Si la tendance se maintient, le collège de Rosemont fera figure d'avant-gardiste en adoptant dès lundi une politique de prévention du harcèlement et de la violence qui proscrit clairement les relations sexuelles professeurs-élèves, avant même que cela ne soit exigé par la loi.

J'écris « avant-gardiste » tout en me demandant si c'est le bon mot. Car il me semble, d'un strict point de vue éthique, qu'un tel code de conduite devrait aller de soi. Ce qui est étonnant, ce n'est pas que les relations intimes professeurs-élèves, qui ouvrent la porte aux abus de pouvoir et aux conflits d'intérêts, soient proscrites. Ce qui est étonnant, c'est que le silence officiel à ce sujet ait pu laisser croire qu'elles étaient acceptables.

En écrivant noir sur blanc dans sa politique qu'il « s'attend de chaque membre de son personnel qu'il joue un rôle modèle auprès des étudiants » et qu'il « n'entend faire preuve d'aucune tolérance face aux rapports sexuels impliquant un membre du personnel et une personne étudiant au Collège », le cégep de Rosemont ne fait qu'énoncer l'évidence. Dans un contexte où rares sont les établissements d'enseignement supérieur à avoir énoncé les choses aussi clairement, on peut dire qu'il est à l'avant-garde. En même temps, si c'est le cas, n'est-ce pas plutôt signe que la société est en retard ?

Le mouvement #MoiAussi nous rappelle à quel point le silence autour de ces questions a trop longtemps avantagé les prédateurs. En ce sens, le projet de loi 151, visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les cégeps et les universités, tombe à point. Mais va-t-il assez loin ? Et s'accompagnera-t-il d'assez de ressources pour tenir ses promesses ?

Sur la question bien précise des rapports entre professeurs et élèves (qui n'est qu'un volet du projet de loi), il me semble clair que le projet de loi 151, qui propose que les liens intimes, amoureux ou sexuels entre un élève et une personne ayant une influence sur le cheminement de ses études soient simplement « encadrés », ne va pas assez loin. C'est aussi l'avis de plusieurs acteurs du milieu de l'éducation.

Alors que cette question taboue ne semblait pas être un sujet de préoccupation il y a quelques années à peine, ce n'est plus le cas. Un certain consensus social semble désormais se dégager autour de l'importance d'adopter un code de conduite clair. On note tranquillement un changement de culture.

Hier, alors que s'amorçaient la commission parlementaire sur le projet de loi 151 à l'Assemblée nationale, les voix de la Fédération étudiante collégiale du Québec, de l'Union étudiante du Québec et de l'organisme « Sans oui, c'est non ! » se sont ajoutées à celles de plus en plus nombreuses qui réclament que les relations intimes entre professeurs et élèves soient proscrites plutôt qu'encadrées. Avant elles, bien avant le dépôt du projet de loi, des syndicats d'enseignement, dont la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec, ont aussi pris position de façon très ferme dans le débat.

Jusqu'à présent, les commentaires de la ministre à ce sujet laissaient entendre qu'il serait sans doute bien compliqué d'interdire ce genre de relations entre adultes « en principe consentants ». Le fait est qu'il serait plus compliqué encore de se contenter de les encadrer en les traitant au cas par cas. On plaint déjà la personne qui, advenant une plainte, aurait le rôle ingrat de faire le tri entre les « vraies » histoires d'amour qui finissent mal et les cas de professeurs ou d'entraîneurs prédateurs qui profitent de leur situation d'autorité pour multiplier les proies.

Pour éviter tout conflit d'intérêts et tout abus de pouvoir, il serait plus simple et plus éthique d'avoir un code de conduite sans ambiguïté qui, comme le suggérait hier Milène Lokrou, de l'organisme « Sans oui, c'est non », proscrit les relations entre les membres du personnel et les élèves lorsqu'un lien d'autorité existe entre ces personnes.

« Êtes-vous sûres qu'on est rendus là en 2017 dans les établissements d'éducation supérieure ? », a demandé hier la ministre David aux représentantes de « Sans oui, c'est non ! ». Oui, ont-elles répondu, en rappelant que le consentement sexuel n'est pas valide dès lors qu'il existe un lien d'autorité et qu'un consensus se dégage autour de cette question.

Seule exception : si les relations sont antérieures au lien d'autorité, on pourrait prévoir des mécanismes pour éviter qu'il n'y ait des conséquences sur le parcours scolaire de l'élève.

Clarifier le code de conduite et uniformiser les façons de faire permettrait de protéger l'espace pédagogique. Cela enverrait un message clair à ceux qui confondent relations sexuelles et relations pédagogiques.