«Tu vas à Longueuil?» J'ai eu le droit à quelques regards perplexes quand j'ai dit à mes collègues que j'allais passer la soirée historique du 4 novembre dans le 450.

C'est pourtant à Longueuil que l'on pouvait voir les plus beaux boubous en liesse en ville. De beaux boubous pour Obama, il va sans dire, dans cet hôtel en face du métro où des gens de la communauté africaine, émus comme de nouveaux parents, ont célébré hier soir la victoire tant attendue du premier président noir des États-Unis. À 23 h, tout le monde s'est levé en hurlant, dansant de joie, scandant: «Obama! Obama!»

«C'est une fierté pour le peuple noir. Ça va motiver nos jeunes qui se découragent et qui pensent qu'il n'y a pas d'avenir pour eux», me disait Jean-Marie Mousenga, président de la communauté congolaise de Montréal.

Il y avait là des gens originaires du Congo, du Kenya, du Rwanda, de l'Algérie, de Tunisie... Des Blancs et des Noirs. Des citoyens qui ont un pied ici, l'autre ailleurs et qui s'identifient à Obama et à son bagage métissé. Des gens à la conscience sociale aiguisée qui ont aussi tenu à se pointer dans cette soirée, car ils savaient que les fonds recueillis y seraient remis à l'organisme Free the Children, qui envoie à l'école des enfants du Kenya, pays d'origine du père de Barack Obama.

«C'est le rêve de Martin Luther King qui se réalise! Il a été désigné par Dieu» a lancé avec exaltation Jane Nyoike, prête à exécuter une danse de la victoire masaï pour bénir Obama. Par Dieu, vraiment? Comment le savez-vous? «J'ai un don. Je le sais!»

Jane me raconte qu'elle est née au Kenya, y a grandi et étudié. De sa boutique africaine à Verdun, elle vient en aide à des orphelins du sida de son pays d'origine. Un projet qu'elle a lancé après que sa meilleure amie eut été emportée par le sida.

«Je veux redonner à mon pays, dit-elle. Enfant, je n'ai jamais eu de souliers. Je sais ce qu'est la pauvreté.»

Ce qui donne de l'espoir à Jane, c'est qu'elle sait qu'Obama «sait» lui aussi, lui qui a vu, vécu, voyagé, lui qui reconnaît que le sort des laissés-pour-compte de Nairobi n'est pas si étranger à celui de leurs frères du South Side de Chicago.

À ses côtés, son amie Betty Mulewa, aussi d'origine kényane. «Obama est pour nous, pour moi un modèle. On a besoin de ça dans ma communauté. Je veux du changement. Je crois qu'il y en aura!»

Quel genre de changement? Dans le grand tiroir à espoirs ouvert par Obama, chacun pigeait ce qu'il voulait.

«Déjà, on sait qu'il est contre la guerre en Irak et qu'il y aura là un changement important», disait les yeux rivés sur l'écran géant Sabria Mebarek, enseignante montréalaise d'origine algérienne. Elle trouve Obama brillant, charismatique, courageux. «Il a eu sa grâce à la force de son poignet. Des gens comme ça, il n'y en a pas beaucoup. Et il est beau aussi!»

Du changement même ici? «Pour nous qui sommes immigrants au Québec, ce n'est pas toujours facile d'avoir une bonne image pour que les gens croient en vous», a lancé un jeune homme, convaincu que la victoire d'Obama va changer les choses.

«Aucun Noir n'est arrivé là où il est arrivé! Ça donne espoir», confiait le regard brillant Viviane Kabagema, originaire du Rwanda, qui a sauté de joie au moment où CNN annonçait la victoire en montrant les images de Chicago en liesse. Ici comme là-bas, la même envie folle de croire que ce vent de changement n'est pas que du vent.