Le gros changement, c'est la réaction des fans. On dirait que le match gênant contre Nashville, samedi soir, a ouvert les yeux des fans.

Il y en a plusieurs qui s'en sont pris à Guillaume Latendresse, comme si le jeune homme pouvait être responsable de la chute de la maison Gainey.

Latendresse est surtout coupable d'être tout mêlé, de manquer de confiance en lui et de ne plus savoir à quoi s'en tenir. Il est coupable de manquer de maturité. Mais j'en connais qui ont 50 ans et qui sont encore et toujours des gamins.

D'autres s'en prennent à Marc-André Bergeron. Comme si ce défenseur, qui faisait encore son gazon en octobre, pouvait être responsable des atroces décisions de Bob Gainey au cours des dernières années.

Dans le fond, les fans savent très bien qui est responsable de ce gâchis. Mais ils sont impuissants puisqu'ils ne peuvent rien faire pour améliorer la situation. Et j'oserais croire qu'ils sont même intimidés à distance par la prestance de Gainey, un héros comme joueur pour le Canadien, un grand leader dans son temps, mais un directeur général qui n'a pas l'instinct pour briller dans cet univers hyper compétitif.

C'est pas compliqué. À peu près tout le monde est capable de repêcher et de faire joueur un plombier. À peu près tout le monde est capable de prendre58 millions et de remplir une vingtaine d'uniformes. C'est ce que Gainey a fait en juillet dernier.

Ce qui est compliqué, c'est d'être capable de faire la distinction entre un joueur qui vaut 70% pour ton équipe et celui qui en vaut 75%. Et c'est de savoir comment les 20 individus à qui tu donnes 50 millions vont accepter de se fusionner et de travailler pour le bien de la collectivité.

Personnellement, vous le savez parce que je l'ai écrit à plusieurs reprises depuis plus d'un an, je ne crois pas que Bob Gainey ait ce talent. Il a d'autres très grandes qualités, mais il n'a pas la qualité essentielle pour faire un vrai bon directeur général. Il n'a pas le don de juger le talent d'un joueur. Il n'a pas le don de sentir quand un joueur va éclore, et s'il va éclore, et il ne peut flairer le moment où un joueur va ralentir.

Ce qui est encore pire, c'est que ces joueurs repêchés par un protégé de Gainey, les autres protégés du patron n'ont pas été foutus de les faire progresser. Vous connaissez le résultat.

Ça ne changera rien

On peut se taper de longues et brillantes analyses, mais ça ne changera rien. Parce que rien ne va changer.

Oubliez George Gillett, ce n'est pas lui qui a demandé à Gainey de ne pas négocier de contrat pendant la saison passée. Gainey avait déjà déclaré son intention, en septembre à Saint-Jovite, lors des derniers jours du camp d'entraînement.

Ça fait partie de cette absence d'instinct et de sensibilité que de s'enfermer ainsi avant même le début de la saison.

Oubliez Pierre Boivin. Le président du Canadien n'a pas l'autorité, ni morale ni effective, de congédier Bob Gainey. D'ailleurs, Gainey a foutu le bordel dans les opérations de l'équipe et c'est le groupe marketing de Ray Lalonde qui a fait le succès de l'organisation. Pas l'équipe «bâtie» par le département hockey.

Et oubliez Geoff Molson et ses deux frères. Les Molson se sont déjà peinturés dans le coin en déclarant publiquement qu'ils étaient satisfaits du travail de Gainey et du personnel hockey.

Ils ne peuvent prendre de décision tant que la Ligue nationale n'aura pas autorisé officiellement la vente du Canadien; et ils ont déjà dit qu'ils n'y auraient pas de changement majeur puisqu'ils sont satisfaits.

Par ailleurs, rien ne va changer parce que la saison est engagée et que la masse salariale du Canadien ne permet plus de manoeuvres intéressantes et salvatrices. Que voulez-vous changer? Ramener Sergei Kostitsyn? S'il peut aider l'équipe, c'est parfait.

On ne peut s'en sortir parce que le premier trio coûte20 millions et que plus la saison va avancer, moins Scott Gomez va être efficace. Un de ses anciens coéquipiers me l'a dit dès le mois d'août: «Le monde va aimer le voir patiner de sa ligne des buts jusqu'à la ligne bleue. C'est après qu'il ne sait pas quoi faire avec le puck.» C'est exactement ça. On aime le voir patiner jusqu'à la ligne bleue.

Rien ne va changer également parce que les Molson n'auront pas le courage ou la clairvoyance d'exiger un changement majeur au septième étage. D'ailleurs, avant de tasser Bob Gainey, il faudrait s'assurer qu'un autre est prêt à prendre sa place.

Remarquez qu'André Savard, sacrifié de façon dégradante pour faire de la place au seigneur sauveur, est disponible et est prêt à reprendre le travail. Il ferait un excellent partenaire à Jacques Martin. Mais j'extrapole et ce n'est certainement pas moi qui vais dire aux frères Molson quoi faire avec leur joujou de 567 millions.

Personne ne va tasser Bob Gainey. Ce qui pourrait arriver, c'est qu'il remette sa démission l'été prochain si le Canadien rate les séries.

Heureusement, il y a Jacques Martin

En fait, la grande force de ce simulacre d'équipe demeure le coach Jacques Martin. Même si les victoires de l'équipe ne sont guère glorieuses, ce sont quand même des points au classement. Il est évident que les joueurs ne savent pas ou ne veulent pas jouer selon le système que veut implanter Martin. C'est un système de jeu très exigeant et les 10 inconnus qu'on a lancés dans le vestiaire ne semblent pas être prêts à faire les sacrifices nécessaires. Certainement pas de façon collective.

Mais je garde confiance en Jacques Martin. C'est un bon coach et un homme solide. Andrei Markov va revenir au jeu en deuxième moitié de saison et si les Glorieux ne sont pas trop embourbés dans le classement, ils réussiront peut-être à se faufiler dans les séries.

Gainey serait content. Les fans aussi.

DANS LE CALEPIN C'est un automne riche en bons livres traitant de sport. En fin de semaine, j'ai lu le gros bouquin de Marc Robitaille et Jacques Doucet sur la naissance des Expos et j'ai savouré chaque minute de ma lecture. Je m'attaque maintenant au livre de Chantal Petitclerc.