Il se peut fort bien que le Canadien soit éliminé ce soir. Il se peut qu'il gagne et qu'il aille battre les Bruins à Boston pour offrir à Montréal un dimanche complètement fou dans quelques jours. C'est comme ça, le hockey.

N'empêche que ce fut une saison épouvantable pour l'organisation qui avait mis en branle une année de festivités et de célébrations pour son centenaire.

Comment expliquer que cette équipe, le 17 janvier, se vantait d'avoir connu sa meilleure première moitié de saison en 20 ans ? Deux mois plus tard, Guy Carbonneau, dont Bob Gainey disait qu'il était sa plus belle réussite depuis son arrivée chez le Canadien comme directeur général, a été trahi par son grand ami et a été congédié.

Et honnêtement, Gainey a fait pire que Carbo. Et puis, dire que le 4 mars, date limite des transactions, Gainey est resté assis sur ses positions en disant que les joueurs qui formaient son équipe le satisfaisaient.

On parle de Bob Gainey le directeur général et depuis mars, de Bob Gainey, le coach. C'est correct, c'est ce qui est public. C'est le sujet même de la game.

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Mais Gainey ne fait pas que des mauvais coups. Gainey, l'homme qui a été frappé de plein fouet deux fois par la mort de sa femme d'un cancer du cerveau et par la mort affreuse de sa fille Laura, emportée par une vague dans l'océan, continue de tenter d'aider ses joueurs. D'une autre façon.

Il y a quelques années, alors que Gainey se battait contre un autre ennemi terrifiant, la drogue, la pire, l'héroïne, qui était en train de tuer sa Laura, il avait accepté l'invitation de Red Fisher, mon grand confrère de The Gazette. Red, pour être certain de ne pas être dérangé avec Gainey, avait loué une suite à l'hôtel. Gainey lui avait raconté pendant plus d'une heure tout ce que le drame de Laura avait entraîné dans sa vie et dans celle de sa famille. L'horreur.

À la fin d'une longue et pénible entrevue, il y avait eu un lourd silence. Silence que Gainey avait tranché de sa voix grave. « Eh bien ! Red, je pense que tu as peut-être une histoire. «

C'était du pur Gainey. Retenue et humour froid. Il avait raconté l'histoire pour que d'autres ne désespèrent pas. Pour que d'autres trouvent dans ce long reportage de deux pages grand format le courage de continuer à lutter.

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Dans un sens, on peut critiquer Gainey de ne pas diriger des exercices assez durs. On peut critiquer ses décisions. On peut le blâmer pour tel ou tel incident. On peut ne pas être satisfait du travail de son dépisteur en chef, on peut être insulté par la façon méprisante avec laquelle il traite les jeunes journalistes...

Mais quand on apprend tout ce qu'il a fait depuis quelques mois pour tenter de faire prendre conscience à quelques-uns de ses jeunes joueurs des dangers qui les guettaient s'ils continuaient à déraper comme ils étaient partis, quand on réfléchit sur sa façon d'aborder certaines situations, on admire son engagement personnel.

Ainsi, Carey Price a été invité chez lui. Au moins deux fois. Gainey a passé des heures en sa compagnie à lui parler de hockey, mais aussi de la vie. Il lui a parlé comme il parlait à son fils et à ses filles. En tentant de lui ouvrir les yeux pour qu'il soit un athlète et un jeune homme responsable.

Il a accueilli tous les autres joueurs dans son bureau. Certains se sont contentés d'une vingtaine de minutes mais d'autres sont restés une bonne heure. Vous devinez sans doute ceux qui ont discuté plus longtemps avec le patron. Toujours avec la même intention, faire prendre conscience.

Comme il l'avait fait avant le congédiement de son ami Carbonneau quand il s'était promené dans le Vieux avec Alex Kovalev.

Il se peut que le Canadien soit éliminé ce soir. Il se peut que dès demain, on fasse le bilan et un peu le procès de Bob Gainey, le directeur général, le coach et le vice-président du Canadien.

Il se peut que la plupart de ces hommes jeunes qui deviendront joueurs autonomes dans deux mois et demi quittent Montréal l'été prochain.

Mais il se peut aussi que ces conversations avec un homme qui a un sens moral élevé les suivent toute leur vie.

Dans ce cas, Bob Gainey aura quand même gagné gros...

Les Islanders de 1975

La mémoire est une faculté qui peut jouer des tours. Lundi soir, j'ai raconté comment les Islanders de New York de 1975, inspirés par Al Arbour, avaient comblé un déficit pour finalement battre les Penguins de Pittsburgh. Le plus fort, c'est qu'ils étaient également revenus de l'arrière contre les Flyers, remportant trois victoires pour forcer un ultime match à Philadelphie. C'est le soir où Ed Westfall, le capitaine des Islanders, avaient offert des fleurs à Kate Smith pour essayer de neutraliser la bonne chance qu'apportait la chanteuse aux Flyers.

Pressé par l'heure de tombée, dans mon texte, j'ai parlé de Denis Potvin, qui m'avait raconté l'histoire à l'époque, de Bob Bourne et de Clark Gillies. J'ai ajouté les noms de Bryan Trottier et de Mike Bossy. J'ai commis une erreur. Ils n'étaient pas de l'équipe de 1975. J'ai tellement couvert les grands matchs de Bossy et de Trottier que j'ai confondu leurs exploits et ceux de Westfall, de Nystrom, Gillies et compagnie, qui s'étaient offert ces retours. Plusieurs lecteurs m'ont écrit pour me souligner l'erreur et je les remercie. Ça m'apprendra. La prochaine fois, j'appellerai Paul Houde.