Peut-on faire confiance à Tennis Canada et aux puissants financiers de Toronto? Peut-on croire que Montréal va continuer à être un partenaire respecté et équitable dans la présentation des Internationaux de tennis du Canada et de la Coupe Rogers?

C'est maintenant qu'il faut répondre à ces questions. Dans deux ans, les tournois des femmes et des hommes vont être disputés pendant la même semaine à Toronto et à Montréal. Tennis Canada promet que l'organisation va respecter l'alternance entre les deux villes: les hommes une année à Toronto, les filles à Montréal. Et le contraire l'année suivante.

En apparence, ça peut marcher. Mais il suffit d'aller passer quelques jours à Toronto pour réaliser à quel point le poids de la richesse de la ville va peser lourd sur le tournoi. Et c'est aujourd'hui que les autorités montréalaises doivent obtenir la garantie que Montréal va continuer à obtenir le tournoi des hommes à son tour, la tentation étant de garder ce qui génère le plus de profits dans le marché le plus important et de garder les filles pour Montréal.

«Jamais Tennis Canada ne va tourner le dos à la loyauté et à la fidélité des amateurs de tennis de Montréal. Soyons honnêtes et admettons que le tournoi de Montréal est d'une classe spéciale. C'est un événement extrêmement solide. En fait, c'est un tournoi encore plus fort que celui de Toronto. Les joueurs et les commanditaires adorent la ville et l'organisation. Tout le monde peut être tranquille, il y aura une stricte alternance», a assuré Michael Downey, PDG de Tennis Canada.

«Je peux garantir que sous mon mandat à la présidence et à la direction générale, Montréal n'a rien à craindre», a ajouté Downey, qui en a encore pour cinq ans dans ses fonctions.

C'est l'après qu'il faut négocier tout de suite.

Jacques Ménard, le grand manitou derrière la vente du Canadien, a siégé pendant cinq ans au conseil d'administration de Tennis Canada. Il est persuadé que les Montréalais n'ont rien à craindre. «Il faut avoir vécu de l'intérieur ce qui se pense à Tennis Canada pour comprendre à quel point le tournoi de Montréal est respecté et même admiré. Je ne suis plus membre du conseil, mais ce respect est encore présent, j'en suis convaincu.»

Mais pourquoi rompre avec une formule qui marche si bien?

Eugène Lapierre, l'homme derrière l'énorme succès de Montréal depuis quelques années, explique que c'est une tendance lourde dans le tennis international. «Il y a eu Key Biscayne, en Floride, puis Indian Wells, en Californie. Cette année, Madrid a suivi dans le grand stade que Rafael Nadal a permis de construire. L'an prochain, ce sera au tour de Cincinnati et de Rome. On ne pouvait aller contre les désirs des grandes fédérations de tennis. Mais si on passe de deux à une semaine, on va pouvoir offrir un produit encore plus désirable. La télévision va se promener de Toronto à Montréal, nous offrir les soeurs Williams et Roger Federer le même soir, comme dans un tournoi des Grands Chelems.»

N'empêche qu'on parle d'une véritable révolution dans le tennis. Jean Laporte, président de Rogers au Québec, se pose des questions. Sa compagnie sera commanditaire en 2011, année de la révolution. Pour voir comment ça va fonctionner: «C'est certain qu'on perd une semaine de couverture dans les journaux et dans les médias. Peut-être que la télévision va offrir de meilleurs matchs, mais ce sera pendant une semaine au lieu de deux. Les clients de Toronto qui viennent à Montréal pendant la semaine pour voir les grands matchs vont peut-être décider de rester à Toronto puisqu'ils auront leur tournoi en même temps. Il faudra analyser l'impact sur notre commandite.»

«Je pense que nous avons bien tiré notre épingle du jeu, a repris Michael Downey. La clé, c'était de garder la 33e semaine de l'année pour la Coupe Rogers. Pour avoir deux semaines, il aurait fallu devancer nos tournois et nous aurions perdu les meilleurs joueurs européens qui veulent se reposer après Roland-Garros et Wimbledon. Ils veulent tous venir à Montréal ou à Toronto au début d'août parce que ça leur permet de se préparer pour le US Open et qu'ils adorent le tournoi de Montréal.

«Il a fallu d'ailleurs leur expliquer comment les Internationaux du Canada pouvaient se dérouler virtuellement dans deux villes. Shanghai et Pékin auraient voulu avoir le même traitement mais ils n'ont pas pu s'entendre.»

Eugène Lapierre n'est pas trop inquiet. Il sait que la force de son tournoi le protège. Il rêve même qu'on puisse diviser le plateau en deux et que les gagnants des demi-finales du samedi après-midi viennent en avion nolisé disputer la finale du dimanche dans l'autre ville. «Ça équilibrerait les chances. Le joueur qui gagne en après-midi est toujours avantagé sur celui qui joue en soirée. Là, il devrait voyager d'une ville à l'autre. Ça pourrait être passionnant.»

Le pire, c'est qu'il souriait. Ça veut dire qu'il est sérieux...

DANS LE CALEPIN - Le ministre Raymond Bachand était invité dans le grand salon Rogers. Les journées sont longues pour cet homme qui a passé 15 ans de sa vie à négocier des contrats. Il doit maintenant négocier une société... C'est pas français, mais ça dit ce que ça dit.