Je voulais écrire une chronique sur la loi 101 dans les garderies. Mais comme c'est souvent le cas depuis l'avènement au pouvoir du gouvernement péquiste, le sujet qui en est un le matin se dégonfle l'après-midi venu. En fin de journée, on finit par ne plus parler de rien, sinon de l'excellente ligue d'improvisation du cabinet de Pauline Marois.

Improvisation mixte ayant pour titre cette fois-ci: le français à la garderie. Nombre de joueurs: deux. Catégorie: cacophonie ministérielle. Durée: 24 heures.

La loi 101 dans les garderies, oui, nous le voulons, a dit la ministre de la Famille, Nicole Léger, avant-hier, en se lançant la première sur la patinoire. En entrevue à La Presse Canadienne, elle a confirmé que le gouvernement Marois allait abolir le libre choix de langue en milieu de garde, afin d'accélérer le processus d'intégration à la majorité francophone.

Au petit matin, les chou-claques se ramassaient à la pelle. En après-midi, la ministre Diane De Courcy, responsable de la Charte de la langue française, a fait son apparition sur la patinoire, l'air peu ravie par cette pluie de claques. Elle a rabroué publiquement sa collègue. Il est hors de question d'appliquer la loi 101 dans les garderies telle qu'elle est appliquée dans les écoles primaires et secondaires, a-t-elle dit, le ton courroucé. Elle n'a pas eu à ajouter: «Que Nicole Léger se mêle de ses oignons!» C'était implicite.

Diane De Courcy n'a visiblement pas aimé que des éléments à l'étude de son projet de renforcement de la loi 101 soient étalés sur la place publique par sa collègue. «Ce n'est ni oui ni non», a-t-elle dit. Ni oui ni non, bien au contraire?

Quel que soit le projet qui sera finalement proposé, la ministre a dit qu'il devra prendre en compte deux dimensions. D'un côté, les préoccupations légitimes du gouvernement quant à l'apprivoisement de la langue française dans la petite enfance. De l'autre, la volonté tout aussi légitime que le CPE soit en continuité avec le milieu familial, dans sa langue maternelle.

Il eût été pour le moins inconséquent que l'ancienne présidente de la très multiethnique Commission scolaire de Montréal (CSDM) occulte cette deuxième dimension en exigeant que toutes les garderies en milieu familial allophones deviennent francophones d'un seul coup de baguette magique.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le fait d'acquérir le français dès l'âge préscolaire pour un enfant immigrant n'est pas ce qui le prédispose le mieux à la réussite scolaire. «L'important, c'est que l'enfant ait de bonnes habiletés langagières. Qu'ils les aient en français, en arabe, en chinois, c'est plus ou moins secondaire», me confirme, études à l'appui, Andréanne Gagné, professeure de didactique des langues à l'UQAM.

Dans la pratique, à moins de faire pousser dans les arbres des places dans des garderies de qualité en français, le fait de rendre le français obligatoire dès la petite enfance n'assure pas forcément une meilleure maîtrise de la langue. Cela pourrait même avoir des effets contre-productifs. Pour le bien des enfants, des éducatrices allophones en milieu familial ont tout intérêt à continuer à bien parler leur langue maternelle plutôt que de mal parler le français.

Diane De Courcy, qui a déjà milité à la CSDM pour un meilleur enseignement des langues maternelles, le sait très bien. «L'élève qui maîtrise bien sa langue d'origine est meilleur en français», a-t-elle déjà dit en parlant de l'importance du Programme d'enseignement des langues d'origine (PELO) à la CSDM, mis sur pied en 1978 sous le gouvernement de René Lévesque.

Dans ce débat sur la langue, le Parti québécois nous a habitués aux paradoxes. Un jour, ce parti nous dit que ce serait dangereux d'enseigner l'anglais aux enfants de 1re, 2e et 3e année parce que leur langue maternelle n'est pas assez solide. La semaine suivante, ce même parti nous dit que, pour les allophones dans des garderies en français, il n'y a aucun risque. «Si un fait scientifique est vrai, il devrait l'être pour les deux populations», observe Andréanne Gagné.

Ici, dans les deux cas, on a tout faux. Vive l'improvisation.