Savez comme je peux être maladroit. Tout de suite après l'avoir saluée, j'ai dit ah tiens, vous portez la même jupe que sur la page d'accueil de votre site internet...

Elle a froncé les sourcils: j'ai cette jupe-là sur le site?

Ben là! Une jupe verte, je ne peux pas me tromper, surtout ce vert-là.

On s'était donné rendez-vous chez Crime et gourmandise, un petit café de la rue Green à Saint-Lambert. Une grande échalote dans la cinquantaine, vétérinaire.

Vétérinaire à vélo.

Elle se rend chez les gens à vélo. Soigne les chats, les chiens, les vaccine contre la rage, contre le distemper, leur met des gouttes dans les yeux, dans les oreilles, prend leur température, leur fait des prises de sang et, des fois, les euthanasie.

Cycliste depuis toujours, vet depuis 25 ans, Claude Lefrançois travaillait en clinique à Montréal - y travaille encore deux jours par semaine -, tout en rêvant d'une médecine moins speedée, moins confinée. Soigner l'animal chez lui plutôt que de le recevoir tout stressé à la clinique. Pourquoi pas à vélo? Restait à trouver une carriole où mettre son attirail: médicaments, seringues, instruments, et ses dossiers.

Elle l'a trouvée à Guelph, chez un fabricant de carrioles (ça tombe bien!), une carriole à jardinage qu'elle a fait modifier et arrimer à son vieux vélo Sekine qu'elle croit bien trop ordinaire pour se le faire voler. Je n'en serais pas si sûr à sa place. Fabriqués au Manitoba, les Sékine qui ont été les vélos les plus populaires au Canada dans les années 80 commencent à avoir une valeur vintage comme un Chevrolet Impala ou un Mustang 68.

Hop, tu cadenasses le vélo à un arbre, tu frappes à la porte, bonjour je suis la vet... Pas si simple. Faut transporter tout le barda, le coffre à pêche et le coffre à outils convertis en trousses médicales, le pèse-personne, la sacoche aux dossiers, parfois prendre l'ascenseur avec tout ça.

Pourquoi les gens vous font venir chez eux? Pourquoi ils ne vont pas à la clinique de leur quartier?

Souvent parce qu'ils n'ont pas d'auto. D'autre fois pour le confort de leur animal. Ses frais de déplacement commencent à 30$ et augmentent avec la distance. Je l'ai accompagnée chez deux clients. Chez le premier, elle a fait une prise de sang à un King Charles - un genre de petit épagneul anglais - adorable. Chez les seconds, où il y avait deux chiens et deux chats, on a bien dû rester 45 minutes: examens, pesées, gouttes pour les allergies à l'un, prise de la température de l'autre. Bref, ça a coûté 189$.

On avait parlé plus tôt des soins vétérinaires en général, de leur coût élevé, en ville surtout. Elle a objecté que les gens faisaient souvent des dépenses beaucoup plus futiles. C'est sans doute vrai, surtout à Saint-Lambert, mais je pensais, moi, à la petite vieille qui vit tout juste de sa pension, n'a pas d'autre compagnon que son chat, le voilà qui tombe malade... elle n'a sûrement pas les moyens de faire venir un vétérinaire, fût-il à pédales.

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N'empêche, pour les vaccins, au moins, j'aimerais bien ce genre de service à domicile. Au lieu de les porter un par un, les neuf d'un coup, allez hop! Mais surtout pour les euthanasies. Je ne sais rien de plus pénible que d'aller porter un de mes chats à son dernier rendez-vous avec le vet. Trente kilomètres à renifler dans la boîte de kleenex. Et ce con de chat qui ne se doute de rien, qui croit que c'est pour une visite de routine. Le vet le prend dans une couverture pour le mener en arrière, ce ne sera pas très long, dit-il. Quand il me le rapporte, il est déjà un peu raide. Je vous le mets dans sac? La dernière fois, il me l'a mis dans un sac d'épicerie Metro.

Si je vous suppliais, madame?

Trop loin me dit-elle.

(Son territoire: Saint-Lambert, Longueuil, LeMoyne, Greenfield Park, Saint-Hubert et Brossard)

PÉPÈRE LA VIRGULE - On a protesté ici et là quand j'ai avancé, il y a une semaine ou deux, qu'il y avait une faute dans le titre de l'exposition: Pérou, royaumes du Soleil et de la Lune. Pas de S à royaume, défendais-je, le Pérou n'est pas LES royaumes mais LE royaume du Soleil et LE royaume de la Lune.

Cannes a couronné dimanche un film (que j'ai très hâte de voir - j'avais adoré du même réalisateur La graine et le mulet, un film, disais-je, dont le titre entier se lit comme suit: La vie d'Adèle - Chapitre 1 et 2, chapitre au singulier. Pourquoi au singulier? Deux chapitres, un «S» à chapitres, non?

Je sens qu'on va me remettre sur le nez le Royaume du Pérou. Cela n'a rien à voir, pourtant. Royaume s'entend précisément comme un territoire singulier alors que chapitre induit presque, par définition, un pluriel.

SLOGAN - Ma chronique de l'autre jeudi parlait du jovialisme des boîtes de céréales, notamment la boîte des Special K sur laquelle on retrouvait les mots ambition, joie, détermination, courage, passion, vitalité, motivation, respect. J'en rajoutais: Vibrations, Optimisation. Puissance, Inspiration. Croissance. Mission.

Un lecteur, Jacques Desrosiers, me fait remarquer que cela pourrait très bien devenir le slogan de Denis Coderre.

Ainsi cette ville qui a déjà eu l'infortune d'avoir pour récents maires un géranium, puis une endive aurait pour prochain maire une boîte de céréales? Quel destin!