« Dites non à l'éducation sexuelle », scandent ces jours-ci des parents ontariens qui ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants à l'école pour protester contre le nouveau programme provincial d'éducation sexuelle.

On aurait pu craindre que ce tollé ontarien refroidisse les ardeurs de Québec, qui avait vaguement promis de ramener les cours d'éducation sexuelle à l'école, abandonnés en 2005. Heureusement, il n'en est rien. « On n'a pas l'intention de reculer », me dit Julie White, attachée de presse du ministre de l'Éducation François Blais.

Dès l'automne, une quinzaine de projets-pilotes en éducation à la sexualité seront mis en place dans des écoles primaires et secondaires du Québec pour deux ans. Les noms des écoles seront dévoilés dans les prochaines semaines.

Le programme ressemblera-t-il à celui qui suscite la controverse en Ontario ? Cela reste à voir. Ce que l'on sait, c'est que son implantation fait suite à une pétition demandant le retour des cours d'éducation sexuelle à l'école « dans une perspective de rapports égalitaires, non sexistes et non hétérosexistes ».

Au Québec comme en Ontario, il y aura toujours une frange de parents qui s'opposeront à l'éducation sexuelle à l'école. Le fait est qu'en matière de sexualité comme dans bien d'autres domaines, le pire danger ne vient pas tant du savoir que de l'ignorance.

En examinant le discours des opposants ontariens, on réalise que certains préféreraient que leur enfant ne sache jamais que l'homosexualité n'est pas une maladie contagieuse ou que des compagnons de classe peuvent avoir deux mères ou deux pères et s'en porter très bien. Certains sont particulièrement dérangés par le fait que l'on fasse allusion dans le programme à l'identité de genre et à des orientations sexuelles autres qu'hétérosexuelles, n'hésitant pas à verser dans les commentaires homophobes, particulièrement virulents dans un contexte où leur première ministre Kathleen Wynne est lesbienne. De quoi ont-ils peur au juste ? Ils craignent que le nouveau programme révèle à leurs enfants des informations « inappropriées » pour leur âge et qu'il aille à l'encontre de leurs principes et de leurs croyances religieuses. Ce faisant, ils oublient que rien n'est plus inapproprié que l'ignorance érigée en vérité.

Comme l'a bien montré lundi le Toronto Star, les arguments des opposants au programme d'éducation sexuelle sont souvent fondés sur de fausses rumeurs ou de la désinformation. Par exemple, selon une rumeur relayée par une lettre anonyme rédigée en arabe et distribuée en banlieue de Toronto, les petits Ontariens de 1re année apprendraient, dans le cadre du nouveau programme, non seulement à nommer leurs organes génitaux, mais aussi à les montrer et à les toucher... Vraiment ?

En vérité, les élèves apprendront à identifier les parties du corps humain, y compris les organes génitaux, en utilisant les mots justes (pénis, testicules, vagin, vulve, etc.) et en en parlant avec respect. Ils apprendront aussi à aller chercher de l'aide s'ils sont victimes d'abus. Ça semble être le b.a.-ba.

Autre rumeur relayée dans la même lettre anonyme : dans le cadre du nouveau programme, les élèves devront regarder des magazines et des films « sexy » pour explorer « ce qui les excite et les séduit ». En vérité, en 9e année (équivalent de la 3e secondaire au Québec), la question de la pornographie sera abordée en classe pour sensibiliser les élèves à l'importance d'utiliser l'internet et les réseaux sociaux avec prudence. Là encore, en 2015, à l'heure des sextos, de l'hypersexualisation, de la cyberintimidation et de l'omniprésence de la culture porno, croire qu'il est mieux d'en faire un sujet tabou plutôt que de discuter franchement d'estime de soi, d'intimité, de consentement éclairé et de rapports égalitaires, c'est se raconter des histoires.

Même si les parents qui s'opposent au programme d'éducation sexuelle le font très souvent pour des motifs religieux, on aurait tort de penser qu'ils ont le monopole de l'ignorance en la matière. Depuis 10 ans, les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) sont en hausse dans tout le Québec, et plus particulièrement chez les jeunes. Avec le mouvement #AgressionNonDénoncée de l'automne dernier, on a aussi vu que, de façon générale, et pas juste au sein des communautés musulmanes, beaucoup de chemin reste à faire pour en arriver à une société vraiment égalitaire. Il va de soi que l'éducation reste un de meilleurs moyens d'y arriver.

Il y a urgence. Près d'une femme sur quatre et d'un homme sur dix au Québec rapportent avoir vécu au moins une agression sexuelle avant l'âge de 18 ans. C'est énorme.

Il faut maintenant souhaiter que, tollé ou pas, le gouvernement du Québec ait enfin le courage d'aller de l'avant avec un programme d'éducation sexuelle digne de ce nom.