Moi aussi je me suis déjà fait venir une escorte, holà ça fait longtemps, 30 ans peut-être bien. Elle ne m'a fait de procès ni rien. Mais elle est restée. C'était pas une pute, pas du tout, quand je l'ai rencontrée elle travaillait dans une agence de voyage, ce soir-là elle allait prendre un cours de billetterie, hé, mais je vous connais vous! On habitait la même rue, le monde est petit. Un mois après, elle est venue m'emprunter mon auto. J'avais une auto magnifique à l'époque, je venais de l'acheter dans un garage de la rue Ontario, c'était l'auto du garage, elle était rouge et blanc, dessus était écrit en grandes lettres jaunes Ontario Auto Body. Je vous jure. Elle est allée chez ses parents avec, à la campagne, ils ont cru qu'elle s'était fait un chum garagiste.

Pour me remercier, elle m'a offert de fleurs et un chat que j'ai appelé Simone. Une longue histoire... Escorte parce que escorter. Escorter: accompagner. Elle ma compagne depuis 30 ans. Escorter vient de l'italien scorta, mais en italien scorta c'est aussi provision, fare scorta di qualcosa, j'ai fait grande provision d'elle.

Quand on parle du loup... j'entends l'auto dans l'entrée. Elle est allée acheter des fleurs. Ça fait partie des choses qui n'ont pas changé en 30 ans, les fleurs et les chats.

Oh les belles marguerites!

C'est pas des marguerites, c'est des rudbeckias! Gnagnagna!

Ça, ça fait partie des choses qui ont changé: le ton. Je ne me rappelle plus quelles fleurs c'était il y a 30 ans, mais je me rappelle qu'elles étaient accompagnées de grand foin-foin, j'avais dit: ah, mais c'est du fenouil...

Ça l'avait fait rire. Avant, elle riait quand je disais des niaiseries. Bref, c'était pas du fenouil, c'était des little tut papyrus(1), little tut est aussitôt devenu little pute, voyez on revient aux escortes, j'ai l'air désordonné comme ça, mais je ne perds pas souvent le fil.

C'est drôle pour les fleurs... je sais plein de noms de fleurs, mais je ne sais pas les fleurs par leur nom. Je veux dire j'ai plein de noms de fleurs dans la tête, tous bien rangés comme dans un dictionnaire de fleurs, mais tu me montres une fleur et je ne sais pas le nom, sont jolies tes petites roses...

C'est pas des roses c'est des bégonias!

Anyway, je disais c'est drôle, en fait pas si drôle que ça quand tu penses que c'est pareil pour la vie en général. Je veux dire j'ai plein de mots pour dire la vie dans ma tête, des millions de mots tous bien rangés comme si ma tête était un dictionnaire des choses de la vie, mais la vie elle-même finalement, la vie, je ne connais pas ça tant que ça. Chut...

Sont jolies tes petites roses...

C'est des bégonias, nono.

PÉPÈRE LA VIRGULE - Lecture absolument enthousiasmante du bulletin Info-Parents de l'École de la Source de Beffefeuille (Saint-Jérôme). Pas une seule faute. Sérieux: pas une. Et quelle félicité, quel bonheur de rédaction...

À propos du spectacle de musique: félicitations à tous les élèves pour leurs beaux efforts, vous avez de beaux talents... Un grand merci à madame Bussière pour son beau travail... Merci aux parents bénévoles, c'est grâce à leur implication que plusieurs beaux projets ont pu se réaliser...

À propos des Olympiades: voici d'autres beaux succès... Félicitations à tous les élèves pour leur belle participation, merci également aux deux enseignants en éducation physique pour leurs beaux projets...»

À propos du Conseil des élèves: nous tenons à remercier les élèves du conseil étudiant pour leur participation à ce beau comité, ils ont eu de belles initiatives et de beaux projets durant l'année.

«Nous ne pouvons passer sous silence le beau travail du personnel de l'école, merci à tous pour cette belle année.

PÉPÈRE LA VIRGULE, SUITE - À peu près en même temps que Voltaire vivait un philosophe allemand qui s'appelait Leibniz, en gros disons que c'était un optimiste qui croyait à la beauté des choses et des gens, il aurait fait un formidable rédacteur de bulletins Info-Parents. C'est contre Leibniz et son spiritualisme de merde que Voltaire a écrit Candide.

Je vous dis ça de même, au lieu de faire lire Le Petit Prince à vos beaux enfants, vous feriez mieux de leur faire lire Candide. Ils ne manquera jamais ni de Leibniz ni de Saint-Exupéry pour infantiliser vos adorables cruchons et leur concocter des beaux projets, mais il manquera toujours terriblement de Voltaire pour les déniaiser.

L'ÉTÉ - Je pars vers le milieu de l'après-midi, après ma chronique. Quand j'arrive à Morses Line, la douane canadienne est déjà fermée. On peut quand même entrer aux États-Unis. On ne peut pas, de Morses Line, en revenir après 16h, mais on peut y entrer jusqu'à minuit.

La douanière américaine qui parle bien français s'excuse: l'ordinateur vient de planter, cela prendra quelques minutes pour le repartir, vous n'êtes pas trop pressé? Le tonnerre gronde au loin. Je ne détesterai pas la rincée et le petit coup de fraîcheur qui suivra.

Après la douane, à droite, le chemin Gore mène à Highgate. À Highgate, on traverse la Missisquoi comme si on voulait aller à St Albans, sauf qu'on prend tout de suite Brousseau Road à gauche. Au bout de Brousseau juste après le pont, on arrive à un chien. Franchement énorme. Il jaillit de la maison qui fait le coin à gauche, il a tellement envie de te bouffer tout rond, il tire si fort sur sa chaîne, qu'il traîne la maison jusqu'au milieu du chemin. Ben non c'est pas vrai. Mais on dirait.

Au balcon de la maison, il y a habituellement une bonne femme qui dit: «Y'est pas méchant.» Si le chien pouvait parler, c'est lui qui dirait: elle est un peu conne.

On monte le chemin Hanna tout de suite après. Si on faisait une sélection des 10 chemins les plus magnifiquement «vélo» du nord du Vermont, Hanna serait dans les trois premiers. Après ce sera Franklin, East Franklin, la douane canadienne de Frelighsburg qui ne ferme jamais celle-là. De retour à la maison, j'aurai même pas fait 60 kilomètres. Je serai un peu fatigué quand même. Et j'aurai très faim.

Qu'est-ce qu'on mange?

1. Lil Tut Papyrus pour Little Tutankhamun Papyrus.