Grosse année pour les bibites les plus étranges - je parle ici de créatures globuleuses, batraciennes et mangeuses de chair comme celles qui peuplent les tableaux de Jérôme Bosch. Bref, j'avais un bobo sur la cuisse cette semaine.

Vous ne voyez pas le rapport?

J'y viens.

J'avais donc ce bobo. Pas la peste bubonique. Une rougeur avec un cratère plus foncé au milieu. Ça piquait un peu, je regarde de plus près, ciel! Dans le cratère s'enfonçait une bibite dont dépassait l'arrière-train, des pattes, des mandibules, des ailes peut-être...

Vous ne me croyez pas? Ma fiancée non plus. Arrête donc de dire des folies! m'a-t-elle lancé. J'ai pris des pinces à épiler, j'ai tiré sur la chose, je suis allé chercher une loupe: tu vois? des pattes, des bouts de carapace rayée de noir et de brun comme ces doryphores qu'on trouve sur les fanes de pommes de terre.

À tout hasard, j'ai gardé les restes de la chose dans une petite boîte.

Il n'y a pas deux minutes encore - en temps réel d'écriture de cette chronique - , il n'y a pas deux minutes encore, je m'amusais d'être une pomme de terre à doryphore quand le flash m'est venu de googler maladie de Lyme.

Et voilà que soudain, je m'amuse moins.

Mon iPad me montre l'image d'un bobo - exactement le mien - une rougeur avec un cratère et dans le cratère, la partie arrière d'une bibite...

Je le demande à tout hasard, est-ce qu'il y a un médecin dans la salle?

STATISTIQUES - Il y aurait au Canada 10 milliards d'oiseaux. Et les chats en tueraient 134 480 000 par année. Ça doit être vrai, c'était dans La Presse l'autre jour et ce sont des chiffres d'Environnement Canada. Des chiffres qui me laissent tout de même... dubitatif.

J'ai moi-même neuf chats. Six n'attrapent jamais ni souris ni oiseaux. Ces six-là se nourrissent exclusivement de «croquettes tendres à l'arôme naturel de poulet fermier», je vous lis ce qui est écrit sur le sac de croquettes.

Un autre, Tonton, se spécialise dans le petit suisse et l'écureuil roux. Je ne l'ai jamais vu avec un oiseau dans la gueule.

Restent Charlie et La Fille. Charlie aimerait tellement pogner des oiseaux, sauf qu'elle est trop niaiseuse pour ça. Elle bondit toujours à contretemps et n'aurait jamais mangé de souris de sa vie si La Fille ne lui abandonnait pas ses proies, pas parce qu'elle est gentille, parce qu'elle n'en veut pas.

La Fille est l'absolue psychopathe, elle tue pour tuer. L'autre soir, trois souris en moins d'une heure. Charlie l'attend à la porte de la chatière comme on attend un livreur de pizza.

Les oiseaux, c'est pas mal plus difficile que les souris. Pour chasseresse qu'elle soit, La Fille n'en pogne pas plus de deux par semaine, disons trois: ça fait 150 par année. C'est là ma statistique, vérifiée sur le terrain: un chat sur neuf pogne 150 oiseaux par année. On est loin des 134 millions d'Environnement Canada.

Que veut-on nous dire, de toute façon?

Pourquoi Environnement Canada ne compte-t-il pas les souris que mangent les chats? C'est pas grave, les souris? Pourquoi ne pas compter le nombre d'oiseaux que mangent... les oiseaux? Un coup parti, le nombre de carottes que mangent les lapins? Le nombre de moutons que mangent les Bédouins?

Et le boeuf bourguignon, c'est fait avec quoi?

ÉLECTIONS MUNICIPALES - Dans le cercle de mes amis - non, attendez, je n'ai pas de cercle d'amis - parmi les gens que j'aime beaucoup, il y a une fille qui s'appelle Sabrina. Je l'ai connue toute petite, c'est une madame architecte aujourd'hui. Une fois elle m'a donné une chatte d'Espagne, Titouse, que j'ai aimée plus que tous les autres réunis, et dieu sait que ça fait beaucoup d'amour, tous mes chats réunis. Quand je pense à Sabrina, c'est pourtant une image de chienne qui me vient... Attendez avant de vous énerver: elle est assise dans son salon à côté de Zazie, sa chienne pitbull, qui vient d'avoir 11 bébés, sorte de magma grouillant, blanc et rose d'où s'échappent de faibles vagissements. La chienne et la fille bavaient de fierté et de bonheur.

Je ne sais plus à qui j'ai dit, l'autre jour au téléphone: au fait, as-tu des nouvelles de Sabrina?

Tu sais pas?

Quoi?

Elle se présente aux élections municipales; elle veut devenir maire de Saint-Léonard...

Pas dans l'équipe à Coderre?

Non, avec Michel Brûlé.

C'est un peu comme si je vous disais que je veux devenir président de la chambre de commerce de la Rive-Sud. On t'aime pareil, Sabrina. Je pense même qu'on t'aime plus que jamais.

BILAN BIBITES - Pas de renards de l'été. Pas de coyotes non plus. Les coyotes attendent de festoyer avec la tripaille des chevreuils que leur abandonneront les chasseurs, on les entendra alors ricaner toute la nuit avec leurs petits. C'est dans 15 jours, la chasse. Le chevreuil? Il pullule moins, il me semble, que les années passées. Il en reste quelques-uns tout de même. L'autre soir, à brunante, un faon du printemps a coupé mon chemin à quelques pieds de mon guidon, c'est à peine s'il a pressé le pas quand il m'a aperçu. Sa maman, qui le suivait, s'est mise à l'engueuler: je t'ai dit cent fois de regarder à droite et à gauche avant de traverser...

C'est juste un cycliste, maman!

Oui, mais c'en est un gros...

Si le chevreuil se fait rare, la dinde sauvage se répand, le lièvre revient timidement, déjà un peu engourdie, la couleuvre se fait écraser par dizaines sur les chemins et les voiliers d'oies se trompent de sud: pas par là, niaiseuses, c'est Chibougamau par là.

J'ai chassé les ratons à si grands cris qu'ils ne se risquent plus, mais ni les cris ni les pleurs ne font rien contre les coccinelles, qui viennent d'arriver par milliards.

Au saint nom de l'écologie, on a décidé de pas recourir cette année au «terminator de coccinelles», on ne fera pas arroser notre maison de pesticide. Je le regrette déjà. Fuck l'écologie, vive la cyperméthrine.