L'Internet, on s'en doute un peu, n'est pas qu'un formidable outil de démocratisation du savoir. C'est aussi un puissant outil de banalisation du crime et de l'exploitation sexuelle d'enfants. Un paradis pour pédophiles qui multiplient en un seul clic les chances de trouver une jeune proie innocente.

Plus de 460 cas de leurres d'enfants ont été rapportés au pays en 2006 et 2007, nous disait hier Statistique Canada, qui dévoilait sa première étude sur le sujet. Leurrer un enfant, selon la modification apportée au Code criminel en 2002, c'est communiquer avec lui au moyen d'un ordinateur dans le but de faciliter une infraction criminelle, comme la possession de pornographie juvénile ou l'incitation à des contacts sexuels.  

C'est un phénomène dont on commence à peine à mesurer l'ampleur et la gravité. Car le plus souvent, tout se passe en silence. La majorité des cas ne sont pas signalés aux autorités. Aux États-Unis, on estime que moins de 10 % des enfants et des adolescents qui ont fait l'objet d'avances sexuelles sur le web ont signalé la chose en 2005, relève l'étude de Statistique Canada. Le plus souvent, ils sont trop effrayés ou embarrassés pour le faire. Parfois, ils ne disent rien non plus parce qu'ils ne saisissent pas la gravité de la situation.

 

Ici, des recherches indiquent que les jeunes adoptent trop souvent des comportements susceptibles d'accroître leurs risques d'être victimes d'exploitation sexuelle sur le web: échanges de renseignement personnels sur l'Internet, diffusion de photos en ligne, clavardage avec des étrangers, visite de sites web pour adultes. Tout cela fait d'eux des cibles potentielles faciles pour les prédateurs sexuels.

 

En prenant connaissance de cette étude qui ne nous révèle qu'une toute petite parcelle du problème de l'exploitation sexuelle dite «en ligne», je n'ai pu m'empêcher de repenser au malaise que j'ai ressenti en lisant hier une lettre publiée dans les pages Forum au sujet des accusations portées contre Jean-François Harrisson.

 

L'auteur de la lettre, le comédien Michel Mongeau, y faisait un plaidoyer pour le «droit à l'erreur» et pourfendait l'hypocrisie de certains médias dans cette affaire. Ce faisant, il donnait malheureusement l'impression de minimiser la gravité des accusations qui pèsent contre la vedette de VRAK.TV. Selon lui, s'il est reconnu coupable, Harrisson – chez qui l'on a entre autres saisi des photos montrant des agressions sexuelles commises contre de jeunes enfants – n'aurait fait qu'une « bêtise », une «grosse bêtise». Il n'aurait que «gaffé».

 

À mon sens, peu importe l'issue de ce procès, un fait demeure. La possession et la distribution de matériel de pornographie juvénile ne peuvent pas, ne doivent pas, être réduites au statut de «grosses bêtises». Une bêtise, aussi grosse soit-elle, n'est qu'un manque de jugement. Des bêtises, nous en faisons tous. Alors qu'ici, on parle d'abord et avant tout d'actes criminels. On parle d'exploitation sexuelle d'enfants, la pire forme d'exploitation qui soit. On parle d'un phénomène qui ne peut absolument pas être banalisé. D'autant plus que des études montrent très clairement que ceux qui regardent ou échangent des images d'exploitation sexuelle d'enfants présentent un risque accru de commettre eux-mêmes une agression, rappelle le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants.

 

Des pédophiles échangent tous les jours sur l'Internet des images pornographiques d'enfants, rappelait hier Statistique Canada. Jamais l'industrie de la pornographie juvénile ne s'est aussi bien portée. Les sites prônant des relations sexuelles entre enfants et adultes pullulent. Certains pédophiles tentent même de faire valoir leurs droits en tant que minorité sexuelle incomprise. Dans un tel contexte, ne nous leurrons pas. La pire attitude à prendre devant ce phénomène aussi inquiétant qu'indéfendable, c'est la banalisation.