Pas vendredi dernier, l'autre, Arianna a accouché d'un petit garçon à l'Hôpital général juif. Tout s'est très bien passé, son deuxième. Arianna est Italienne de Turin, comédienne. Zach le papa est de la Nouvelle-Écosse et marionnettiste. On est chez les artistes, un peu granoles sûrement puisqu'ils voulaient garder le placenta.

La chose était courante au début des années 70 dans ces communes où l'on réinventait l'amour et le monde. Une amie m'a déjà invité à partager son placenta. Je ne me souviens plus si elle allait le faire frire ou si on allait le manger cru. Non merci chérie, c'est gentil, mais je vais plutôt reprendre un peu de cassoulet.

On me dit qu'on ne le mange plus, ou très rarement, mais il arrive qu'on le porte chez quelque praticien de médecine traditionnelle chinoise qui en fera des pilules pleines de fer, bonnes aussi pour faire monter le lait, et pour relaxer l'utérus, et contre la dépression passe-partout. Je vois aussi, sur le Net, que les Chinois le consomment comme aphrodisiaque. Il est vrai que les Chinois consomment n'importe quoi comme aphrodisiaque, bien que depuis quelques années, ils se soient mis au Viagra comme tout le monde, ce qui a fait terriblement chuter le cours du placenta et de la corne de wapiti râpée.

Ah oui, il s'en trouve aussi qui enterrent le placenta et plantent un arbre dessus. Mais non, nono, il ne poussera pas des bébés dans l'arbre. C'est, me dit-on, une coutume amérindienne.

Mais revenons à Arianna et Zach. Les voilà dans la chambre, on prépare Arianna. Il y a là une infirmière. Au fait madame, l'informe Arianna, nous souhaitons garder le placenta.

L'infirmière leur explique qu'il faudra aller chercher la chose en pathologie où sont conservés les placentas au frigo.

Après l'accouchement, Zach se rend donc en pathologie pour récupérer le truc. Il y est reçu fraîchement. Holà, jeune homme, où vous allez comme ça avec vos grands pieds? Nous ne sommes pas autorisés à remettre le placenta à qui que ce soit, sauf à une autorité religieuse qui en ferait la requête.

Un curé? Ça prend un curé pour avoir le placenta de ma femme?

Un curé, oui. Ou encore la requête d'un salon funéraire.

Un salon funéraire? s'indigna Zach. Personne n'est mort. Une autorité religieuse? Ni lui ni sa femme ne sont croyants. Le samedi matin, Zach appelle l'ombudsman de l'hôpital, sa remplaçante en fait, une dame fort compréhensive: je vais vous aider, lui dit-elle. Je vais vous trouver un curé qui fera la requête.

Le lundi matin, les choses se compliquèrent. Quelqu'un à l'hôpital s'était avisé qu'un curé ne serait pas suffisant. Il faudrait absolument un rabbin. Après tout, on n'est pas dans un hôpital juif pour rien. Mais le curé avait déjà été commandé. Il arrive. Le voilà dans le couloir qui mène à la pathologie où il croise le rabbin qu'on a mobilisé aussi. Holà! Vont-ils se disputer le placenta?

C'est à moi!

Non! C'est à moi. Et le placenta qui revolerait partout comme dans un film de de Funès. Ben non, c'est pas arrivé. Tout au contraire, le rabbin et le curé se sont fait des politesses à la porte du labo de pathologie. Après vous, a dit le curé. Je n'en ferai rien, s'est effacé le rabbin... C'est finalement le curé qui a fait la requête et Zach a pu enfin partir son placenta sous le bras. Les pilules sont déjà faites, une cinquantaine. Arianna a commencé à les prendre. Elle se sent très bien, mais ça n'a rien à voir avec les pilules. C'est le genre de truc qui ne fait pas effet avant deux semaines.

Vous voulez que je la rappelle pour vous dire si c'est efficace?

Le bébé - faut pas oublier qu'il y a eu un bébé dans cette histoire-là, pas juste une poche de placenta -, le bébé se porte très bien. Il s'appelle Marlowe du nom d'un écrivain anglais maudit, contemporain de Shakespeare. Et voyez comme le hasard s'amuse, Marlowe était rebelle à la religion. Mon dictionnaire de littérature spécifie: «rebelle aux croyances religieuses qu'il trouvait toutes ridicules.»

Avouez qu'il n'avait pas tort.

ÉLECTIONS MUNICIPALES - Dans une démocratie éclairée, je veux dire sans bullshit, je veux dire sans pub, je veux dire qui serait un peu plus que de la communication, le choix pour le maire de Montréal se serait fait entre Marcel Côté et Richard Bergeron.

Parlez pour vous, monsieur le chroniqueur!

Non, justement, ici, je ne parle pas pour moi. Il ne s'agit pas de moi. Je parle pour vous. Pour l'ensemble des Montréalais. Je ne vous sermonne pas, je ne dis pas les Montréalais auraient dû, s'ils étaient allumés, voter soit pour Marcel Côté, soit pour Richard Bergeron.

J'affirme qu'ils auraient effectivement voté pour Marcel Côté ou Richard Bergeron si une loi électorale interdisait la bullshit, l'enflure, le vide qui se donne pour du plein, la séduction. Bref, si on pouvait concevoir - hélas non, je le sais bien -, si on pouvait imaginer une loi électorale qui limiterait la COMMUNICATION comme elle limite le financement par exemple.

Si la politique n'était pas 90% communication, vous auriez opté soit pour le modèle de gestion que proposait Marcel Côté, soit pour la vision de Richard Bergeron. Vous connaissant un peu, vous auriez voté pour le modèle de gestion et M. Côté serait, aujourd'hui, maire de Montréal.

M. Coderre eût terminé troisième suivi de Mme Joly.

Question: Vous êtes sûrs que le plus grand danger pour la politique est la corruption et pas la communication qui, comme un grand vent, la vide de sens?

Nota Bene - On me dit (mon boss) que lundi matin, Gabriel Nadeau-Dubois tenait à peu près les mêmes propos à la radio. Deux choses: je n'ai pas écouté une seule fois la radio le matin depuis le départ à la retraite de Homier-Roy. Le matin, je lis. L'autre chose: cela ne me dérange pas, mais alors vraiment pas de penser comme Gabriel Nadeau Machin.)