Depuis que Montréal a enterré son Grand Prix et même craché sur sa tombe, les suggestions ne manquent pas pour assurer sa succession. Pour attirer le touriste et l'argent du touriste, certains rêvent d'un Red Bull Air Race - une compétition d'aviation extrême au-dessus de l'eau. Ou encore de jeux olympiques de sports extrêmes pour «rajeunir la ville». Personne n'a encore suggéré une compétition extrême de castors en motocross, mais ce n'est sans doute qu'une question de temps.

Un festival des festivals? Un méga gala de boxe? Une bébelle extrême? Non, les suggestions ne manquent pas. Mais pour la vision, il faudra repasser. À ce chapitre, Montréal demeure malheureusement une orpheline pleine de talents, une has been sympathique qui attend que l'on relance sa carrière internationale.

 

Que faire? La mort du Grand Prix de Montréal est l'occasion d'un nouveau remue-méninges sur la question. Un exercice toujours intéressant et même essentiel pour la ville. Malheureusement, les premières propositions qui en découlent nous laissent, comment dire, un peu sur notre faim.

Une idée, même mauvaise, vaut sans doute mieux que pas d'idée du tout. Elle peut faire naître des discussions qui nous mèneront ailleurs. Mais on a parfois l'impression qu'à défaut de savoir où elle va, Montréal est devenue une experte en discussions sans lendemain. Du sommet de Montréal au sommet de la culture, combien de fois a-t-on brassé des idées comme l'on brasse de la soupe, distraitement, en pensant à autre chose? Il me semble que, depuis le temps, la soupe devrait être prête. Il serait temps que le chef invite les hôtes à s'asseoir et qu'il dévoile son menu. Mais pour ça, encore faudrait-il qu'il y ait un chef dans la salle.

Quelle soupe choisir pour Montréal? À mon sens, le projet qui placera Montréal dans le circuit international des métropoles culturelles doit en être un qui lui ressemble. Un projet de marque audacieux qui racontera aux touristes une histoire originale. Si l'on tient au «Red Bull Air Race», je n'ai rien contre, mais ce n'est pas tout à fait ce que j'entends par projet de marque audacieux.

Alors quoi? L'idée la plus porteuse à mes yeux demeure celle de Daniel Gill, professeur à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal. Que propose M. Gill? Il nous dit que, pour attirer les touristes, Montréal doit s'inspirer du modèle Bilbao et oser se doter d'un «grand équipement culturel d'envergure internationale».

Quel genre d'équipement? Ce pourrait être un grand musée thématique, ancré dans notre histoire, dans notre imaginaire, créé par un architecte de renom. Un lieu qui permettrait de grandes expositions internationales. Un endroit incontournable où l'on aurait vraiment envie d'emmener le touriste qui n'aurait qu'une heure à Montréal.

N'a-t-on pas déjà investi pour un Quartier des spectacles? C'est vrai. Il s'agit d'un beau projet pour Montréal. Mais cela ne suffit pas. «Aucune ville ne s'est mise sur la mappe avec un Quartier des spectacles», rappelle avec raison Daniel Gill.

N'est-ce pas irresponsable d'investir dans un grand musée alors que l'économie pique du nez? Pas si l'on voit la culture comme un moteur économique. Ce qui est irresponsable, c'est les visions à courte vue et le saupoudrage improvisé. Les 22 millions de dollars par an offerts par les gouvernements pour le Grand Prix pourraient être mieux investis ailleurs. C'est suffisant pour se payer une hypothèque de 300 millions, plaide Daniel Gill. «Avec cela, on se paie un des plus beaux musées de la planète, du plaisir 12 mois par année, une image de marque pour Montréal et des touristes par milliers.»

Vous n'y croyez pas? Une petite ville espagnole comme Bilbao y a cru. Et ça a marché. Il n'y a pas si longtemps, Bilbao, c'était Pittsburgh. Rien de plus qu'une petite ville industrielle ordinaire en déclin. La ville s'est redéfinie en 1997 en misant sur la culture. Elle est devenue une source d'inspiration pour plusieurs autres villes du monde. Son musée Guggenheim à l'architecture audacieuse est devenu une image de marque. Il attire un million de visiteurs qui dépensent environ 250 euros par jour. Ce qui fait 250 millions d'euros par année. Ajoutez à cela un autre million de visiteurs qui vont à Bilbao simplement voir le musée, sans même y entrer et vous avez là un projet qui est aussi bon pour la ville et sa fierté que pour son économie.

Si l'on ose y croire, voilà qui pourrait ressembler à un projet «déclencheur pour l'économie, le tourisme et l'emploi», pour reprendre l'expression de Gérald Tremblay. Vous ne pensez pas, monsieur le maire?

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca