Carey Price et P.K Subban savent quoi dire aux médias. Ils sont conseillés et entraînés pour le faire. Donc, ils n'ont pas dit ce qu'ils pensaient des nominations pour les trophées Calder et Vézina, remis à la meilleure recrue et au meilleur gardien de la Ligue nationale.

Mais je suis convaincu que les deux jeunes ont piqué une bonne jasette dans l'avion ou au resto hier soir à Boston. Subban sait parfaitement que si on offrait à n'importe quel directeur général de choisir un joueur à sa première année pour bâtir son équipe, il irait chercher le défenseur du Canadien.

Quant à Price, il doit se dire qu'il méritait au moins une nomination. Combien de matchs a-t-il volés pour le Canadien avec une défense dévastée par les blessures à Andrei Markov, Josh Gorges et Jaroslav Spacek?

D'ailleurs, pourquoi la Ligue nationale fait-elle connaître ses nominations pour les plus importants trophées en pleines séries éliminatoires? Ça peut déranger certains joueurs, c'est évident. La réponse est facile à trouver. C'est pour profiter du maximum de visibilité dans les médias. Seize villes sont engagées dans les séries et le hockey peut enfin obtenir sa part dans les médias.

Donc, nos p'tits gars ont jasé de leur métier. D'autres ont pu flâner dans le lobby de l'hôtel. Ils avaient peut-être un repas d'équipe. Les parties de cartes sont moins populaires mais chaque gars a son ordi pour regarder ses films ou pour s'amuser avec des jeux vidéo.

Mais soyez certains d'une chose. Ils sont conscients qu'ils entreprennent une série deux de trois. Ils savent que tôt ou tard, les Bruins vont gagner un match à la maison. Parce qu'ils sont jeunes et qu'ils sont bien préparés, les Glorieux ont déjà mis derrière eux la défaite en prolongation. Ça fait juste partie de la vie d'un joueur de hockey.

Cette atmosphère, cette attente qui s'éternise, ces dernières heures dans le lobby avant de se rendre à la patinoire pour un match crucial, je les ai vécues des dizaines de fois.

À Québec, à Philadelphie mais surtout à Boston. Parce que les organisations et les villes sont cousines, les aventures à Boston sont toujours plus passionnantes... et passionnées.

Les deux villes ont été des rivales pendant des décennies avant que Boston n'écrase complètement Géraldville au cours des dernières années. Les organisations se sont livré des batailles qui remontent à Sugar Jim Henry et Maurice Richard, à Léo Labine et Doug Harvey. Et qui se sont poursuivies pendant d'autres décennies. Bobby Orr, Phil Esposito, Carol Vadnais, ça vous dit quelque chose?

Je ne sais comment Carey Price et P.K. Subban ont passé la soirée mais comme ce sont de vrais pur-sang, je présume qu'ils devaient sentir les papillons envahir leur estomac.

Je me rappelle d'une journée de séries éliminatoires à Boston avec Guy Lafleur. Lors du dernier match à Montréal, Mike Milbury s'en était pris à Guy Lafleur, et John Wensink, la terreur de la Ligue nationale, avait déclaré que Lafleur se ferait trancher la tête à Boston.

Lafleur avait passé l'après-midi du match à jouer avec une machine à boules. Il était tellement stressé qu'il avait le visage enflé. Il ne parlait pas et flippait constamment les billes d'acier sans s'occuper du score.

Il s'était rendu au vieux Garden tôt en après-midi. Il avait passé son uniforme et avait attendu plus de trois heures le début du match. Je n'ai plus les détails du match, mais il avait participé à tous les buts du Canadien.

C'était comme ça que les légendes réglaient leurs comptes.

Une autre fois, après une de ces séries finales disputées âprement, les Bruins avaient encore perdu. Après le dernier match, on festoyait dans le vestiaire du Canadien. Après une heure, c'était enfin plus calme. Serge Savard, qui s'était frotté au grand Wayne Cashman pendant toute la série, fumait tranquillement son gros cigare, assis près de la Coupe Stanley.

Soudain, un gaillard vêtu d'un peignoir blanc, s'était approché discrètement de Savard. «Serge, accepterais-tu de signer ce bâton pour mon fils? Il t'admire beaucoup.»

J'étais éberlué. Ce monsieur en peignoir blanc dans le vestiaire du Canadien, c'était Wayne Cashman. Le même qui avait passé la série les coudes et le bâton dans la face du Sénateur. «Avec plaisir, Wayne... As-tu un bon stylo?»

Et Serge s'était levé pour signer l'autographe sur le bâton que tenait Cashman. Puis, les deux hommes s'étaient félicités pour la bonne série qu'ils avaient disputée et s'étaient souhaité un bon été.

C'est là que j'ai compris que malgré toutes les outrances de vocabulaire des fans et des commentateurs, le hockey n'est pas une guerre. C'est un sport. Un jeu.

DANS LE CALEPIN Andrew Ference a eu une crampe au cerveau après son but jeudi soir. Son doigt d'honneur n'avait pas sa place. Mais ce qu'a dit de lui Joël Bouchard à RDS est encore pire. Bouchard a dit qu'il connaissait Andrew Ference et qu'il avait une binne à la place du cerveau. C'est une attaque grossière à l'intelligence d'une personne. Juste pour que vous puissiez vous faire une idée des «connaissances» de Bouchard, sachez que Ference est le représentant des Bruins au sein de l'Association des joueurs, choisi par ses coéquipiers, qu'il est l'initiateur de la fondation Carbon Neutral avec l'éminent écologiste David Suzuki et qu'il a convaincu l'Association des joueurs de s'y engager. Depuis trois ou quatre ans, plus de 400 joueurs sont impliqués. Leurs efforts ont réussi à annuler les effets de la pollution des voyages en avion du hockey professionnel. C'est l'équivalent de retirer 860 voitures de la circulation pendant un an. De plus, chaque hiver, Ference se rend dans les écoles pour montrer aux élèves et aux étudiants comment ils peuvent aider la planète en préparant le compost à la maison. C'est quand même pas pire pour une binne dans le cerveau...