La grande leçon que j'ai retenue de Scotty Bowman sur l'art de diriger une équipe de hockey tenait en une phrase: «Le coach n'a qu'une façon de contrôler une équipe. C'est le temps de glace accordé aux joueurs.»

Jacques Lemaire, qui haïssait copieusement Bowman, m'avait répété la même chose. D'ailleurs, c'est en diminuant le temps de glace de Guy Lafleur qu'il l'avait poussé à la retraite pour s'en débarrasser.

Georges Laraque est grandement responsable de ce qui lui arrive, c'est certain. Mais il n'a jamais eu le temps de glace nécessaire pour accomplir le travail qu'on lui demandait. C'est-à-dire protéger les joueurs réguliers par sa présence et par ses actions.

Georges Laraque ne voulait pas être un agresseur et il n'a jamais été employé par ses entraîneurs comme un vrai protecteur. C'est-à-dire un joueur qui se trouvait sur la patinoire quand les choses se passaient. On l'envoyait pour une présence de 30 secondes une fois les choses terminées.

On espérait quoi? Qu'il aille chercher le coupable sur le banc des punitions?

On voulait un gorille, on a embauché un policier.

«C'est certain que je suis triste. C'est sûr que je suis déçu. Le Canadien était le club de mon enfance. J'aimais l'équipe et j'aimais mes coéquipiers. J'aurais tellement voulu faire plus et mieux. Mais il y a eu des circonstances qui ont pesé lourd pendant mon séjour avec le Canadien. Je ne contrôlais pas mes présences sur la patinoire. C'était très difficile. Mais je ne veux pas être négatif; je veux juste profiter du temps qui m'est donné pour m'investir encore davantage afin d'aider Haïti à passer au travers.»

C'était Georges Laraque hier midi. Il avait eu quelques minutes pour digérer un peu ce qu'on venait de lui annoncer. La voix était encore bouleversée, mais le gaillard était déjà déterminé à préparer sa prochaine saison: «Je vais essayer de me rétablir de ces blessures qui m'ont tellement nui. Puis l'été prochain, j'en suis certain à 100%, je vais signer un contrat avec une équipe de la Ligue nationale. Je suis malheureux et déçu, mais je vais poursuivre ma carrière», de dire Laraque.

Georges ne l'aura pas eu facile à Montréal. Il est arrivé dans des circonstances pour le moins inhabituelles. C'est Bob Gainey qui lui a offert un contrat de 1,5 million par saison avec des clauses de protection blindées. En faisant de belles promesses pour le convaincre.

Sauf que Georges Laraque ne s'intégrait pas dans la philosophie d'équipe de Guy Carbonneau. Carbo a toujours estimé que des joueurs n'ont pas besoin d'un protecteur. Au contraire, au lieu de prendre soin d'eux-mêmes, ils ont tendance à attendre l'intervention du sauveur pour répondre à une attaque. L'année des 104 points et d'une victoire en première série, le Canadien n'avait pas de protecteur. C'était le principe du team toughness. Carbonneau a accueilli Laraque en lui disant qu'il saurait utiliser ses talents, mais sans plus.

Les blessures s'en sont mêlées. Et les principes de Laraque de ne pas être un agresseur sans honneur ont évidemment compliqué le travail de ses coachs. Autrement dit, si Laraque ne jouait pas au moins sept ou huit minutes par match, il ne pouvait avoir l'occasion de se battre. Le cercle était parfaitement vicieux.

On peut humilier Georges Laraque, on peut tourner un article pour tenter de sauver la face de Bob Gainey, mais une fois qu'on aura analysé les responsabilités de Laraque, c'est encore vers Gainey qu'il faudra se tourner.

Au moins, le directeur général du Canadien aura pris la peine d'annoncer lui-même à Laraque que ses jours étaient comptés à Montréal: «J'étais à la patinoire pour le voyage au New Jersey quand Bob Gainey est venu me voir. Il m'a juste dit de paqueter mes affaires et de m'en aller, que c'était une décision d'équipe et que je n'avais plus d'affaire dans l'entourage de l'équipe. J'ai voulu lui demander une explication, il m'a juste répété que c'était une décision d'équipe», a raconté Laraque hier.

Bon, Georges est parti. Il s'en doutait quand il a vu Ryan O'Byrne à l'aile droite. Ce dernier n'avait pas joué à l'avant depuis le niveau atome. Le signal était clair et net. Il n'y avait plus de place pour Laraque avec le Canadien.

En passant, c'est encore Ron Fournier qui a le mieux résumé la situation chez le Canadien: «Avec Bergeron et O'Byrne à l'avant, pourquoi on ne fait garder les buts à Jaroslav Halak pour envoyer Carey Price au centre? Avec Spacek et Markov à la pointe, on aurait une attaque à cinq originale!»

Cela dit, je comprends fort bien Jacques Martin d'avoir décidé d'écarter Laraque de son alignement. Georges ne s'est pas aidé en devant soigner des blessures à répétition. Et avec une équipe qui traîne en onzième position, un coach n'a pas le temps de jouer les éducateurs et les psychologues. S'il le faut, il doit raccourcir son banc.

Par ailleurs, quand on regarde aller le Canadien depuis le congédiement de Guy Carbonneau (une fiche de 16 victoires en temps régulier en 76 matchs!), on se demande encore quelles étaient les vraies raisons de ce congédiement.

DANS LE CALEPIN Maxim Lapierre s'est accroché avec Michael Cammalleri. Maxim est un agitateur sur une patinoire et Cammalleri ne donne pas sa place. Michel Villeneuve voudrait que Lapierre se batte plus souvent. Ça donnerait quoi? Il pourrait imiter Dale Hunter en déclenchant une bagarre et en faisant la tortue. Mais il n'a pas le talent de Hunter. Par contre, si Lapierre veut rester avec le Canadien, il devrait compter quelques buts et changer son nom. Max Stone, ça sonnerait mieux. Quand il voit tout ça, Geoff Molson doit avoir le goût de brailler.