C'était les deux dernières lignes d'un long reportage signé Jean-François Bégin. En novembre 2003. Un bon papier sur Ben Cahoon. Et ça se lisait comme suit, après une question du journaliste qui voulait savoir ce que Cahoon aimerait qu'on dise de lui le jour de sa retraite: «...un gars qui a toujours donné le maximum.»

Le souhait de 2003 est parfait pour 2011. Le gars a toujours donné le maximum. Et bien sincèrement, si la langue française le permettait, on pourrait dire qu'il a souvent dépassé le maximum. Dans le sens que Cahoon a attrapé des passes qu'un autre joueur talentueux aurait échappées. Que Cahoon a subi des coups qu'un homme ordinaire, courageux pourtant, aurait préféré éviter en laissant passer le ballon lancé par le quart-arrière.

Cahoon a été un grand joueur de 5 pieds et 9 pouces et surtout, un grand monsieur. Un très grand monsieur.

Très pratiquant

Je crois que c'était en 2003, moi aussi. Trois semaines après l'article de Bégin. Je flânais dans LE centre commercial de Regina en attendant qu'il se passe quelque chose dans la ville quand un gentil jeune homme m'a salué. Des yeux francs, un sourire gentil, c'était Ben Cahoon. Nous avions jasé pendant un bon moment. De football bien sûr mais aussi de religion.

Cahoon était et est toujours un mormon très pratiquant. Et j'avais des amis qui avaient adopté cette pratique religieuse. Pas d'alcool, pas de regard sur une autre femme que la sienne, un pourcentage de ses gains versé à l'Église et une vie fondée sur la famille et le respect des autres. Plus deux ans comme missionnaire quelque part dans le monde où les dirigeants de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ont décidé de t'envoyer.

Pour Cahoon, ça avait été Philadelphie. Deux années difficiles à faire du porte-à-porte et à se faire répondre «pas intéressé et fichez nous la paix».

Un vrai guerrier

Faut dire que la vie de missionnaire forge des caractères trempés. Parce que cet homme affable, doux et délicat aura été le guerrier le plus solide des 10 dernières années des Alouettes. Jamais blessé, jamais plaignard et toujours le nez dans le trafic. Un grand joueur.

Mes souvenirs remontent loin avec les Alouettes. La grande équipe de Sam Etcheverry pouvait compter sur deux grands receveurs. Hal Patterson pour les longues passes et Red O'Quinn pour les passes crochets dans le numéro.

Plus tard, Terry Evanshen, le no 25, fut un extraordinaire joueur tant avec les Stampeders de Calgary que les Alouettes. Plus tard, un camion enfonça sa voiture et quand il sortit du coma, deux semaines après l'accident, il ne savait plus qui il était, quel était son nom, il ne reconnaissait plus ses parents ni sa femme et les membres de la famille et il avait un trou noir à la place de 40 ans de souvenirs. Il avait tout oublié.

Evanshen a fini par se reconstruire une personnalité et est devenu un conférencier recherché.

L'autre grand ailier qui me rappelle Cahoon chez les Alouettes est évidemment Jock Climie. Lui aussi était un gentleman. Mais il était avocat, ce qui est un lourd handicap pour un homme honnête.

Cahoon a pris sa retraite. D'autres auront la chance de profiter des heures libérées de sa vie. Ces personnes sont privilégiées.

Cahoon a pris sa retraite et Jacques Moreau, l'annonceur maison aux matchs des Alouettes, perd une occasion en or de faire rouler sa belle voix...

Attrapé Ben Cahooooooon!

On va s'ennuyer.