Que reste-t-il du printemps étudiant? Au-delà du sentiment de victoire de ceux qui s'opposaient à une hausse des droits de scolarité, la plus importante grève étudiante de l'histoire du Québec laisse des séquelles que l'on aurait tort d'oublier. Elle a donné lieu à une vague d'arrestations comme on n'en avait jamais vu et à des dérives inquiétantes dont il faut à tout prix faire l'autopsie.

Un grand ménage du printemps 2012 s'impose. Un ménage qui doit prendre la forme d'une enquête publique sur les interventions policières du printemps dernier. Si vous doutez encore de la nécessité d'une telle enquête, lisez le texte de ma collègue Judith Lachapelle au sujet du tout premier rapport d'analyse sur la question qui sera rendu public aujourd'hui.

Brutalité policière, usage excessif de la force, arrestations de masse, profilage politique... Il y a là des dizaines de témoignages troublants qui donnent envie de hurler. Des témoignages qui montrent l'urgence de rétablir le lien de confiance mis à mal pendant la contestation étudiante.

La chose la plus inquiétante qui puisse arriver, c'est que cette vague de répression sans précédent au Québec contre un mouvement généralement pacifique ne provoque qu'un haussement d'épaules. Liberté d'expression? Bof!... Liberté d'association? Bof!... Arrestations massives? Bof!... Comme si c'était normal de criminaliser la contestation sociale lorsque le message ne nous plaît pas. Le gouvernement Charest, qui a diabolisé le mouvement étudiant en prétendant que le carré rouge était synonyme de violence et d'intimidation, a tout fait pour renforcer cette idée. Ce que plusieurs oublient, c'est que lorsque les droits d'une partie de la population sont ainsi bafoués, le recul démocratique vaut pour tous.

La gestion lamentable du conflit par le gouvernement libéral a permis au Parti québécois de prendre le pouvoir, sous promesse de faire les choses autrement. Pendant la grève, Pauline Marois, arborant le carré rouge avant de le remiser, se disait indignée par l'attitude de Jean Charest qui, selon ses mots, se battait «contre sa jeunesse». Elle promettait de prendre le parti de la justice et de l'équité.

Un an plus tard, que reste-t-il de cet engagement? La hausse des droits de scolarité a été annulée. Ce n'est pas un détail dans l'histoire. Mais cela n'efface pas pour autant la nécessité de faire la lumière sur les abus policiers qui ont ébranlé la confiance d'une partie de la population depuis le printemps 2012. La justice et l'équité ne passent-elles pas aussi par cet exercice essentiel?

Depuis un an, de nombreuses voix ont réclamé une enquête publique sur les interventions policières durant la grève étudiante. Une pétition signée par 11 000 personnes a été déposée à l'Assemblée nationale. Amnistie Internationale, la Ligue des droits et libertés, un collectif d'enseignants et une soixantaine d'autres groupes ont fait part de leurs préoccupations au gouvernement.

Et puis? Et puis, presque rien. L'automne dernier, le ministre de la Sécurité publique fraîchement élu, Stéphane Bergeron, a dit qu'il n'excluait pas la tenue d'une enquête publique. À la mi-février, il a encore répété qu'il ne l'excluait pas en ajoutant qu'il en était à «examiner les différentes options» afin de ne pas court-circuiter le processus de déontologie en cours. Vendredi, à son cabinet, personne n'a répondu à mon appel à ce sujet.

Bref, il semble que l'on en soit toujours au même point. Le ministre ne l'exclut pas, mais il ne l'inclut pas non plus... Mais encore? N'est-il pas l'heure de conclure?