J'ai raconté dans ces pages, à Noël, l'histoire de Renaud Vinet-Houle, jeune Québécois adopté au Pérou qui, à 24 ans, a retrouvé sa famille biologique après trois clics dans Facebook. Richard Lemieux a lu l'histoire. Il a donné l'article à sa grande fille, Valérie.

Comme Renaud, Valérie a été adoptée au Pérou. Comme Renaud, elle a fait des démarches pour retrouver sa mère biologique. Elle a même participé à l'émission de Claire Lamarche avec son grand frère, Carlos, adopté en même temps qu'elle. En vain.

Ses parents lui ont toujours dit que c'était par amour que sa mère avait choisi l'adoption. Mais Valérie doutait. Elle voulait en savoir plus.

Le père de Valérie a vu dans l'histoire de Renaud une nouvelle piste pour sa fille de 30 ans. «Essaie de lui parler, il peut te donner des trucs.»

Valérie a écrit à Renaud sur Facebook. Elle lui a raconté son histoire et celle de son frère. Ils ont échangé des messages. Ils se sont aperçus qu'ils avaient eu le même genre de vie, avaient habité le même quartier et avaient eu la chance tous les deux de grandir dans de bonnes familles, avec de bons parents.

Après les Fêtes, Renaud avait prévu se rendre au Pérou pour un séjour de deux mois avec sa famille péruvienne. Il a offert à Valérie de prendre en note tous les renseignements qu'elle avait sur sa famille biologique et de faire des recherches sur place. Qui sait? Elle lui a donné tous les indices dont elle disposait - les noms, les dates de naissance, le nom du quartier de Lima où elle est née. Elle savait que son frère Carlos et elle n'avaient pas le même père. Elle savait aussi qu'ils avaient un autre frère, plus vieux qu'elle, plus jeune que Carlos, qui était parti vivre avec son père.

Valérie avait peu d'espoir. Il y a quelques années, elle s'était rendue au consulat du Pérou, rue Sherbrooke. «Je cherche ma mère biologique. Est-ce que c'est possible de taper son nom? Consuelo Romero Valles.» La dame du consulat a vérifié. Son ordinateur lui a répondu que cette femme était décédée ou inconnue. Valérie a quitté le consulat en pleurant, déçue.

Au Pérou, avec l'aide de sa soeur Jessica, Renaud a réussi à obtenir la fiche d'identité de la mère biologique de Valérie. Il y avait une photo et une adresse. Un samedi matin de janvier, il a envoyé un message Facebook à Valérie. «Achète-toi une carte d'appel et appelle-moi. J'ai des informations à te donner sur ta famille.»

Valérie a appelé à Lima, nerveuse. Elle a su que sa mère biologique était en vie. «Dans 45 minutes, je pars à sa recherche!» lui a dit Renaud.

«Voyons donc! a-t-elle pensé. C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin! J'ai continué ma journée comme si de rien n'était.» Savoir que Consuelo était vivante, c'était déjà pas mal.

Pendant ce temps, au Pérou, Renaud et Jessica ont fait deux heures de route en autocar sous un soleil brûlant pour entreprendre des recherches. Arrivés à Lima, ils se sont vite rendu compte que trouver une personne dans une aussi grande ville ressemblait à une mission quasi impossible. Ils ont tourné en rond pendant quelques heures pour trouver l'adresse qui se trouvait sur la fiche d'identité. En descendant du taxi à l'adresse indiquée, ils se sont retrouvés devant un dépanneur. Renaud a eu un doute.

Est-ce que Mme Consuelo Romero Valles habite ici? À leur grande surprise, une femme dans la cinquantaine est apparue sur le seuil de la porte. Renaud avait sa photo en main. C'était bien elle. Il l'a tout de suite reconnue. Il trouvait qu'elle ressemblait à Valérie. «Je suis venue vous voir à cause de votre fille.»

La dame était sous le choc. «Ma fille?» Elle a tout de suite compris.

Elle les a fait entrer dans sa maison. Renaud était hypernerveux. Il lui a raconté sa propre histoire, l'article dans La Presse, la quête de Valérie. À 17h30, il a envoyé un texto à Valérie, qui se préparait tranquillement à souper avec sa petite soeur, Isabelle. «Appelle-moi vite. Je suis avec ta mère biologique.»

Dix minutes plus tard, le téléphone de Renaud a sonné. «Je suis avec ta famille biologique!» Valérie était bouche bée. Après 30 ans de séparation, elle retrouvait cette mère qu'elle ne connaît pas. Elle en avait rêvé. Mais elle n'arrivait pas à y croire. «Je n'étais même pas encore émue. J'étais sous le choc.»

Elle qui parle un peu espagnol ne trouvait plus ses mots. Elle a appris que Consuelo s'était remariée et avait eu d'autres enfants. Sa situation s'était améliorée depuis l'époque où, seule et pauvre, elle avait dû se résigner à donner deux de ses enfants en adoption dans l'espoir qu'ils aient une vie meilleure.

Valérie a d'abord parlé à sa soeur et à son petit frère péruviens, dont elle ignorait l'existence. «Hola, hermana!» Elle a parlé à sa mère biologique, frustrée de ne pas avoir assez de mots pour se faire comprendre. «Mi hijita, mi hijita!»

Émue aux larmes, Consuelo a dit qu'elle pensait toujours à elle et à Carlos. Toute sa vie, elle avait rêvé de les retrouver. Entendre Consuelo lui dire qu'elle ne l'avait jamais oubliée a enlevé un poids des épaules de Valérie.

Le soir même, Renaud, fier artisan de ces retrouvailles, lui a envoyé sur MSN une petite vidéo de salutations. On y voit sa famille péruvienne se présenter à la caméra. Consuelo, en larmes, dit à Valérie son bonheur de l'avoir enfin retrouvée.

Pour Valérie, c'était comme une révolution. Fébrile, elle a annoncé la nouvelle à son frère Carlos. Elle a annoncé la nouvelle à ses parents. Ils étaient heureux. Ils étaient émus. Pour la première fois de sa vie, elle a vu pleurer son père.

Sa mère, Carmen Paquin, a pleuré aussi. Des pleurs de bonheur. «C'est dur à expliquer, dit-elle. On accompagne notre enfant dans la recherche de ses parents, mais c'est notre enfant.»

Valérie a regardé la vidéo en boucle des dizaines de fois. Elle a passé par toutes les émotions. Excitée, anxieuse, heureuse, sceptique. Elle s'est mise à douter. Et si ce n'était pas vraiment sa famille? «Certains disent qu'ils me ressemblent. Mais moi, je trouve que tous les Péruviens se ressemblent!» me dit-elle en riant.

Ses parents ont dissipé ses doutes. Il y a assez d'indices et de concordances dans les dates et dans les lieux pour croire que cette femme est bel et bien sa mère biologique et que cette histoire n'a pas été inventée.

Valérie a eu 30 ans le 22 janvier. Pour la première fois de sa vie, sa mère biologique l'a appelée. «Mi hijita, mamacita, je t'aime. Quand est-ce que tu viens me voir?»

Lundi, Valérie ira avec son père acheter un billet d'avion pour Lima.