Il y a eu le gros brouhaha autour des écoles privées. Et il y a eu le petit brouhaha quand la même madame Malavoy a parlé de l'apprentissage d'une langue étrangère, mais il n'y a pas eu de brouhaha du tout pour le fond de ce qu'elle disait, je la cite: Mon parti est très critique par rapport à l'idée d'introduire une langue étrangère alors qu'on commence à maîtriser les concepts, la grammaire, la syntaxe et le vocabulaire de sa langue maternelle.

On vit quand même dans un drôle de pays où la couleur de l'emballage des choses fait parfois plus débattre que la chose elle-même.

Comment ça, étrangère? Se sont énervés la plupart. La chicane s'est faite là-dessus. Alors que Mme Malavoy, dans son langage un tantinet vieille France et que je vous traduis ici, lâchait une véritable bombe: ce n'est pas une bonne idée d'apprendre une langue autre, trop jeune. Ce n'est pas une bonne idée d'apprendre une autre langue avant de maîtriser minimalement la sienne.

Dans un pays comme le Québec où l'unilinguisme est perçu comme une honte, où les gens ont très hâte que leurs enfants apprennent la lingua franca, où les parents mixtes, un anglo, une franco, constituent dans l'esprit de bien du monde l'environnement idéal pour éduquer un enfant. Dans un pays, disais-je, où la majorité de la population pense que «plus t'es jeune, plus c'est facile d'apprendre une deuxième langue», il a fallu un certain courage à la nouvelle ministre de l'Éducation pour dire: c'est sans doute vrai que c'est plus facile, mais ce n'est pas pour autant une bonne idée.

C'est vrai que les jeunes enfants sont des éponges. Mon péti't fille parle trois langues, l'italien, lé francé et l'anglé. Il se trouve que je la connais, sa petite-fille, elle a dans la vingtaine, elle parle les trois langues comme un brave petit perroquet sans saisir l'esprit d'aucune. Complètement déculturée.

Pour un Trudeau (le père), pour un Charest, combien de petits fuckés du bilinguisme hâtif? Le débat a déjà été très vif au Québec sur cette question de l'âge idéal pour commencer à apprendre une langue étrangère. Au début des années 70, une avant-garde de garderies multiculturelles proposait de former des bébés polyglottes, j'exagère, mais il y avait de ça. Le sentiment populaire allait dans le même sens: allez hop, l'anglais au biberon. Ceux qui, comme moi, disaient comme Mme Malavoy, passaient pour des vieux croûtons, j'étais déjà vieux en 70, imaginez.

Me voilà tout content que revienne la théorie des fondations avant de construire le deuxième étage. Il reste à déterminer à quel âge un enfant est assez construit dans sa culture maternelle. La dernière année du primaire? La première du secondaire?

Il reste aussi au Parti québécois à régler ses contradictions. Notamment celle dont fait état ma collègue Rima Elkouri dans sa chronique d'hier. Forcer les garderies en milieu familial allophones à devenir francophones est non seulement ridicule, mais en contradiction avec ce que dit madame Malavoy. Ce qui vaut pour les petits francophones avec l'enseignement de l'anglais vaut forcément pour les petits Arabes, les petits Bulgares, les petits Russes, les petits Chinois, les petits Salvadoriens avec l'enseignement du français... on n'a pas à leur imposer une langue étrangère à un âge préscolaire.

En passant, sans vouloir faire la leçon à personne, dans le contexte de l'apprentissage d'une langue autre que la langue maternelle, c'est bien ce qu'il fallait dire: langue étrangère. Là-dessus, au moins, on a fait une mauvaise guerre à Mme Malavoy.

Changement de sujet, mais pas vraiment, elle vous énerve tant que cela, la valse-hésitation du gouvernement Marois? Bon, il y a eu l'abolition et le rétablissement de la taxe santé, mais à part ça?

Le moratoire sur le gaz de schiste, j'étais très, très content. L'annulation de la loi contre les manifs, youpi. L'idée de limiter à 100$ par année la contribution à un parti politique, je suis pour. L'abolition de la hausse des droits de scolarité, c'est bien aussi parce que c'était promis. Le désengagement du prêt pour la mine d'amiante, parfait. La fermeture de Gentilly-2, on nous montre le désarroi compréhensible des gens de la région, mais on devrait aussi dire que la population en général est largement en faveur, bref, après deux mois, je n'en attendais pas tant de Mme Marois, que j'avais trouvée plutôt louvoyante en campagne. La voilà élue et la voilà qui fonce. À gauche toute à part ça...

Si j'avais su, j'aurais voté PQ.

Vous me faites penser, fait longtemps que j'ai eu des nouvelles de mes amis de Québec solidaire. Peut-être qu'eux aussi vont voter PQ la prochaine fois.

LE TEMPS QU'IL FAIT Au cas où ça vous tenterait de prendre un petit break de la commission machin, juste vous dire que le plus beau de l'automne est passé, mais qu'il reste des feuilles dans les arbres, des oies dans le ciel, un peu de maïs dans les champs et quelques pommes dans les vergers.

En fait, ce n'est pas le plus beau de l'automne qui est passé, c'est le plus rutilant. Les feux sont éteints dans les érables, dans les vinaigriers et dans la vigne vierge, il n'y a plus rien pour les touristes. Tout est maintenant dans la fragilité de l'instant.

Jeudi, un papillon s'est pris dans mes lunettes, un de ces gros papillons noir et orange, un retardataire. Je l'ai dépris en lui brisant une aile. Vous savez ce que disent les tenants du chaos, qu'un battement d'aile de papillon au Brésil peut déclencher une tornade au Texas...

Qui sait, un battement d'aile brisée à Saint-Armand aura sans doute levé une petite brise au Luxembourg et fait claquer une porte.