La nouvelle la plus déprimante pour Montréal :

La réélection de Gérald Tremblay, le maire qui ne voit rien. Il y a eu des scandales à l'hôtel de ville. Des histoires d'enveloppes brunes. Des contrats surévalués. Des allégations de collusion et de favoritisme mafieux. Il y a eu tout cela. Mais le maire Tremblay dit n'avoir rien vu ou presque. Il a été réélu avec un haussement d'épaules, comme si tout cela importait peu. Qu'est-ce que cela prendrait? Et à quand une commission d'enquête pour faire la lumière sur les recoins sombres de la cité?

La rencontre la plus bouleversante :

Ma rencontre avec Adrian Cernea, 87 ans, ce professeur de Polytechnique qui a vu Marc Lépine entrer dans sa classe. «J'ai beaucoup réfléchi à ce qui s'est passé, m'avait-il dit, la voix brisée. J'aimerais vous en parler.»

Vingt ans après la tragédie, le professeur à la retraite m'a raconté son 6 décembre comme pour tenter de s'en débarrasser. «Marc Lépine a tué mes étudiantes, répétait-il, furieux, comme s'il n'arrivait toujours pas à y croire. Elles avaient l'âge de ma fille.»

L'homme m'a parlé de sa douleur, de son indignation, de son sentiment de culpabilité. Il m'a aussi, en passant, raconté tout un siècle. De son père qui a survécu au pogrom de Iasi, sa ville natale, à ses proches emportés par la guerre. De l'horreur signée Staline à l'horreur signée Hitler. Et puis, le regard fier, il m'a parlé de la réussite de sa propre fille. Il avait dû l'élever seul, sa femme n'ayant pas survécu à l'accouchement. Ému, il m'a raconté comment, en un jour, il était devenu veuf et père. La mort l'assommant d'un côté, la vie le tirant de l'autre. «J'étais seul avec un enfant d'un jour dans les bras. C'est elle qui m'a donné la force de vivre.» Un siècle. Une vie. Une leçon de vie.

L'initiative la plus inspirante :

La Maison bleue, véritable maison des miracles dans le quartier Côte-des-Neiges. Fondée par la Dre Vania Jimenez, sa fille Amélie Sigouin et une petite équipe aux grands idéaux, cette maison fait de la «périnatalité sociale» comme le Dr Gilles Julien fait de la pédiatrie sociale. On y crée un village autour de femmes enceintes vulnérables. On brise leur solitude, souvent pire encore que la pauvreté. On rassemble autour d'elles, dans une même maison chaleureuse, un médecin, une sage-femme, une infirmière, une travailleuse sociale, une éducatrice spécialisée, des épaules sur lesquelles s'appuyer au besoin. On mise sur la prévention. On s'assure que rien ni personne ne tombe dans les craques du système. Et cela fait, oui, des miracles.

L'assignation la plus triste :

C'était un matin de mars. Le froid nous glaçait les os. Un père, cardiologue, accusé d'avoir tué ses enfants. Drame familial à Piedmont. Un garçon de 5 ans. Une fillette de 3 ans. Deux enfants poignardés, victimes d'un conflit qui n'était pas le leur. Injustifiable, inexplicable. C'était le jour des funérailles. Une tristesse infinie dans l'air. Le ciel était gris et muet. Certains essayaient de le faire parler. En vain. J'étais plantée là, devant le complexe funéraire, avec mon calepin et un stylo. Mon stylo ne marchait pas, il faisait trop froid. Un froid qui disait tout.

L'école de l'année :

L'école pour raccrocheurs Félix-Antoine, à Montréal. C'est une formidable école qui fonctionne avec les moyens du bord depuis 10 ans. Elle réussit là où tout le monde avant elle avait échoué. Des laissés-pour-compte du système en sortent avec un diplôme d'études secondaires. Malgré sa mission essentielle, l'école vivote sans aucune subvention. Ses professeurs sont tous bénévoles, ce qui est à la fois admirable et scandaleux. Ils sont obligés d'organiser des soupers spaghetti pour payer le loyer. Ils aimeraient bien que l'on sauve leur école. Moi aussi.

La menace la plus exagérée :

Celle de la pandémie de grippe A (H1N1). D'accord, mea-culpa. Parfois, mon jupon de mère poule dépasse un peu. Si l'imprévisible se prévoyait, ce serait plus simple.

La question irrésolue :

Celle de la laïcité que nous voulons pour le Québec. Un an et demi après la publication du rapport Bouchard-Taylor, faute de courage politique, le débat reste entier. Il subsiste de nombreuses zones d'ombre où la religion vient entre autres égratigner l'égalité homme-femme. Esquiver la question ne la règle pas. Laisser le champ libre aux marchands de peur, non plus. Au-delà des beaux discours sur la diversité, il faudra que l'État assume son rôle d'arbitre et se décide enfin à instaurer des balises.

Le discours le plus inspirant :

Le discours d'investiture de Barack Obama, le 20 janvier. Il ventait à Washington. Et même à Montréal, devant ma télé, cette drôle d'impression de sentir le vent. En misant sur l'espoir plutôt que sur la peur, en proclamant que les États-Unis n'ont pas à choisir entre la sécurité et leurs idéaux, Obama annonçait que les années Bush étaient bel et bien terminées. Une page sombre de l'histoire était enfin tournée. Exit l'ère de l'arrogance.