Le Jour 1 de l'ère Couillard a été marqué par un retour en force du «boys club» au Conseil des ministres. Avec seulement 8 femmes sur 26 ministres, on est loin de la zone de parité promise par Philippe Couillard.

Surprenant? Non, pas vraiment. Quand on présente si peu de candidates dans des circonscriptions «gagnables», le résultat est malheureusement prévisible, comme l'observait Françoise David.

Décevant? Oui, très certainement. Il n'est pas normal qu'en 2014 le point de vue des femmes sur la marche du monde compte pour si peu.

La proportion de femmes au sein du Conseil des ministres nommé par Philippe Couillard n'est que de 30,7%. Pire encore, on ne retrouve aucune femme dans les postes-clés de l'État. Les «vraies affaires», pour l'essentiel, demeurent donc celles de politiciens cravatés.

La nouvelle ministre de la Justice et de la Condition féminine, Stéphanie Vallée, aura la mission délicate de déposer un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État - une charte de la laïcité qui ferait davantage consensus que celle du PQ. Mais en regardant la composition du Conseil des ministres, on se dit qu'une charte de la parité serait tout autant la bienvenue.

Au rythme où vont les choses, si on attend que les instances démocratiques deviennent naturellement égalitaires, on risque d'attendre très longtemps. N'est-il pas temps de mettre en place des mesures plus musclées?

Une loi sur la parité dans les instances démocratiques serait, à mon sens, une bonne façon de faire avancer l'égalité hommes-femmes. Mais elle n'aurait de sens que si on oblige, en amont, les partis politiques à présenter des listes électorales paritaires. En ce moment, mis à part Québec solidaire, aucun parti ne fait cet effort. Durant la dernière campagne, la CAQ n'avait que 22% de candidates. Le PLQ en avait 28%. Le PQ, 37%.

Si c'était facile d'avoir des listes électorales paritaires, tous les partis en présenteraient. Malheureusement, pour toutes sortes de raisons, recruter des candidates demande beaucoup plus de travail que de recruter des hommes. «Lorsqu'on les approche pour se présenter en politique, [les hommes] pensent tout de suite à ce qu'ils pourraient en retirer. Nous, nous pensons à ce que nous allons perdre», a déjà confié à ce sujet la députée Véronique Hivon (*).

Là où bien des hommes voient un tremplin, des femmes craindront un gouffre. Ce qui les rebutera souvent le plus, c'est la culture politique elle-même. Une culture de la bataille, où il ne faudrait pas afficher ses doutes. Or, moins elles sont nombreuses à proposer une autre façon de faire, plus c'est difficile. Comment briser ce cercle vicieux?

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Obliger les partis à présenter une liste électorale paritaire exige plus d'efforts, c'est vrai. Mais il faut penser que c'est toute la société qui gagnerait à faire élire des gouvernements égalitaires et représentatifs de la population.

Au lieu d'imposer une parité rigide 50-50 dans les cercles politiques, il serait plus intéressant de viser une zone de parité. On pourrait par exemple, comme le recommande le Groupe Femmes, politique et démocratie, inscrire dans la Loi électorale le principe de «zone de mixité égalitaire 40-60». Selon ce principe, toutes les instances démocratiques devraient être composées de représentants des deux sexes, minimalement à 40% et ne dépassant pas 60%. En plus d'exiger dès le départ une liste électorale paritaire, on pourrait aussi recourir temporairement à des quotas. Cela se fait déjà dans les conseils d'administration des sociétés d'État. Alors pourquoi pas en politique?

Malheureusement, dès qu'on parle de parité «obligée», bien des gens s'imaginent à tort qu'il s'agit d'une prime à l'incompétence. C'est pour cette raison que bon nombre de femmes politiques s'y opposent, y voyant une forme de discrédit. Il faut, à mon avis, travailler à changer ces perceptions erronées. Pourquoi ce débat finit-il toujours par soulever des doutes sur les compétences des femmes? Remet-on en question de la même façon les compétences des hommes?

Que l'on se rassure. Les incompétentes en jupe ne sont pas plus nombreuses que les incompétents cravatés. Pour cela, nul besoin d'une charte. Il semble déjà y avoir égalité!

Une charte de la parité ne consisterait ni à récompenser des incompétentes en jupe ni à faire passer le genre avant les compétences. Il s'agirait, à compétences égales, de redresser les inégalités du passé, dans le meilleur intérêt de toute la société.

* Citée dans Les femmes en politique changent-elles le monde ? de Pascale Navarro (Boréal, 2010).