Allons bon, des escortes, maintenant. Nous voilà à ajouter le stupre et la fornication à la corruption. Il s'agirait donc d'entrepreneurs qui auraient offert, à des fonctionnaires responsables des égouts, des jeunes filles dans des garçonnières.

C'est un joli mot, garçonnière, qui mérite mieux que ces basses turpitudes. Quand vous allez au dictionnaire voir garçonnière, ça dit: vieilli, petit appartement, lalala, lalala. Vieilli! C'est un mot pour moi, garçonnière, pas pour un fonctionnaire responsable des travaux d'égouts qui se pointerait, même pas de fleurs, même pas de bonbons, c'est quoi ton nom? Jessica? Moi c'est Ronald.

Ça, c'est une scène de motel, pas de garçonnière.

Elle ne s'appellerait pas Jessica, la fille de ma garçonnière, elle s'appellerait Blanche. Le coquelicot dominerait mon petit bouquet de fleurs des champs; elle me dirait: entrez, entrez, vous êtes le monsieur des égouts?

Pas du tout, je suis trapéziste au Cirque du Doigt de la main. Vous attendez quelqu'un? Oui, me dirait-elle, mais on a le temps pour un café. À la table de la cuisine où je m'assois traîne un journal. «Escorte et garçonnière pour les fonctionnaires responsables des travaux d'égout». Ah, ah! Je comprends tout.

Dans la même page, en complément d'information, un autre article détaille les variations de coût pour les différents égouts, variations, précise l'article, selon le diamètre des conduites. Vous allez avoir un plaisir fou avec ce gars-là, mademoiselle.

Elle a rougi en me disant qu'elle se renseignait justement sur les égouts lorsque je suis arrivé. Pourquoi? Par civilité, pour pouvoir parler avec ses clients de ce qui les intéresse.

Vous vous renseigneriez sur le trapèze, si c'était moi?

Et sur les coquelicots, m'a-t-elle assuré.

Avant de partir, je lui ai fait réciter les différents types d'égouts. L'égout combiné, l'égout sanitaire, l'égout pluvial, l'égout fluvial, l'égout social, l'égout mondial, l'aqueduc de type 1 et l'aqueduc de type 2. Elle avait tout bon.

En m'en allant, dans les escaliers, j'ai croisé un monsieur, même pas de fleurs, même pas de bonbons.

MÉLANIE, SACRAMENT! -- J'aime beaucoup Mélanie (Vincelette), la jeune femme qui dirige la petite maison d'édition Marchand de feuilles, qui a publié La Fiancée américaine, d'Éric Dupont. Je l'ai rencontrée une seule fois, c'était avant qu'elle soit éditrice, elle était alors étudiante et pigiste pour L'actualité ou Châtelaine, j'oublie. Elle m'avait demandé une entrevue. Pourquoi je vous donnerais une entrevue, mademoiselle?

Parce que ça me donnerait du fric. J'en ai besoin. Je trouvais que c'était une bonne raison. Elle est venue à la maison avec une amie française, je les ai emmenées aux champignons. Je ne me souviens plus du papier qu'elle a fait, sauf qu'elle n'a pas osé écrire n'importe quoi - vraiment n'importe quoi, comme je le lui avais suggéré.

Plus tard, elle est devenue éditrice. Quelques courriels de temps en temps, toujours acidulés, une fois pour m'engueuler à propos de La route, qui n'est même pas le meilleur roman de Cormac McCarthy (elle avait raison). Elle m'envoyait aussi les livres qu'elle éditait. Aucun ne m'a allumé jusqu'à cette Fiancée américaine, que la critique québécoise a applaudie cet automne à l'unanimité ou presque, me semble-t-il.

Je ne me dédis pas, cette fiancée est un grand bonheur de lecture. Mais sacrament, Mélanie, lorsque vous êtes allée en réimpression, était-ce bien nécessaire, était-ce bien élégant d'avoir fait imprimer, IMPRIMER - êtes-vous devenue folle? - imprimer sur la page couverture: «Un grand bonheur de lecture, Pierre Foglia». Foglia en caractères deux fois plus gros qu'Éric Dupont, votre auteur.

Même l'habituel bandeau m'eût déçu de votre part, mais au moins, un bandeau, ça se jette. Là, vous m'imposez sur la couverture, je reviens dans la face du lecteur chaque fois qu'il ferme son livre. Ma libraire, des lecteurs, des collègues, des amis, tous se disent consternés.

Et moi, je vous défends en leur disant que vous êtes une foutue bonne éditrice. En appui, je cite Éric Dupont à la fin de la Fiancée, qui vous remercie pour vos «conseils éclairés, précieux et impitoyables». Je suis certain que c'est ce que vous êtes comme éditrice: éclairée et impitoyable.

Mais pour le marketing, vous êtes franchement conne.

PÉPÈRE LA VIRGULE -- Quand j'étais petit, une dérouille ou une dérouillée, c'était une raclée. Il a dérouillé: il en a mangé toute une. On disait aussi une rouste, une tisane, une tripotée, une castagne, mais plus souvent une dérouille: ils ont perdu 6-0, quelle dérouille, ou quelle dérouillée.

Dans l'hebdo Le Rimouskois du 24 octobre dernier, page 15, ce titre: «La Dérouille veut agrandir sa maison». Il y a une coquille: c'est «La Débrouille veut agrandir sa maison», pas La Dérouille.

Non, c'est pas grave, c'est juste une coquille. Sauf que ça tombe mal parce que la Débrouille devenue la Dérouille est une maison pour... femmes battues.

LES CITATIONS -- J'ai toujours considéré que le véritable enseignement est avant tout non pas la transmission de connaissances, mais la transmission de la joie de connaître... c'est Fernand Seguin (l'animateur du Sel de la semaine) qui parle à la caméra de Jean-Claude Lauzon (le cinéaste d'Un zoo la nuit).

J'ai ça sur mon bureau depuis un mois ou deux. Au début, je trouvais ça super bon: c'est Seguin, c'est Lauzon, des icônes. C'est surtout l'effet que font généralement les citations: une flammèche qu'on prend pour du sens.

Si je puis me permettre: le véritable enseignement est la transmission de connaissances. Tout le reste est marmelade de pédagogue.