Donc le Canadien et le Centre Bell valent une fortune. Une énorme fortune. C'est Forbes qui le dit. De l'or en barre, même si le prix de l'or a baissé un peu depuis quelques semaines.

Le Canadien vaut une fortune même si le dollar canadien a pris une descente vertigineuse depuis un mois et que les dépenses en dollars américains risquent d'être plus lourdes à amortir pour l'organisation. Mais George Gillett est un brillant homme d'affaires, je présume, et il doit savoir que le dollar canadien, selon les spécialistes, devrait retrouver dans la prochaine année sa valeur réelle, autour de 90 cents pour un dollar américain. Il va suivre le prix du baril de pétrole...

Le Canadien et le Centre Bell valent donc une fortune. C'est d'autant plus génial que M. Gillett a reçu un des deux en cadeau. Soit, il n'a pas payé le club, soit il n'a pas payé le Centre Bell.

À l'époque, la vente à M. Gillett a pris plusieurs observateurs par surprise. On savait que des entreprises canadiennes et des hommes d'affaires québécois étaient intéressés par l'équipe et l'édifice ultra moderne qui avait coûté280 millions. BCE avait négocié plusieurs mois et un autre groupe formé de Steven Bronfman et de René Angélil et Dennis Wood avait également rencontré les dirigeants du Canadien.

Il y a deux ans, René Angélil m'avait confirmé qu'il avait été mêlé à ces négociations. En souriant, il avait ajouté: «Des fois, quand je lis les journaux, je me dis que j'ai bien fait de ne pas y aller».

C'était évidemment une boutade. La première offre faite à Angélil et Bronfman avait été qualifiée «de pas intéressante» par Angélil. Ce qu'on a toujours ignoré, c'est que plus tard, Molson et le Canadien sont revenus à lui, personnellement, pour lui offrir un marché semblable à celui accepté sur-le-champ par George Gillett. Angélil a déjà confié à mon confrère Alain de Repentigny que cette fois, l'offre était alléchante: «Mais mon idée était faite. J'en avais parlé avec ma femme et mes amis et me connaissant, j'aurais été toujours à Montréal, proche de l'équipe», lui avait-il dit.

***

Steven Bronfman m'a déjà expliqué comment une partie des choses s'était passée. On était au sommet du Mont-Tremblant pour les 24 Heures de Tremblant organisées par Craig Pollock et son épouse avec Jacques Villeneuve. Je connaissais l'histoire parce qu'un ami me l'avait racontée.

Steven est un fan du Canadien. Son père, Charles Bronfman, avait dépanné le maire Jean Drapeau qui était à court d'investisseurs pour acheter la nouvelle concession de baseball pour Montréal. En achetant le Canadien, Steven imitait son père et renforçait encore plus sa présence dans le Grand Montréal.

Un samedi frisquet du mois de décembre, avec ses lunettes de ski sur les yeux, le jeune Bronfman s'était installé dans une cabine montant les skieurs au sommet de la montagne. Une randonnée de huit minutes. Les deux hommes, qui étaient assis avec lui, s'étaient mis à jaser du Canadien qui, à l'époque, faisait tristement dur.

Tout y était passé. Du soigneur au propriétaire. Des tatas, des exploiteurs qui mettaient l'argent dans leur poche et qui se foutaient du monde ordinaire. Bronfman écoutait et à chaque minute, il se disait que bientôt, c'est de lui qu'ils parleraient.

Encore ébranlé, il s'était élancé sur la piste... et rendu en bas, sa décision était prise. Il mettait fin à toutes négociations avec Molson et le Canadien pour l'achat de l'organisation.

Tous ceux qui ont raconté l'histoire ont fini par enjoliver le récit. Peut-être que ce n'est que quelques semaines plus tard que Steven a vraiment pris sa décision. Peut-être que c'est l'étude froide des chiffres qui l'a décidé de laisser passer son tour. Peut-être que c'est René Angélil qui lui a dit que ça ne l'intéressait plus. Mais chose certaine, Steven Bronfman, quelques années plus tard, se rappelait encore cette discussion du samedi matin de décembre entre deux «connaisseurs» qui se vidaient le coeur.

***

Les années ont passé. Oncle George fait une fortune. Le Canadien joue bien, Madonna et Céline remplissent le Centre Bell, à qui il ne manque plus que la Coupe Stanley pour avoir une grande âme de hockey, et les fans sont heureux.

L'équipe appartient maintenant à un Américain fort gentil et Molson est diluée dans une grande multinationale américaine. Et le tout a été financé par votre Caisse de dépôt.

Les deux gars dans la cabine de ski auraient pas pu se la fermer!

DANS LE CALEPIN - Quand même, le baseball est un beau sport d'hiver. Ça se joue fort bien avec une balle de neige et un gros glaçon comme bâton. Tout comme le baseball est un beau passe-temps pour la nuit. Pourquoi courir les bars à 2h de la nuit quand on peut suivre un match de la Série mondiale?

Les enfants qui aimeraient voir leurs favoris disputer les matchs les plus importants de l'année n'ont qu'à ne pas dormir. Ils se coucheront à 3h, eux aussi. Ils somnoleront le lendemain dans les classes à l'école. De toute façon, l'école qu'ossa donne?