Pour la première fois depuis que le chapitre ultime de la saga du Grand Prix a repris, Normand Legault a donné signe de vie. Il a téléphoné au ministre Michael Fortier, au ministre provincial Raymond Bachand et au maire de Montréal Gérald Tremblay dans la journée d'hier.

Selon ce que j'ai appris, M. Legault a tenu aux hommes politiques un discours similaire à celui qu'il tenait à ses amis depuis plusieurs mois. À savoir qu'il était tanné de négocier et de porter la pression de ce Grand Prix comme promoteur privé, le seul au monde, et qu'il ne voulait plus être engagé dans l'aventure.

 

Il est en Europe, peut-être en Allemagne, et il ne reviendra pas au Québec avant quelques semaines.

Par ailleurs, les deux ministres et le maire Tremblay ont reçu leur copie du contrat liant le Grand Prix du Canada et la compagnie de Bernie Ecclestone. «Je n'ai pas encore eu le temps de l'étudier, a confirmé le ministre conservateur Michael Fortier, hier en début de soirée. Mais au moins, nous allons savoir exactement à quoi nous en tenir. En même temps, nos spécialistes étudient toutes les retombées économiques et fiscales du Grand Prix pour que nous connaissions le pour et le contre d'une intervention.»

Une autre source a indiqué que déjà plusieurs promoteurs s'étaient offerts pour aider les ordres de gouvernement à sauver le Grand Prix. Comme on présume qu'on devra mettre sur pied un partenariat État-privé, plusieurs hommes d'affaires sont intéressés, le risque étant largement diminué. On m'a confié qu'on avait pressenti Marcel Aubut, et George Gillett a confirmé à mon confrère François Gagnon qu'il s'intéressait au dossier. On sait qu'en 2003, George Gillett, aidé par le cabinet de Jean Chrétien, avait tenté de mettre la main sur le Grand Prix du Canada.

Enfin, le silence public de M. Legault permet de soulever plusieurs hypothèses. Il est déjà certain que cet homme d'une intelligence supérieure et aguerri aux batailles sanglantes de la Formule 1, a réfléchi à chaque geste. S'il n'a communiqué avec aucun média, ça fait partie d'une stratégie.

Si Legault s'était pointé à Montréal, il aurait obligatoirement fait partie de la solution. La pression pour qu'il demeure le promoteur, même s'il avait été aidé par les gouvernements, aurait été extrêmement forte. En restant à l'extérieur et injoignable, il oblige les hommes politiques à travailler sans lui.

En restant en dehors des efforts déployés par MM. Fortier, Bachand et Tremblay, M. Legault donne raison à ceux qui croient qu'il a été victime de la voracité épouvantable du Harpagon de la Formule 1. Il fait la preuve qu'il ne veut plus rien savoir de la game.

En restant en dehors du Québec et en refusant de parler publiquement, M. Legault oblige les hommes politiques à trouver eux-mêmes la solution. Certains stratèges estiment que c'est la preuve que Legault et Ecclestone s'entendent comme larrons en foire et que le tout fait partie d'une combine pour que ce soit les contribuables qui prennent la relève sans que le protégé de B'wana ne perde une seule cenne dans l'histoire.

Personnellement, c'est la première hypothèse que je retiens. Et une partie de la deuxième. Quant à la troisième, elle serait digne d'un fabuleux roman. Mais on dit que la réalité dépasse parfois la fiction.

/////////////////////

Parlons chiffres. Les vénérés lecteurs de ce quotidien sont assez grands pour se faire leur propre idée d'une situation.

Mais il faut quand même établir l'équation.

On estime à 80 millions les retombées directes du Grand Prix. C'est-à-dire environ 30 000 visiteurs de l'extérieur qui dépensent environ 2500$ pendant leur séjour. C'est de l'argent frais et les taxes, TPS et TVQ ainsi que l'impôt sur le revenu des commerçants et employés, représentent plusieurs dizaines de millions pour les gouvernements. Ce n'est pas pour rien que le premier ministre Jean Charest a vivement rassuré les gens cette semaine en disant qu'on n'allait pas perdre le Grand Prix. Comme c'est très significatif que Pierre Parent, le propriétaire de l'hôtel St-Sulpice et de l'hôtel Crystal, soutienne que les hôteliers pourraient verser une contribution de50 $ par chambre d'hôtel multipliée par trois soirs. C'est-à-dire 25 000 chambres d'hôtel multipliées par trois... pour un total d'environ 3,5 millions de dollars.

En fait, les retombées fiscales pour les gouvernements atteignent environ 30 millions. Sans même parler de la visibilité et de la crédibilité d'une ville à l'étranger. Les autres ne sont pas obligés de savoir que Montréal est une ville dont le tissu urbain se décompose à chaque année. En connaissez-vous des villes dont quatre autoroutes qui l'encerclent finissent dans des champs? Je parle de la 13, de 440, de la 640 et de la 30.

Ou bien on perd totalement cette visibilité et ces 30 millions... en ne faisant rien.

Ou bien les gouvernements prennent le risque d'investir une moyenne de 10 millions par année pendant trois ans et alors, les contribuables touchent encore20 millions par année pour payer les infirmières, les profs et les programmes d'aide sociale.

La différence est facile à saisir. C'est rien ou20 millions. Même si c'est frustrant et enrageant d'envoyer tout cet argent à Bernie Ecclestone.

Vous comprenez pourquoi Michael Fortier, qui sera sans doute ministre encore quelques semaines, travaille autant avec MM. Bachand et Tremblay...

 

Gagnon, FrançoisGillett prêt à faire le saut en Formule 1

Croisé dans le vestiaire du Canadien après le match d'hier à Buffalo, George Gillett distribuait les poignées de mains à ses joueurs, affichant un large sourire en dépit du revers. Questionné sur la menace sérieuse qui pèse sur le Grand Prix du Canada, le propriétaire du Canadien a confirmé son intérêt dans ce dossier. «Notre famille est prête à faire le saut dans cette aventure», a convenu M. Gillett. «Nous avons signifié notre intérêt aux personnes impliquées directement dans le dossier et notre démarche sera simple: si les gouvernements nous contactent et nous demandent de nous engager nous le ferons. De quelle façon? Cela reste à déterminer. Mais notre famille est prête à s'engager pour maintenir à Montréal un événement de cette importance.»