Je reviens sur la chronique de samedi qui parlait d'un vieux monsieur qui donne des chocolats aux enfants. Le croirez-vous? Pas une seule débilité, pas un seul: ouin, t'es sûr? Plus formidable encore, même pas de courriels diététiques. Je m'attendais pourtant à une grande offensive granole, le-chocolat-ça-fait-tomber-les-dents-des-petits-enfants. Ben non. Je vous félicite.

Vous lire n'était pas pour autant si apaisant. Vos histoires disent un profond malaise, une paranoïa hélas ponctuellement nourrie par l'actualité, un monstre ici, un coach de hockey là. Que faire? Je ne sais pas. Faire ce que font la plupart des gens: ils se fient à leur instinct, font raisonnablement confiance à leurs enfants et cèdent parfois un peu vite, il me semble, à l'inquiétude. L'histoire de cette mamie, tiens.

L'autre jour, en auto, la mamie en question dépasse une caravane de petits cocos et de petites cocottes de garderie attachés les uns aux autres. Elle se range sur le côté, attend qu'ils arrivent à sa hauteur et les prend en photo avec son téléphone.

Une éducatrice la voit faire, relève le numéro de sa plaque d'immatriculation et la dénonce à la police. Deux jours plus tard, la police se présente au domicile de la mamie qui est à l'extérieur, la police la joint néanmoins et lui enjoint de rappliquer au plus vite: on vous attend à la porte de votre domicile.

Holà, mes amis, ça presse, une dangereuse pédophile est en liberté.

Finalement, la policière finira par s'excuser ou presque... en lui recommandant tout de même de ne plus faire ce genre de geste qui amène les gens à imaginer le pire.

Ah bon? Photographier des petits bouts de choux et petites bouttes de choutes de 3 ans fait penser au pire? Quelle formidable époque.

Nombreux courriels de profs. Chaque année au Québec, quelques dizaines de profs sont plus ou moins officiellement accusés d'agression sexuelle, suspendus sans salaire, leur réputation, leur carrière, leur vie brisées, et à la fin, dans plus de 90% des cas... ils sont complètement, totalement, absolument blanchis. Et néanmoins complètement, totalement, absolument détruits.

J'enseigne les maths, j'ai 54 ans, la gang qui graduait cette année a été la plus belle gang de ma carrière, les plus allumés, je les avais depuis deux ans, j'ai eu l'imprudence d'accepter leur invitation à l'après-bal des finissants qui se tenait chez une étudiante dont je connais un peu les parents... C'était en juin, le directeur de l'école m'a fait la morale, en décembre, il me convoque:

- Est-ce que vous savez pourquoi je veux vous voir?

- Non.

- Vous donnez des cours à domicile?

- Non.

- La rumeur veut que vous abusiez sexuellement d'une élève à qui vous donnez des cours à domicile, vous savez, depuis que vous êtes allé à l'après-bal des finissants...

Vous avez dit rumeur, monsieur le directeur?

Je suis enseignante dans une école secondaire anglophone. Jamais, jamais je ne touche un élève, même si l'idée me vient parfois de passer la main dans le dos de celui-ci ou celle-là que je sens tellement stressé par son examen. Jamais un câlin à une jeune en larmes, ja-mais.

Il arrive parfois qu'un ou une élève me dise: «Miss! Give me a hug.» Et vous savez ce que je réponds? Je réponds «no».

L'ai-je dit? Quelle formidable époque.

Serge: Quand j'étais petit, mes amis et moi grimpions dans le camion du boulanger et on faisait le tour du quartier avec lui. Il nous bourrait de petits gâteaux Vachon. Ma mère était au courant, pas inquiète une seconde.

Danièle: Quand j'étais petite à Bois-des-Filion, c'était la police qui nous donnait des bonbons.

Le sport

Je ne voudrais pas être à Sotchi pour tout l'or du monde. Je n'étais pas à Londres non plus, mes derniers jeux auront été ceux de Vancouver. Ils ont été mes jeux «de trop», j'aurais dû prendre ma retraite olympique après Pékin. À Pékin, j'avais déjà décroché de l'olympisme, même si cela n'a pas trop paru (merci aux Chinois). Donc, mes derniers jeux auront véritablement été ceux de Turin. J'aimais d'avance cette ville magnifique et, pour l'occasion, désertée par ses habitants qui avaient fui les Jeux. Disons-le, cela avait été un peu plate, Turin, et c'est justement ce que j'avais adoré: que ce fût un peu plate.

Ce n'est pas tant la fête qui m'ennuie que les milliards dont on la gonfle pour la faire «planétaire», pas tant la fête que ses flonflons qui enterrent la petite musique du sport qui m'est si chère.

C'est aussi qu'un peu plus chaque fois, le show gruge le sport. Un peu à l'image du patinage artistique toujours plus sirupeux, c'est tout l'olympisme qui est devenu une vaste entreprise de tapinage artistique.

Je vais quand même regarder le ski de fond, le patinage (longue piste) et le hockey. Et un peu la NBA, bien sûr: les Raptors sont en train de devenir une équipe sympathique.

Dans une école près de chez vous

Bonjour, madame, je suis la professeure d'anglais de votre fils. Je voulais vous dire que votre fils est très impoli en classe, un peu arrogant et qu'il prend vraiment beaucoup de place.

La dame: Oui, mais c'est parce qu'il trouve ça plate, l'anglais...

La prof raccroche. Question de la prof à elle-même: Suis-je plate? Réponse à elle-même: Je suis un peu sévère, c'est vrai, mais néanmoins interactive, je fais tout pour les amuser puisque, me répète-t-on depuis quelques années, c'est la clef d'un bon enseignement: être ludique. Youpi, amusons-nous. Aujourd'hui, les amis, le cours d'anglais se fera en chantant...

Elle est plate, ta chanson, madame. Pourquoi on ne peut pas chanter du Eminem?

Parce qu'il dit 118 fois fuck.

Ouais, mais je l'écoute chez nous...

On choisit une autre chanson. Cette fois, ils sont d'accord. Enfin presque. On peut-tu regarder la vidéo en même temps, madame? Non? On peut pas? Ah, ben là, c'est plate d'abord.

Voilà, je suis prof d'anglais au primaire, mais une prof d'anglais plate. Comme je souhaite néanmoins me rendre utile, j'ai une idée que je soumets très respectueusement aux pédagogues du Ministère: que diriez-vous de faire enseigner l'anglais par des clowns?