«Nous demandons "respectueusement" la démission du ministre Bolduc.»

Le libellé ironique de cette pétition lancée mardi par une citoyenne sur le site Avaaz.org fait sourire. Mise en ligne le jour même où le ministre Yves Bolduc déclarait que les fouilles à nu dans les écoles étaient permises pourvu qu'elles soient «respectueuses», la pétition a récolté plus de 7700 signatures.

Il est possible de demander bien des choses désagréables à son prochain de façon respectueuse. Mais humilier quelqu'un de façon respectueuse? Ça, non. C'est pourtant ce qu'a défendu le ministre Bolduc mardi. Appelé à commenter le cas de cette élève de 15 ans de Québec forcée de se déshabiller parce qu'on la soupçonnait de vendre de la drogue à l'école, il a défendu ce concept délirant de fouille à nu «respectueuse».

La fouille à nu, la Cour suprême l'a reconnu, est souvent une mesure humiliante. Pour une femme, cela peut être une expérience équivalant à une agression sexuelle. Dans tous les cas, il s'agit d'un geste extrême qui porte atteinte à la vie privée et à la dignité d'une personne.

La bourde du ministre Bolduc a fait le tour du monde. Des États-Unis à la France en passant par le Royaume-Uni, il a connu un moment de gloire dont il aurait pu se passer. De toute évidence, M. Bolduc a manqué de jugement. Quand on en est rendu à autoriser dans des écoles des fouilles à nu qui ne seraient même pas permises pour des détenus américains, c'est signe qu'on délire sérieusement.

Le lendemain, après que de nombreux points de vue éclairés de juristes se sont fait entendre, le ministre aurait pu tout simplement reconnaître son erreur et se rétracter. Il a préféré la voie d'évitement. Il a tenté de rattraper sa bourde en embrouillant davantage ses propos. Il fallait désormais revoir le protocole en matière de fouilles à nu. Il fallait mandater un expert indépendant pour établir les faits. Il fallait attendre un rapport avant d'intervenir... Comme si on avait besoin d'un rapport d'expert pour rappeler l'évidence: il est fortement recommandé de réfléchir avant de parler. Savoir de quoi on parle, c'est bien aussi. Une mise en garde élémentaire quand on occupe une fonction aussi importante que celle de ministre de l'Éducation.

Hier, talonné par l'opposition, le premier ministre Couillard a fini par désavouer son ministre. Pas question d'autoriser les fouilles à nu dans les écoles. «On n'en veut pas», a-t-il dit. Tant pis pour le rapport de l'expert indépendant attendu par M. Bolduc. Prière de le déposer directement sur une tablette...

Le premier ministre a aussi imposé une nouvelle consigne à ses ministres: interdiction de s'adresser aux journalistes avant d'avoir été conseillés en caucus. «C'est normal que les gens comprennent les faits, connaissent les faits, avant de répondre à des questions sur des sujets d'actualité, a dit M. Couillard. C'est le minimum requis. C'est un gouvernement.»

Toute ressemblance avec une situation embarrassante récente serait fortuite. Il ne faudrait y voir aucun lien avec la gaffe de M. Bolduc, a dit M. Couillard.

Connaître et comprendre les faits avant d'en parler, c'est le minimum requis pour tout ministre, on est bien d'accord. Mais se pourrait-il que le premier ministre confonde ici rigueur et contrôle de l'information?

Rien n'oblige un ministre à trop s'avancer sur un sujet qu'il ne connaît pas. Mais le minimum requis pour un gouvernement qui se veut transparent est de répondre aux questions des journalistes autrement qu'en ayant recours à des phrases façonnées à l'avance. La démocratie mérite mieux que ce musèlement respectueux.