L'égalité pour tous, sauf pour les homosexuels? Est-ce là la conception de l'égalité que défend Benoît XVI? La question se pose à la suite des déclarations controversées qu'a faites le pape au sujet d'un projet de loi britannique sur l'égalité, que le Vatican voit d'un très mauvais oeil.

«Votre pays est bien connu pour son engagement résolu en faveur de l'égalité des chances pour tous», a dit le pape lors d'un discours prononcé devant les évêques catholiques anglais et gallois. «Cependant, certaines lois destinées à réaliser cet objectif imposent des restrictions injustes à la liberté des communautés religieuses d'agir en accord avec leurs croyances.»

 

Selon le pape, les mesures en faveur de l'égalité enfreignent, à certains égards, «la loi naturelle sur laquelle est basée l'égalité de tous les êtres humains et par laquelle elle est garantie».

Le projet de loi auquel fait référence Benoît XVI fait peur aux paroisses catholiques britanniques. Elles craignent qu'on leur enlève leur droit actuel de refuser, par conviction religieuse, les candidatures d'homosexuels ou de transsexuels. Elles craignent aussi d'être exposées à des poursuites (voir le texte de ma collègue Mali Ilse Paquin en page A8).

Pourtant, concrètement, ce projet de loi, qui vise à lutter contre toutes les formes de discrimination, ne va pas jusqu'à obliger l'Église à embaucher des femmes comme prêtres. Le droit du Vatican de rejeter la candidature de femmes à la prêtrise n'est pas du tout remis en question. Le politique n'ira pas s'immiscer dans les affaires de l'Église de cette façon. Il s'agira plus modestement, pour reprendre un exemple lancé par un député travailliste, de permettre à un jeune homme de 22 ans qui postule un emploi de laveur de vitres à l'église du quartier de ne pas être rejeté d'emblée parce qu'on le soupçonne d'être un amateur de The Village People ou, pire encore, un gai sorti du placard.

On est loin de la révolution. Mais pour le pape, qui a demandé aux évêques de combattre ce projet de loi avec un «zèle missionnaire», pas question de céder. L'égalité, oui, d'accord... pourvu que l'Église puisse continuer à pratiquer la discrimination comme elle l'entend, en accord avec ses croyances religieuses homophobes. Tous égaux, sauf les gais. Voilà le message troublant du Vatican, pourtant censé faire la promotion des valeurs d'amour et de charité.

Aussi archaïque soit-il, ce message n'a malheureusement rien d'étonnant. Et il n'est malheureusement pas non plus une exclusivité catholique - l'islam et le judaïsme ne font pas mieux. Pour le Vatican, l'homosexualité demeure un phénomène anormal et inquiétant. Une «orientation sexuelle clairement dérangée». Même si le Vatican, jouant sur les mots, qualifie de péchés les actes homosexuels et non l'homosexualité elle-même, ce n'est pas d'hier qu'il cautionne l'homophobie. «L'Église a conçu un discours incohérent en disant: «On n'a rien contre les homosexuels, c'est contre les pratiques homosexuelles qu'on en a»», souligne le militant gai Laurent McCutcheon. Mais si elle n'a vraiment rien contre les homosexuels, pourquoi s'oppose-t-elle ici à un projet de loi en faveur de l'égalité qui n'a rien à voir avec les pratiques sexuelles? demande-t-il.

Si les temps et les mentalités changent, si les droits des homosexuels sont plus largement respectés en Occident, l'Église catholique reste toujours réfractaire au changement. J'ai rappelé à M. McCutcheon que nous avions eu exactement la même conversation il y a cinq ans, à la suite de la mort de Jean-Paul II. Il m'avait alors dit espérer que le prochain pape soit plus ouvert. Il rit d'un rire amer quand je le lui rappelle. «Ça n'a pas marché!»

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca