Trois mousquetaires à Londres pour sauver le Grand Prix du Canada. Des restaurateurs et des hôteliers prêts à payer de leur poche et à créer un «fonds de survie» pour éviter le pire. Et à quand le téléthon?

Il faut sauver le Grand Prix de Montréal. Ça va de soi. Il reste que l'opération de sauvetage, aussi nécessaire soit-elle, laisse un brin perplexe. Suis-je la seule à regarder avec une certaine ambivalence nos leaders en mission spéciale avec cet air d'agents secrets fauchés qui s'en vont négocier la rançon d'un otage?

 

On ne peut bien sûr nier l'importance du Grand Prix pour Montréal. Il offre à la ville une vitrine exceptionnelle de 300 millions de téléspectateurs et des retombées économiques dont on serait fou de se passer. Que l'on soit un fan ou non de l'événement n'y change rien. On peut aimer, on peut ne pas aimer, on peut débattre pendant des jours des vertus de ce sport qui à mes yeux n'en est pas un. Là n'est pas la question. C'est avant tout mathématique, économique. Et sur ce plan, il n'y a aucune raison de se réjouir de la disparition éventuelle de la Formule 1 à Montréal.

Cela dit, je reste persuadée que le Grand Prix appartient davantage au passé de Montréal qu'à son avenir. Je reste persuadée qu'à long terme, ce que cette ville a à offrir de mieux au monde est ailleurs, à mille lieues de ce festival de vroum-vroum jet-set qui lui ressemble si peu. Non, la Formule 1 n'est pas la meilleure formule pour Montréal. On peut trouver mieux pour faire rayonner la ville que ces quelques jours très payants où Montréal se prend pour Monaco. Trouver un projet qui puisse mettre réellement en valeur la créativité montréalaise.

Quelle serait donc la meilleure formule pour Montréal? Je rêve du jour où l'on mettra autant d'énergie à la trouver que l'on en met pour sauver le Grand Prix. L'un n'empêche pas l'autre, en principe. Mais on attend encore le jour où la défense d'un projet culturel d'envergure pour Montréal jouirait de la même mobilisation, du même enthousiasme que la défense du Grand Prix. L'abandon du projet de casino à Pointe-Sainte-Charles ne peut servir d'excuse ad vitam aeternam pour ne plus jamais rien faire à Montréal, sous prétexte que ça ne marche jamais. Ça ne marche jamais si on n'essaie jamais, comme le dit le proverbe dans le biscuit chinois.

Il y a urgence, me disait hier Simon Brault, de Culture Montréal. Urgence de réunir nos plus grands cerveaux pour proposer à Montréal un projet qui «ferait le poids» et qui tiendrait compte, comme il dit, du «génie du lieu». À court terme, la perte de la Formule 1 serait bien sûr catastrophique pour Montréal et les tentatives de sauvetage - dans les limites du raisonnable - sont louables, dit-il. Mais à moyen et à long terme, on peut aussi voir ailleurs, se voir ailleurs. «Il faut que les Montréalais créent, inventent, proposent au monde de grands événements (culturels) qui sont liés au génie du lieu et dont on peut contrôler le contenu, la gestion et l'organisation. Sinon, on sera toujours vulnérable.»

Il a bien raison. Le Grand Prix a peu à voir avec le génie du lieu. C'est un événement à roulettes qui se déplace de ville en ville avec ses fans et sa faune, ses vedettes et ses voitures. Que l'on soit à Monaco, à Abu Dhabi ou à Montréal n'y change pas grand-chose.

On doit trouver mieux pour Montréal. Rêver mieux.