À un moment donné en deuxième période, mardi, Mathieu Dandenault a été mis en échec le long de la bande, loin dans le territoire du Canadien. De mon siège, j'avais une vue imprenable sur la scène.

J'ai tout de suite vu qu'il s'était fait mal. Et sérieusement. Quand on s'est disloqué l'épaule une couple de fois au football, on reconnaît les gestes et les positions que la douleur impose. Le bras qui reste inerte et qu'on protège en le laissant baissé, le gant tombé sur la glace, c'était une fracture.

Le réflexe quand on a les jambes sciées par la douleur, c'est de trouver le moyen de se rendre au vestiaire. En serrant les dents. Dandenault, lui, a eu le réflexe ultime de ramasser son gant avec son bras fracturé. Il a fait un pas ou deux vers le banc des joueurs avant de réaliser que les Flames de Calgary continuaient d'attaquer le filet de Jaroslav Halak.

Je n'en croyais pas mes yeux quand je l'ai vu rebrousser chemin pour venir se mettre dans l'angle de l'attaque des Flames et protéger une partie de la zone devant le gardien. Sans bâton, courbé, incapable de se redresser à cause de la douleur trop intense. Le temps semblait s'éterniser et j'avais mal pour lui.

Un joueur des Flames, conditionné par des années passées dans le hockey, n'arrêtait pas de lui donner des doubles-échecs dans le dos pour le déplacer. Je ne blâme pas le joueur, il faisait ce qu'on lui avait appris. Déranger le défenseur en le frappant avec son bâton puisque, de toute façon, les arbitres laissent faire.

Finalement, quand le Canadien a repris le contrôle de la rondelle, l'arbitre a sifflé l'arrêt du jeu. Et Dandenault a pu se diriger au vestiaire.

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Il y a une suite qu'on n'a pas vue sur la patinoire du Centre Bell. Quand ses coéquipiers sont revenus dans leur vestiaire après leur victoire, Dandenault, le bras déjà plâtré, les attendait pour les féliciter.

Et on ne parle pas d'un fanfaron, d'un baveux ou d'un supposé dur à cuire. On parle d'un gentilhomme qui parle posément, qui est gentil et poli et qui a offert en mars dernier à son frère Louis-Philippe, le comédien qui tient le rôle de Francis Gagnon, le plaisir immense de jouer dans un même trio devant 12 000 spectateurs au Colisée de Québec. Mathieu s'était tapé Montréal-Québec aller et retour pour ces quelques minutes avec son frère.

Ce gars poli et gentil, qui n'est pas toujours traité avec tout le respect qu'il mériterait par son coach, est un vrai tough. Quand on se casse un bras, on n'est pas supposé rester au jeu pour tenter de couvrir un angle devant son but. Mais quand on le fait, ça veut dire qu'on s'oublie complètement, ça veut dire que le désir d'aider l'équipe, le désir de contribuer à la victoire est plus fort que la douleur d'un bras fracturé.

La prochaine fois qu'un fefan va chialer contre «ces millionnaires qui se pognent le beigne», je n'aurai qu'à dire «Mathieu Dandenault» pour qu'il ravale son fiel. Ces gars-là sont courageux. Ils sont millionnaires parce que des propriétaires veulent leur verser des millions. Et si les millionnaires versent des millions, c'est parce qu'ils espèrent faire des millions.

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Parlant de millions, j'en ai vu défiler quelques-uns, mardi au Centre Bell. Je regardais les publicités sur le grand tableau indicateur, un magnifique écran géant, et je faisais le compte des dizaines de milliers de dollars qui tombaient dans les coffres et j'étais plein d'admiration pour le département de marketing de l'organisation.

Dès qu'il se marque un but ou qu'il se passe un jeu important, les spécialistes de Ray Lalonde, le vice-président du CH, savent que 21 000 personnes vont relever la tête pour regarder la reprise. C'est plus que pour certaines émissions de Télé-Québec. C'est Bell qui accueille ces 21 000 téléspectateurs captifs. À chaque fois. D'autres éléments du spectacle global qu'est maintenant un match au Centre Bell sont présentés par le train de Via Rail. Et ça n'arrête pas. Même ma chronique à 98,5 fait l'objet d'une pub. Je n'ai pas insisté, je me suis gardé une petite gêne.

Le total de tous ces éléments donne un résultat plus grand que la somme des parties. Le show global est meilleur que le jeu sur la patinoire. Plus on est attentif au jeu et plus on réalise qu'on assiste à une partie d'échecs disputée avec des humains. C'est que les joueurs sont trop bons. Les superstars ne peuvent plus contourner un défenseur malhabile ou lent, ils ne peuvent plus battre de vitesse un défenseur trop gras et trop gros. Comme dirait mon ami Jean Perron, plus ils sont bons, moins les plus bons sont différents des juste bons.

Réfléchissez à cette phrase et vous allez comprendre toute la différence entre le grand hockey du Rocket, de Guy Lafleur ou de Wayne Gretzky et Mario Lemieux et le grand hockey de Sidney Crosby.

DANS LE CALEPIN - Le temps des Fêtes incite à l'amour et à la charité. C'est peut-être moins certain dans la société en général mais pour les fans du Canadien, c'est vrai. J'étais en compagnie de Lyn Lazure et de son conjoint Jacques Dalpé pour le match contre les Flames. Lyn a payé tout près de 2000$ pour le «privilège» de m'accompagner. Ils ont rencontré Ron Fournier, Yvon Pedneault et autres stars de la télé et de la radio, ils ont eu le plaisir de discuter avec André Desmarais de la situation économique mondiale et ils ont savouré un excellent souper à la Mise au Jeu, invitation de Donald Beauchamp. Samedi, c'est un gagnant d'un encan de Tel-Jeune que je rencontre au Centre Bell. Son oncle a payé 1000$. Si cet argent peut aider, merci aux Glorieux d'être si populaires.