé mentale d’une brillante militante environnementaliste de 16 ans tient lieu d’argument pour un aspirant premier ministre climatosceptique, c’est qu’il manque cruellement d’arguments. Et pour cause. L’urgence climatique n’est pas une question d’opinion. C’est un fait, bien établi par la communauté scientifique, qui commande des actions urgentes. C’est d’ailleurs ce que ne cesse de répéter Greta Thunberg : écoutez les scientifiques !

Si Maxime Bernier était, comme il prétend l’être, réellement intéressé par une « discussion rationnelle » sur le sujet, c’est vers ces scientifiques qu’il se tournerait pour mettre à jour ses connaissances plutôt que de s’en prendre lâchement à Greta Thunberg. Mais on aura compris que ce n’est pas exactement son objectif.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada

Personne n’est dupe de la stratégie du chef du Parti populaire du Canada pour se placer sur l’échiquier politique comme un Trump canadien qui ose dire les « vraies affaires » en lettres majuscules, pourfendant les environnementalistes, les vilains médias gauchistes, l’immigration de masse, la rectitude politique, alouette…

À l’ère du trumpisme, l’outrance a malheureusement la cote. La nuance est perçue comme un truc élitiste. La science et les faits, aussi. Tout se vaut… On fait passer des discours ignorants pour une forme saine de scepticisme. On confond des propos misogynes ou discriminatoires et des opinions à contre-courant. On court au chevet de l’intimidation comme si elle était une forme menacée de liberté d’expression. Le prêt-à-penser binaire tient lieu de réflexion politique.

Il y a là un terreau à exploiter. Et les réseaux sociaux, où tout un chacun peut impunément cracher son venin sur le bouc émissaire du jour, tout en déplorant du même coup qu’on ne peut plus rien dire, sont devenus l’endroit idéal pour le faire.

Parlons-en, justement, de toutes ces choses qu’on ne pourrait plus dire dans ce monde où la liberté d’expression serait en crise. Dans un essai qui sera publié le 5 septembre, dont on pouvait lire un extrait dans The Guardian hier (We Need New Stories : Challenging the Toxic Myths Behind Our Age of Discontent), l’auteure et chroniqueuse Nesrine Malik fait valoir que le syndrome « on ne peut plus rien dire » est un mythe. Sous le couvert de la défense de la liberté d’expression, ce mythe contribue en réalité à normaliser des discours haineux et à museler ceux qui voudraient y répondre. 

En d’autres mots, ce n’est plus la liberté de s’exprimer sans censure que l’on défend en perpétuant ce mythe, mais plutôt la liberté de pouvoir dire tout ce qu’on veut en toute impunité.

On me dira sans doute qu’en accordant de l’attention aux propos inacceptables de Maxime Bernier, on ne fait que jouer son jeu. Je trouve au contraire que l’on joue son jeu lorsqu’on banalise ce genre de discours. On ne parle pas d’un troll anonyme. On parle du chef d’un parti politique qui se veut sérieux et qui trouve normal de se moquer d’une adolescente autiste pour servir ses intérêts politiques. Loin de moi l’idée d’en appeler à la censure ou de bannir Bernier du débat des chefs pour cause d’excès d’âneries. Mais ne pas dénoncer de tels discours, c’est contribuer à les normaliser.

On ne peut plus rien dire ? Quand un homme politique en est rendu à stigmatiser une jeune femme autiste et, par le fait même, tous ceux et celles qui vivent avec le même diagnostic, c’est qu’on peut malheureusement tout dire. Même des choses immondes qui ne se disent pas.

Heureusement pour nous, la jeune Greta, attaquée de toutes parts par des climatosceptiques, n’a pas dit son dernier mot. Sur son fil Twitter, elle a répondu de la meilleure façon qui soit à ses détracteurs. « Lorsque tes intimidateurs s’attaquent à ton apparence ou à tes différences, ça veut dire qu’ils n’ont plus d’arguments… Et tu sais alors que tu as gagné ! J’ai le syndrome d’Asperger, ce qui veut dire que je suis parfois un peu différente de la norme. Et dans certaines circonstances, la différence est un super pouvoir. »