Il n'y avait pas de gorgonzola.

Je me suis rabattu sur un bleu espagnol que le jeune homme derrière le comptoir m'a fait goûter sur la pointe de son couteau.

Pas pire! M'en suis fait couper une tranche, mais tandis que le jeune homme coupait, j'aperçois vers le bas de la meule, vers la croûte, j'aperçois une trace de rose...

Je suis un vieux monsieur qui a mangé beaucoup de fromage dans sa vie. Je fais la différence entre un fromage qui se répand parce qu'il est à point et un fromage qui suinte parce qu'il commence à pourrir en régurgitant un petit jus gris, rose et grumeleux.

Je n'aime pas ce rose-là, ai-je dit au jeune homme. Il m'a rassuré avec aplomb: non non, c'est un fromage comme ça. Autrement dit: va donc t'acheter un bout de cheddar Petit Québec chez Provigo et crisse-moi patience. Je déconne, il était très gentil, très pro, irréprochable.

Je suis parti avec mon bout de bleu espagnol, et bien entendu, j'en ai jeté la moitié parce qu'il était pourri comme je l'avais pressenti.

Je ne comprends pas.

Pas seulement pour les fromages. L'autre samedi, j'ai acheté au marché public de Saint-Jean un panier de pêches. Je ne m'attends à rien de nos pêches, toujours farineuses. J'en fais des compotes médiocres en forçant sur le sucre. Mais là elles étaient carrément im-man-gea-bles. La chair avait la texture des anciens papiers buvards. Même les ratons n'en ont pas voulu dans le compost. Je me doute bien de ce qui s'est passé. Le marchand s'est fait offrir un lot de pêches en spécial au Marché central, elles ont mal mûri dans leurs paniers, le marchand s'est retrouvé avec des pêches complètement blettes... Mais Bon Dieu, c'est son problème. C'est son métier, les fruits. Sont blettes, tes pêches? Jette-les.

Il ne les jette pas, il me les vend!

C'est comme l'histoire du gars qui sort du bois avec un panier de champignons. Hé, fais attention, sont pas bons, tes champignons. M'en crisse, c'est pour les vendre.

Je ne comprends pas.

Ça ne serait pas une bonne idée, dans chaque marché public, un inspecteur-goûteur qui prendrait une pêche, mordrait dedans et recracherait le morceau en disant: T'as pas le droit de vendre cette merde, c'est du vol?

LES VIEUX - Vous êtes au courant des nouvelles lois sur les vieux en Europe? À ma connaissance, le seul endroit où on en a parlé un peu ici, c'est à la radio de Radio-Canada, plus précisément à La tête ailleurs, une émission animée par Jacques Bertand le samedi et le dimanche en fin d'après-midi.

Or donc, l'Union européenne a récemment pris certaines dispositions à l'égard des vieux, que la DER (Directive européenne sur les retraités) est chargée de faire appliquer.

Saviez-vous par exemple qu'en Europe, les vieux qui vivent seuls dans un appartement dépassant 100 mètres carrés sont maintenant obligés de le partager avec un jeune, le plus souvent étudiant, mais ça peut être aussi un jeune travailleur, ou une jeune prostituée? Le statut professionnel est sans importance, il faut seulement que la jeune personne ait moins de vingt-cinq ans et demi.

Vous en saurez plus ce soir à La tête ailleurs (CBF-FM 95,1) vers 17h30, un reportage signé Charles Trahan, l'un des meilleurs journalistes «affaires publiques» de Radio-Canada, actuellement en poste à Paris.

À noter qu'il s'agit du troisième reportage sur la DER, il en restera deux. Ne manquez surtout pas le dernier, celui du 12 octobre, qui parle de l'envoi des vieux Suisses, vieux Belges, vieux Français, vieux Allemands, etc., dans des maisons pour vieux en Slovénie et en Ouzbékistan, où ils sont placés par leurs parents. Pourquoi? Parce que c'est moins cher, voilà pourquoi.

L'Union européenne encourage largement cette déportation des vieux en fin de vie. Ainsi, une famille d'Angoulême qui projetterait de conduire la vieille maman de 87 ans à Kouliab (Tadjikistan) en auto (4786 kilomètres), eh ben, l'Union européenne paie l'essence.

Anyway, si vous n'êtes pas libre samedi, les cinq documents seront disponibles à partir du 12 octobre à radio-canada.ca/lateteailleurs. Rappelez-vous, Charles Trahan.

PÉPÈRE LA VIRGULE - L'école secondaire André-Laurendeau. Deux extraits de la présentation de son programme d'éducation internationale. Premier extrait: «Le programme de premier cycle secondaire est régit par deux entités»...

Le second: «L'élève recevra un certificat à la fin d'un parcours réussit au secondaire.»

Pas grave? Ben non, c'est juste une école, UNE ÉCOLE qui, dans la présentation de son programme, confond le verbe à l'indicatif et son participe passé. Rien que ça.

Comment ne pas sacrer? Ce n'est pas "cravatte" avec deux "T", ce n'est pas "carrotte" avec deux "R", ce n'est pas comme moi, l'autre jour, avec mon garde-robe au masculin, c'est une grossière faute d'accord, dans la présentation d'un programme d'études. D'ÉTUDES!

C'est sur le site de l'école depuis des semaines. Ce n'est pas la personne qui a fait la faute. C'est tous ceux qui ne l'ont pas vue. Tous ceux qui ne l'ont pas corrigée.

Vous avez raison: avant la réforme aussi, il y avait des gens qui faisaient des fautes. Mais depuis la réforme, il n'y a plus personne qui les voit.

LE PARADIS - Goûté à ma première crème glacée à la mirabelle au Havre aux Glaces du marché Jean-Talon. La première crème glacée à la mirabelle au monde, je crois bien. C'est un peu mon idée, plus exactement, c'est ma fixation sur les mirabelles qui a inspiré les deux frères Lachapelle, les glaciers du Havre aux Glaces.

Ils ne se sont pas trop cassé la tête. Dans la crème anglaise qui sert de base à à peu près toutes les crèmes glacées - des vrais jaunes d'oeufs (mais oui, il y en a de faux, pasteurisés en plus), des jaunes d'oeufs, du lait, de la crème, du sucre -, dans cette crème anglaise, donc, de la confiture de mirabelles maison. C'est pas sorcier, mais c'est bon c'est effrayant. Tout d'un coup, tu tombes sur une demi-mirabelle un peu caramélisée, et c'est comme aller directement au paradis. Pas celui des 72 vierges des musulmans, le mien: celui des 72 pots de confiture.