Simon Gagné vantait hier matin les mérites de Guy Boucher. Il parlait même d'une révolution en devenir dans la Ligue nationale tellement le jeune coach du Lightning sait innover dans sa façon de diriger l'équipe.

J'espère que Boucher sait mettre en perspective ces compliments après... un match en saison régulière derrière le banc d'une équipe de la Ligue nationale. Sinon, il va se mettre une pression épouvantable sur les épaules.

Les grandes découvertes dans le hockey moderne n'ont lieu en général qu'aux 10 ou 15 ans. Jusqu'à la grande expansion de 1967, les équipes qui appliquaient un style fondé sur l'échec avant étaient rarissimes. Lancer la rondelle en arrivant à la ligne rouge et tenter d'aller la chercher dans le coin était une hérésie pour les coachs comme Toe Blake ou Dick Irvin. Donner la rondelle à l'adversaire, ça ne se faisait pas.

Mais Scotty Bowman, avec des équipes formées de joueurs abandonnés par les six équipes originales, avait compris qu'il fallait tout changer pour avoir une chance de rivaliser. Et ses Blues de St-Louis s'étaient rendus trois fois en finale de la Coupe Stanley avec un échec avant incessant.

Mais c'est la Série du siècle qui a tout révolutionné. Les Soviétiques et les Tchécoslovaques se passaient la rondelle avec une habileté fabuleuse et attaquaient et se défendaient à cinq. Victor Tikhonov était le grand maître soviétique et les meilleurs coachs de la Ligue nationale participaient à des séminaires et étudiaient les méthodes des Soviétiques pour arriver à une fusion des deux systèmes de jeu.

Puis Jacques Lemaire, toujours pour contrer des attaques plus dangereuses que les siennes, a inventé la trappe. Toutes les équipes, à l'exception du Lightning de John Tortorella, se sont lancées dans la trappe.

Ça fait 20 ans que la trappe, avec quelques variantes, domine les systèmes de jeu dans la Ligue nationale. Il se peut que Guy Boucher arrive à innover et impose à son équipe un concept différent et nouveau. Mais on conviendra que toute innovation dans la Ligue nationale passe par le succès. Et avant d'espérer que son équipe devienne dominante, il va falloir que Steve Yzerman fournisse au moins un défenseur fiable à Guy Boucher. Et de préférence deux.

C'est évident que Guy Boucher ne peut le dire publiquement. Mais il fait déjà face à un dilemme. Il favorise l'attaque, mais pour compenser la faiblesse de sa défense, il devra sans doute retenir ses purs-sangs. Et ça va finir par ressembler à ce qui se joue ailleurs.

Mais si son directeur général déniche ce défenseur, alors on pourrait voir une super belle équipe en deuxième moitié de saison.

Gionta et Koivu

Brian Gionta devait être nerveux. Il tenait sa petite feuille sur laquelle étaient écrites les phrases en français qu'il devait lire. Parfois, c'était un peu laborieux mais les gens ont apprécié ce que faisait Gionta, le nouveau capitaine du Canadien. Il témoignait de son respect envers les partisans et les Québécois. Et il témoignait du respect de l'organisation envers sa clientèle. C'est peut-être l'arrivée de Geoff Molson, beaucoup plus sensibilisé à la réalité du Québec que George Gillett; mais c'est peut-être aussi une question de personnalité. Saku Koivu était un homme affable et gentil en privé mais il pouvait être borné et entêté dans d'autres circonstances.

Gionta a prononcé plus de mots français en cinq minutes que Koivu en 11 ans comme capitaine du Canadien. Ça s'est bien passé. Et ça ne fait que donner encore plus de prestige à l'organisation du Canadien en lui redonnant ce cachet unique qui était sien depuis la fondation de l'équipe. Cachet qu'on avait honteusement gommé sous le règne de Pierre Boivin et de Gillett.

Certains diront qu'il faut se contenter de bien peu. À ceux-là, je réponds qu'il faut tenir compte de la réalité du hockey professionnel à Montréal. Avec son salaire et son statut, avec une convention collective blindée et un agent protégeant ses intérêts, un joueur comme Brian Gionta ne serait pas obligé de faire le moindre effort pour montrer qu'il est conscient de travailler dans une société distincte. La preuve, Saku Koivu n'a jamais levé le petit doigt pour le faire.

C'est peut-être des miettes pour certains, je pense cependant qu'il faut savoir apprécier ce qu'un Américain bien élevé a montré hier aux partisans du Canadien. Du respect.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Les joueurs du Lightning de Tampa Bay n'ont que de bons mots pour leur nouvel entraîneur, Guy Boucher.