Où se trouve le Montréal mongol? Les femmes hassidiques prennent-elles la pilule? Par où commencer si on veut découvrir le véritable Montréal de souche?

J'ai trouvé réponse à toutes ces questions et à bien d'autres dans le fascinant Guide du Montréal multiple que viennent de publier mes collègues Jean-Christophe Laurence et Laura-Julie Perreault (1).

 

Le multiculturalisme est en train de mourir, disait la semaine dernière son grand pourfendeur Neil Bissoondath, appelé à commenter à Maisonneuve en direct la forte hausse des unions mixtes au pays. Il meurt et c'est tant mieux. Car c'est justement sur sa tombe que fleurit le Montréal multiple où nous entraînent Jean-Christophe et Laura-Julie.

On est loin ici du catalogue Sears des communautés ethniques. Même si le Guide du Montréal multiple présente au fil des chapitres les différentes communautés de la mosaïque montréalaise, on voit bien que les frontières entre chacune d'elles sont poreuses. Et que l'avenir réside dans cette porosité.

La richesse de la ville réside dans ce joyeux métissage. C'est ce qui nous éloigne du multiculturalisme-ghetto et de son folklore. C'est aussi ce qui a donné bien des maux de tête aux auteurs du guide qui avaient la dure tâche de catégoriser des Montréalais dont l'identité multiple se contente rarement d'une seule petite case. Les trois-quarts des gens que les auteurs ont rencontrés pour ce livre leur disaient d'ailleurs: «Je ne suis peut-être pas la personne que vous cherchez. Moi, je ne suis vraiment pas impliqué dans ma communauté...» Comme si finalement la seule identité capable d'embrasser toute cette multiplicité, c'est justement l'identité montréalaise.

 

Pour la petite histoire, le Guide du Montréal multiple est né d'une conversation au-dessus d'une photocopieuse de la salle de rédaction de La Presse. Laura-Julie, journaliste aux pages internationales, revenait de l'Inde, où elle avait passé quelques mois. La crise des «accommodements raisonnables» battait son plein. «On a besoin de ce livre plus que jamais», se disait-elle. Car réduire la diversité montréalaise aux questions religieuses et aux burqas, ce n'est pas lui rendre justice. La célébrer en portant des lunettes roses, non plus. Laura-Julie voulait d'un guide qui montre bien qu'il n'y a pas de «Nous» et de «Vous» à Montréal, sans pour autant nier les maux qui affectent certaines communautés, que ce soit le chômage, les querelles internes ou différents problèmes sociaux.

Quant à Jean-Christophe, journaliste aux pages culturelles, il cherchait avant tout une façon de voyager à peu de frais. «Je n'avais ni les moyens ni le temps de voyager autant qu'avant. Je me suis dit que je pouvais voyager ici même à Montréal et que le dépaysement était vraiment au coin de la rue.» Il est ainsi parti à la découverte du monde qui se trouvait dans sa cour arrière. Que l'on soit à Brossard ou dans Parc-Extension, il suffit de cogner, d'entrouvrir une porte pour que des gens, qui le plus souvent n'attendent que ça, nous accueillent. Le temps d'une conversation ou d'un repas, on change d'espace-temps. Et on réalise que ce voisin que l'on croyait si différent nous ressemble aussi.

Si un Montréalais sur cinq est né à l'étranger, tous portent l'immigration dans leur ADN, aiment rappeler les deux auteurs «pure laine», eux-mêmes immigrants à leur façon - ils sont originaires de la région de Québec. Ils ne viennent peut-être pas de loin, mais eux aussi, un jour, ont déposé leur valise à Montréal pour y tenter leur chance.

Même s'il décline quantité d'adresses qui plairont aux gourmands et aux curieux, le guide de ces deux amoureux de Montréal est beaucoup plus qu'une liste de tuyaux pour manger japonais, trouver une épicerie haïtienne ou sortir dans un cabaret bollywoodien. Il nous amène aussi à la rencontre de personnages métissés fascinants. Un sikh qui fabrique des bagels, un rabbin qui joue du métal, un hindou qui se déguise en Elvis... On réalise finalement que le plus intéressant, ce n'est pas tant la préservation de cultures figées que leur transformation constante. Pas tant les racines de tous ces gens venus d'ailleurs que ce qu'ils deviennent au contact des autres.

(1) Guide du Montréal multiple, Jean-Christophe Laurence et Laura-Julie Perreault, Boréal, 2010. Comme le Montréal multiple change tous les jours, on peut suivre les suggestions des deux auteurs sur leur blogue www.montrealmultiple.com et sur twitter @mtlmultiple

Photo: Martin Chamberland, Archives La Presse

Au café Jounieh, à Ville Saint-Laurent, les clients peuvent boire un thé sucré tout en fumant la shisha.