Ivre au volant, devant des caméras, au fond d'un fossé virtuel à Longueuil?

Il y a des jours comme ça où je trouve que je fais un drôle de métier.

Je me suis donc prêtée à cet exercice avec le simulateur de conduite du CAA-Québec, curieuse de savoir de façon très concrète ce que cela signifierait d'abaisser à 0,05 l'alcoolémie acceptable au volant. Mais je n'avais pas besoin de ce test pour me convaincre qu'il est dangereux de conduire en état d'ébriété. Les bilans routiers me suffisent. Entre prendre le risque de tuer quelqu'un et prendre un taxi, il n'y a pas à hésiter.

Après une bière et trois verres de vin pris en mangeant, mon alcootest marquait déjà 0,08. Pour la même quantité d'alcool, Yves Boisvert n'en était qu'à 0,05. Au volant du simulateur, j'ai pu éviter tout accident en me montrant très prudente - comment faire autrement lorsque l'on se sait surveillée et filmée? Mais cet excès de prudence devenait en soi dangereux, ont noté avec raison les gens du CAA.

 

Une heure plus tard, quand j'ai soufflé dans l'éthylomètre, j'en étais à 0,068. En principe, selon les normes actuelles, je pouvais donc prendre le volant en toute légalité. Est-ce à dire que j'étais plus apte à conduire? Pas vraiment. Le test m'a entraînée dans le brouillard, sur une route de montagne sinueuse. Yves a raison, c'était un peu arrangé avec le gars du CAA. Mais quand même... Le propre de l'imprévu, c'est d'être imprévisible. Sans trop savoir ce qui m'arrivait, j'ai fait une mauvaise manoeuvre et me suis retrouvée dans le fossé. C'était la faute du fossé, j'en étais convaincue. Que faisait-il là?

Abaisser à 0,05 le taux au-delà duquel un automobiliste ne devrait plus conduire n'est certainement pas LA solution miracle pour éviter tous les fossés de l'alcool au volant. Mais cela me semble tout de même une règle raisonnable que l'on gagnerait à appliquer. D'autant plus que la mesure envisagée est administrative - elle servirait avant tout d'avertissement au chauffeur qui a quelques verres dans le nez. Le conducteur pincé avec un taux oscillant entre 0,05 et 0,08 n'aurait ni points d'inaptitude ni dossier criminel. Juste une humiliante tape sur les doigts et une interdiction de conduire pendant 24 heures.

Une mesure paternaliste? Oui, j'en conviens, car la majorité des accidents mortels liés à l'alcool ne sont pas causés par des conducteurs de la catégorie 0,05-0,08. Mais si la règle du 0,05 peut éviter quelques tragédies et réduire le nombre d'automobilistes qui oseront prendre la route dans un état d'ébriété encore plus avancé, pourquoi pas? Un mort, c'est un mort, ce n'est pas une statistique. Parlez-en à ceux qui restent.