C'est l'histoire d'un monsieur de mon âge, bien mal emmanché dans son appartement de l'avenue du Mont-Royal, un bras dans le plâtre jusqu'à l'aisselle, un gros abcès dans le dos. Il attend l'infirmière du CLSC du Plateau-Mont-Royal qui doit venir changer son pansement. La voilà justement qui arrive, elle porte le hidjab. Le monsieur avec l'abcès dans le dos lui fait savoir aussitôt qu'il est contre le port du voile, il ajoute qu'il a travaillé en Tunisie du temps de Bourguiba. Ah, madame, la Tunisie du temps de Bourguiba, les femmes n'étaient pas voilées à cette époque.

L'infirmière, qui n'a rien à foutre de Bourguiba, de la Tunisie et de l'opinion de son patient sur le voile, s'en retourne aussitôt au CLSC sans donner les soins pour lesquels elle s'est déplacée. Elle justifiera son départ en disant qu'elle se sentait menacée.

Le monsieur devra attendre la fin de l'après-midi avant qu'une autre infirmière vienne changer son pansement.

La commissaire aux plaintes du CSSS déplorera habilement que le patient ait dû attendre toute la journée la visite d'une seconde infirmière mais excusera tout à fait le départ précipité de la première. Elle était en droit de le faire si elle se sentait menacée. Opinion confortée, début août, par le Protecteur du citoyen.

Et voilà le vieux monsieur fort dépité... J'ai donc perdu mon droit de parole dans mon propre appartement, m'écrit-il.

Sans doute que l'auxiliaire musulmane a, commodément, exagéré son inquiétude, mais puisque vous me demandez mon avis, monsieur, je vous soumets que contrairement à ce que vous semblez croire, votre droit de parole dans votre propre appartement, en présence d'invités auxquels vous devez d'abord l'hospitalité, est plus limité que sur la place publique.

Vos observations sur le voile à cette dame étaient pour le moins malencontreuses. J'irai plus loin: y aurait-il une charte ou une règle qui interdirait à cette dame de porter le voile, étant son hôte, vous seriez la dernière personne à pouvoir l'interpeller, ce dernier point relevant bien sûr d'une sensibilité qui devrait primer sur toutes les règles et toutes les chartes.

Désolé.

La Charte encore, ou son absence, mais cette fois du point de vue d'un Écossais d'ici cité par mon collègue Jean-Christophe Laurence dans La Presse du 16 août.

Mon collègue demandait à cet Écossais (partisan de la séparation de l'Écosse) si le fait de vivre au Québec avait changé sa perception de l'indépendance écossaise.

Extrait de sa réponse: C'est difficile de comparer... En Écosse, le mouvement indépendantiste est beaucoup plus civique que culturel.

Ah bon! Ici, on n'est pas civique? Cette charte de la laïcité qu'on se souhaitait était donc un projet culturel?

Autre extrait de la réponse, toujours sur le thème «c'est difficile de comparer»: Le Scottish National Party est un parti de centre gauche, pro-immigration et pro-multiculturel...

Ah bon? Et j'imagine que le PQ est un parti nationaliste de droite (comme le Front national en France), un parti contre l'immigration, et voilà pourquoi les Écossais d'ici qui voteraient Oui pour l'indépendance de l'Écosse ne voteraient jamais Oui pour l'indépendance du Québec.

Je ne dirai rien de ce «pro-multiculturel» qui semble le prolongement obligé du pro-immigration, comme si on ne pouvait pas être totalement en faveur de l'immigration tout en ayant d'autres vues, d'autres solutions, d'autres projets de société que ce multiculturalisme à la con.

Bref, pour en revenir à l'Écosse, je ne crois pas qu'elle sera indépendante la semaine prochaine, mais un coup qu'elle le serait, n'allez surtout pas comparer avec le Québec.

L'Écosse est un pays magnifique, civique et tout.

Le Québec est un pays de merde, raciste et tout.

***

J'ai ramassé hier ce qui semblait être les dernières chanterelles de la saison - et les premiers pieds de mouton -, me les suis servis sur un reste de risotto, je dis bien sur pas dans; dans, je les eusse mangées en capilotade, c'est un crime de trop cuire ces sublimes petites choses, en omelette, par exemple, comme on le fait trop souvent.

Parlant de chanterelles, j'ai dîné l'autre midi dans le restaurant d'un chef à la mode (on le voit paraît-il beaucoup à la télé). Tiens, c'est lui, m'a dit ma fiancée en passant devant la vitrine d'une Maison de la presse où il triomphe sur la couverture de son livre de recettes, ou sont-ce les recettes de sa maman? Bref, dans son restaurant à la mode et toujours plein, j'ai commandé des pâtes (des campanelles) aux chanterelles et au maïs, savez combien il y avait de chanterelles sur mes campanelles? Six. Quatre moyennes, deux petites. Par contre, du maïs, en veux-tu? En v'là! Et je jurerais que celui-là était en boîte. On me dit que le soir, c'est beaucoup mieux. Je n'irai pas vérifier.

Hé, fait longtemps qu'on s'est parlé, j'ai sérieusement songé à tout arrêter durant mes vacances et puis allez, mon vieux, encore un petit peu, un petit bout qui me mènera peut-être à la fin de notre édition papier, même si de fois en fois, je ne sais plus trop comment on fait ça, une chronique. Tiens par exemple, j'écris plus haut: je les eusse mangées. Vraiment? Aurais-je pu simplement dire: je les aurais mangées?

Voyez, ce n'est pas la Syrie qui me tracasse, ni l'Irak, ni l'Ebola, ni Accurso, ni l'Écosse, ni les régimes de retraite des employés municipaux, c'est l'imparfait du subjonctif.

Plus que jamais pépère la virgule.

Puisqu'on y est, vous connaissez le mot «embellie» pour dire une brève amélioration du temps ou d'un mauvais état quelconque? Pendant les vacances, un midi, à Radio-Canada, un invité régulier pourtant raisonnablement «culturé», ex-député du Bloc, a parlé à deux reprises d'une petite embolie dans le Parti conservateur au Québec, deux fois embolie pour embellie.

Que le ciel l'entende et qu'une embolie emporte le Parti conservateur.

Que disions-nous?

Rien, je sais bien, hélas.