Le Canadien a travaillé fort pour récupérer une incroyable bourde de Roland Melanson. Ce dernier a traité «de krasse» les fans déçus qui avaient applaudi avec dérision un arrêt facile de Carey Price. Chez le Canadien, avec les frères «K», avec Kovalev, avec Koivu et tous les K de l'équipe, de Komisarek à Kostopoulos, on a de la Klasse et on fustige la Krasse. On fait vite une montée de Kolère quand les choses se korsent.

Roland Melanson a carrément insulté les clients de George Gillett. J'avais approuvé la sortie de Bob Gainey, qui avait traité de «bâtards» les gueulards qui huaient Patrice Brisebois toutes les fois qu'il touchait à la rondelle. C'était un acharnement qui durait depuis des années et qui était fondé sur la cruauté. Comme le font les gamins qui terrorisent les autres enfants dans les écoles.

Mais Price n'avait jamais été hué de sa carrière à Montréal. Cette dérision des partisans visait autant l'équipe que le jeune gardien. Et puis, quand on se fait éliminer en quatre matchs et qu'on ne marque que six buts pendant la série, on peut bien subir quelques applaudissements moqueurs sans perdre la tête, non? Et ceux qui ont manifesté, somme toute de façon très raisonnable, sont-ils vraiment la crasse des 21 273 personnes qui ont payé plus de 2 millions pour voir leurs favoris tournés en ridicule par les Bruins?

Depuis, et c'est leur travail, les spécialistes des communications et de l'image de l'Organisation, se sont chargés d'expliquer comment ce pauvre Melanson aimait le monde, comment il s'était un peu fait piéger en parlant à une radio de sa région dans les Maritimes et, surtout, comment il ne traduisait pas la pensée des dirigeants du Canadien.

Ça on le sait. Les mécontents peuvent être des bâtards mais ils se lavent.

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Parlant de grande klasse, c'était beau de voir les artistes les plus populaires du Québec se lever d'un seul mouvement pour applaudir et acclamer Guy Carbonneau au gala Artis.

Évidemment, ça soulève une question. Puisque ceux qui témoignent de leur mécontentement devant la situation chez le Canadien sont de la crasse, est-ce que ceux qui applaudissent un coach congédié font également partie de la crasse? J'espère pour Pierre Boivin que Pierre-Karl Péladeau n'achètera pas le Canadien parce que lui aussi s'est levé pour applaudir Carbo.

Le signal envoyé à M. Boivin est clair: les centaines d'artistes qui ont applaudi le coach bêtement congédié sont ceux que le grand public aime le plus. Ils ont servi de courroie pour transmettre ce que les Québécois pensent de cette histoire.

Malheureusement, Pierre Boivin ne me semble pas toujours préoccupé par le monde ordinaire qui aime tant son équipe. Ces ouvriers, ces travailleuses qui aiment TVA et ses vedettes n'ont pas la chance d'aller au Centre Bell et d'acheter la guenille vendue par l'organisation. Mais ces gens aiment leur Canadien. Et ils méritent autant de respect que les grands de ce monde qui siègent aux conseils d'administration du Canadien et des fondations appuyées par l'organisation.

Vox populi, vox dei.

Et, grande classe suprême, ce sont les propos de Guy Carbonneau, hier, lors de son entretien avec Richard Labbé. Rien que du respect pour l'organisation, beaucoup de dignité et une belle intelligence. Du vrai Carbonneau.

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Hier, CKAC a organisé une petite table ronde - toute petite, la table - pour discuter des médias et du Canadien. Mon vétéran confrère Pierre Durocher vit un très difficile lock-out et je comprends sa frustration. Par contre, j'ai de plus importantes réserves sur les propos de Renaud Lavoie, de RDS.

Mais ce qui ressort de ces discussions, c'est la confusion totale qui baigne dans le merveilleux monde des médias et du Canadien. Et je comprends très bien les partisans et les autres d'être complètement mêlés dans ces histoires.

Au fait, qui donc est un journaliste professionnel dans toute cette panoplie de cheerleaders à qui on donne un kodak (deux k dans le même mot!) ou un micro? C'est quoi exactement le statut professionnel de Joël Bouchard? De Jacques Demers? De Michel Bergeron et de tous ces Michel Langevin qui inondent les ondes? Quel est l'encadrement journalistique qu'on leur fournit? Qui fait la distinction entre les cancans, les bobards, les rumeurs et les vraies nouvelles?

Pour un Marc Antoine Godin qui enquête, qui pose des questions, qui vérifie et qui livre un article bien structuré et bien étayé aux lecteurs, combien de cheerleaders font la job de béatification des Glorieux en se faisant passer pour des professionnels de l'information? En se faisant passer pour quoi au juste?

Comment voulez-vous que les partisans et les gens ne soient pas mêlés? Qu'il ne règne pas une confusion absolue chez le partisan et le grand public?

Je donne un exemple. Je suis comme vous. J'ai reçu des courriels concernant Carey Price et Chris Higgins. J'ai reçu de nouvelles photos de nos lascars. Idem pour les Kostitsyn. J'ai rencontré des informateurs qui m'avaient appelé pour me dire qu'ils avaient des choses à raconter. J'ai rencontré un policier qui m'a refilé des informations.

Des gens se demandent comment il se fait «que les journalistes cachent des affaires» ? Les journalistes ne cachent pas des affaires, les journalistes cherchent à vérifier les mille rumeurs qui courent en ville. En plus, les journalistes, les vrais, ceux qui travaillent dans un organe de presse sérieux, tentent de vérifier quels sont les éléments d'information qui sont publics. Si on prétend qu'une fille a été maltraitée par un joueur mais qu'elle n'a pas porté plainte, si la police n'est pas intervenue, alors ça reste une rumeur. Si on est capable de me fournir un rapport d'intervention de la police, alors ça devient public et on peut informer les lecteurs. Mais faudrait que mon ami de la police me rappelle aujourd'hui, on se comprend?

Et puis, tout change terriblement vite. Avec internet, il est difficile de vérifier et de revérifier une info. Il faut aller vite, il faut être le premier. Et une fois qu'une nouvelle se retrouve sur un site crédible, la compétition s'en empare et une tempête peut balayer l'organisation ou la province en moins de temps qu'il n'en faut pour écrire «krasse».

Comme en plus, le fefan est incapable de lire vraiment ce qu'on écrit parce que le prisme de sa passion est trop déformant, il ne faut pas se surprendre des proportions débiles que peut prendre le moindre cancan.

Mais que le talifan ne s'emporte pas. Toutes ces outrances ne servent qu'à remplir le Centre Bell et à vendre encore plus de guenilles. À part ceux qui rêvent d'une information juste et vraie, tout le monde y gagne dans ces histoires. Des culs dans les sièges du Centre Bell, des cotes d'écoute formidables pour le réseau partenaire, des journaux et des revues vendus aux curieux et aux fans et des millions pour ceux qui sont à l'origine de tout ça.