Comme ça, Roger Federer était à bout de souffle. Trop fragile mentalement pour gagner un tournoi du Grand Chelem.

Comme ça, on s'est tous trompés. Hier, Federer a remporté les Internationaux des États-Unis pour une cinquième fois de suite. C'était son 13e titre majeur en carrière et il n'est plus qu'à une victoire du record de Pete Sampras.

Pas pire pour un gars qui n'avait plus la «dureté du mental» comme on le disait après sa défaite à la Coupe Rogers, à Toronto. Pas pire pour un superbe athlète qui n'a que 27 ans et qui a encore au moins cinq bonnes années devant lui avant de ralentir pour vrai.

Combien étions-nous à prétendre que Federer connaissait une saison décevante? Demi-finale à Melbourne aux Internationaux d'Australie, finale perdue contre Rafael Nadal à Roland-Garros, finale perdue lors d'un des plus grands matchs de tennis de l'histoire à Wimbledon, toujours contre Nadal, et victoire aux Internationaux des États-Unis. Des années décevantes comme celle-là, j'en aurais pris une couple avant d'accrocher ma raquette.

Hier, Federer n'a pas fait que gagner. Il a établi clairement qu'à part Nadal, quand l'enjeu était grand, ils sont rarissimes à pouvoir lui tenir tête. Andy Murray a connu un extraordinaire tournoi. Les deux jours passés à se battre contre Nadal l'ont sans doute vidé mentalement. Hier, ou bien il n'avait plus de jus ou bien Federer était vraiment trop fort pour le jeune Écossais.

C'est sans doute un peu des deux. À toutes les fois que Murray menaçait Federer, le grand Suisse haussait son jeu d'un cran et assommait son adversaire. Il a gagné le deuxième set, le seul qui fut contesté, en matraquant des coups gagnants sur le revers de Murray. À un moment donné, Federer a marqué 13 points de suite. Comme quatre points sont suffisants pour gagner une partie, ça donne une idée de l'exécution.

Cela dit, il ne faut rien enlever au mérite de Murray. Battre Nadal en 2008, c'est déjà un exploit. Et le faire en forçant l'Espagnol à se démener d'un côté à l'autre du court, c'en est un autre. Dimanche, j'ai vu Nadal, langue pendante, pompant pour retrouver son souffle. Je ne me rappelle pas pareille scène au cours des trois ou quatre dernières saisons.

La force de Cayer

Et puis, cette performance me fait chaud au coeur pour une raison bien personnelle. Louis Cayer, l'ancien pro de l'Île-des-Soeurs et ancien coach de l'équipe canadienne de la Coupe Davis, vit maintenant en Angleterre. C'est l'aaaaamour qui le veut ainsi et on le sait, on ne peut rien contre l'amour.

Sauf que Cayer est devenu le coach des frères Murray en double et le conseiller d'Andy. C'est lui qui travaille sur la stratégie pendant les matchs et sur la façon de jouer les angles pendant un échange.

C'est la force de Cayer. Même si on ne sait pas comment frapper la balle avec force, quand Cayer a fini d'expliquer comment découper le terrain pour faire commettre des erreurs à l'adversaire, on est capable de vaincre bien meilleur que soi.

C'est comme ça que j'ai toujours battu Jean Pagé.

Un dernier mot pour souligner la merveilleuse classe montrée tant par Nadal que par Murray et Federer. Ces grands champions sont éduqués. Ils savent remercier les gens, féliciter l'adversaire et se comporter comme des gentlemen. Des fois, je me dis que ça fait du bien.

Mais si Murray avait sauté par-dessus le filet pour aller se battre avec Federer, peut-être aurait-il pu le défigurer et l'ébranler? Qu'est-ce qu'on attend pour permettre aux champions du tennis de se battre pendant les matchs? En interdisant de tirer les cheveux et de crever les yeux de l'adversaire. Me semble que ça serait plus viril.

Je me dis qu'un Federer étourdi, avec le nez sanguinolent et quelques dents branlantes aurait été moins sûr de lui pendant le troisième set.

Jeu de moumoune, aussi…

Et le retour de Serena

Serena Williams, elle, a fait une brillante démonstration de puissance. Les soeurs Williams, surtout Serena, sont des jeunes femmes aux intérêts fort diversifiés. Elles sont impliquées dans le design, dans la mode, dans la publicité et elles ont parfois contribué à tourner des clips ou sont apparues dans des films. Ça fait beaucoup.

En plus, les deux soeurs, Venus et Serena, sont très indépendantes d'esprit. Disons qu'elles ont beaucoup de caractère. Elles font ce qu'elles veulent dans la vie et si elles décident de mettre la pédale douce pendant quelques mois, personne ne va leur pousser dans le dos. Leur père, Richard, a bien des défauts, mais il faut reconnaître qu'il a su faire grandir l'estime de soi chez ses deux filles.

Venus a gagné Wimbledon et voilà que Serena l'imite en gagnant les Internationaux des États-Unis et en redevenant numéro un mondial. Ça veut dire que Serena, encore plus que Venus, aurait pu rester dans le top 5 mondial si elle s'était donnée à fond à son sport. Je ne suis pas certain que les belles Russes auraient trôné aussi souvent à la fin des tournois.

J'ai souvent eu le plaisir de discuter avec Serena et Venus. Dans une autre vie. Ce sont de jeunes femmes bien éduquées, sensibles et fort intelligentes.

En voyant Serena éclater de joie après sa victoire, je me disais que les soeurs Williams avaient apporté un côté athlétique et musclé au tennis féminin qui lui a permis de progresser. Ça frappe d'aplomb et les «moonballs» ont disparu du circuit. Bravo!