Émile Bouchard, le plus ancien des grands capitaines du Canadien, célèbre aujourd'hui son 90e anniversaire de naissance.

Bonne fête, capitaine Butch, bonne fête grand monsieur bafoué par le Canadien et par son président Pierre Boivin.

Les années ont un effet irréversible sur l'être humain. On dirait que le temps se contracte et s'accélère quand on vieillit. Entre 20 et 30 ans, c'est à peine si on vieillit. On a la même énergie, le même physique ou à peu près, un peu plus de maturité et un brin d'expérience. Mais entre 50 et 60 ans, le temps se contracte et les différences s'accentuent à un rythme effarent.

Imaginez comment le temps court à 90 ans...

J'ai passé quelques heures avec M. Bouchard, l'hiver dernier. Il avait subi une blessure et était confiné à un fauteuil. Mais son esprit était vif et ses souvenirs encore frais. C'était il y a déjà six mois. J'ai peur que le temps ne soit plus rapide que le bon sens de Pierre Boivin et que capitaine Émile ne meure avant qu'on n'ait le temps de retirer son chandail.

Au début, je n'approuvais pas la position de Ron Fournier. Je manquais trop d'éléments pour entreprendre une campagne pour qu'on retire son chandail. Des historiens m'ont fait parvenir des liasses de documents. J'ai fouillé dans les archives de La Presse et maintenant, je n'ai plus de doute. C'est Ron Fournier qui avait raison. Le dernier chandail qu'on devrait retirer chez le Canadien, c'est le 3, c'est celui de M. Bouchard. Et quand un homme qui a aidé René Lévesque, Louis Laberge, Maurice Richard et tant de personnalités qui ont façonné le Québec, atteint ses 90 ans, il me semble qu'il est indécent de le laisser mourir sans l'honorer comme il en a le droit.

À moins qu'on espère qu'il crève au plus tôt pour avoir la paix.

Lafleur y a songé

Les gens sont mal à l'aise avec la position du Canadien. Cet été, je discutais avec Guy Lafleur à son magnifique restaurant au coin de la 640 et de Labelle. Lafleur pensait à organiser une petite célébration pour retirer le chandail no 3 de Butch Bouchard pour qu'il trône avec tous les autres chandails des grands Canadiens que Lafleur a suspendus au toit de son restaurant.

Le coeur de Lafleur était gagné à la cause. Il rêvait d'une belle fête à laquelle M. Bouchard et sa famille auraient pu assister.

Mais des conseillers et des proches lui ont rappelé qu'il serait peut-être maladroit de faire un tel geste puisque lui, un ambassadeur du Canadien, se trouverait à condamner la position des dirigeants de l'organisation.

Malheureusement pour M. Bouchard et malheureusement pour Lafleur, qui avait le coeur brisé, il a renoncé à la petite fête et au grand honneur.

Le cas Lafleur n'est pas unique. De nombreuses institutions, des citoyens et des amateurs sont très ennuyés par cet entêtement de Pierre Boivin.

Peut-être que les nouveaux propriétaires, les trois frères Molson dont les parents ont été de très grands admirateurs de M. Bouchard, se mêleront-ils du dossier s'ils peuvent enfin acheter et payer les Glorieux.

Faudrait quand même pas attendre que M. Bouchard meure ou que Pierre Boivin soit congédié pour régler cette triste affaire.

Le Rouge et Or... et le reste

La saison de football universitaire a pris son envol, hier. On sait déjà que le Rouge et Or de l'Université Laval sera la meilleure équipe au Québec. Et sans doute au Canada. J'ai assisté à plusieurs matchs du Rouge et Or au fil des ans, je connais bien ses dirigeants et j'ai couvert la première conquête de la Coupe Vanier de cette équipe glorieuse.

On n'a pas idée à Montréal de la force et de la puissance de cette organisation. Le football chez le Rouge et Or se vit sur le terrain, c'est vrai, mais aussi dans toute la région de Québec. Les joueurs sont engagés auprès des équipes et des circuits peewee et bantam et les dirigeants les encouragent à transmettre leur savoir et leur discipline. C'est un exemple à suivre pour tout le football universitaire québécois.

Par ailleurs, l'excellence du Rouge et Or est bénéfique pour tout le football québécois. Cette excellence force les autres équipes à suivre la parade et à s'améliorer. Les Carabins sont classés neuvièmes au pays, mais ils ne peuvent se contenter d'être moyens puisque la meilleure équipe au pays les attend à Québec.

En plus, les joueurs de toutes les équipes font partie d'une élite québécoise. Ce sont vos futurs ingénieurs, vos futurs médecins, vos futurs enseignants et même, puisque c'est parfois un mal nécessaire, vos futurs avocats. En plus de fournir à la société de belles équipes et de beaux athlètes, le football universitaire fournit de beaux citoyens.

Béni soit-il. Et bonne fête M. Émile, dirait le Matou.

Photo: archives La Presse

Émile «Butch» Bouchard fête ses 90 ans aujourd'hui.