Vous vous rappelez comme ils étaient mignons, mes bébés ratons laveurs? Mais si, je vous ai raconté: la ratonne avait surgi une fin d'après-midi de derrière la grange avec quatre bébés collés à ses flancs, quatre petits bandits masqués, leur truffe noire caoutchoutée comiquement posée au bout de leur museau blanc. Je vous avais dit: il n'y a pas plus belles bibites dans nos bois que des bébés ratons.

Leur maman les amenait au compost tous les soirs, puis sur la galerie, où ils jouaient à dépoter les pétunias. Je sortais avec le balai: allez-vous-en! Même pas peur.

Une nuit, j'entends du bruit, j'arrive dans la cuisine: la ratonne était en train de vider les plats des chats. Elle était entrée par la chatière. J'ai tapé dans mes mains, elle est ressortie par le même chemin, tranquillement: t'énerve pas, bonhomme. On voyait que ce n'était pas la première fois.

La nuit d'après, elle est entrée avec un petit. Ça s'est mal passé. Le petit a paniqué quand il m'a vu, la mère s'est mise à grogner. Je leur ai ouvert les portes-fenêtres. Non seulement ils ne sont pas sortis, mais les trois autres petits, qui l'attendaient sur la galerie, sont entrés.

Maman, t'es là?

Un fusil, vous dites? C'est un point de détail domestique qui a été réglé il y a très, très longtemps entre ma fiancée et moi. Elle ne m'a jamais dit, comme disent les autres fiancées: tu me trompes et c'est fini. Elle m'a dit: tu rentres un fusil dans la maison et je sors. Fait que je n'ai pas de fusil. Je suis allé chercher le râteau, je l'ai mis à côté de la chatière.

Qu'est-ce tu veux faire avec le râteau?

Y en crisser un coup sur la tête quand elle va entrer...

Tu vas la tuer!

C'est un peu l'idée, mon amour.

Elle m'a regardé comme si j'étais Himmler. Elle est allée louer des cages-pièges au Centre de la nature du lac Boivin, à Granby. De très grandes cages. Tu mets des sardines sur une sorte de trappe, le raton entre, et clac, il est pris. On a pogné deux bébés le matin et un autre en début de soirée.

J'ai dit bon, je vais aller les porter.

J'y vais avec toi!

Fallait que ce soit dans un bois avec un champ de maïs pas trop loin, et avec une mare d'eau et des grenouilles. Le raton adore les grenouilles. Y a des grenouilles?

Oui, mon amour, plein de grenouilles.

C'est un bois où je vais aux champignons entre Frelighs et Dunham. On les a portés dans leur cage sur un demi-kilomètre dans un sentier ravineux. On les a laissés dans une clairière - être raton laveur, c'est là que je voudrais passer ma vie. Dès qu'on a ouvert la cage, ils ont grimpé en haut d'une pruche.

Restaient la ratonne et un bébé. On les a pognés le même soir. La ratonne était méfiante; ma fiancée lui lançait des croquettes, de plus en plus près de la cage, finalement dans la cage, et clac.

On est allé les porter au même endroit que les trois autres, qui étaient encore dans la pruche.

Maman, t'es là?

On leur a laissé de quoi festoyer. Des sardines, des croquettes Gourmet Gold de Purina (poisson de mer et saumon avec légumes verts du jardin), aussi une douzaine d'épis de maïs et un mélange montagnard de noix et raisins.

Il faisait nuit quand on est rentrés. J'ai baissé les vitres de l'auto en disant: tu trouves pas que ça sent le fauve?

C'est toi, elle a dit en riant. Je voyais bien qu'elle était contente.

DERNIER  SURVOL  OLYMPIQUE - Une de mes plus belles journées olympiques aura été ce dernier dimanche des Jeux, avec les finales des sports d'équipe, basket, volleyball, handball.

Même si l'issue du match n'a jamais fait de doute, les Espagnols ont réussi à faire mieux qu'à Pékin en forçant les Américains à un grand match de basket, en particulier par leur meneur de jeu, Chris Paul, et un LeBron James qui a creusé l'écart à la fin, 107-100.

Mais le suspense, le drame, c'est le volleyball qui nous l'a donné. Les Brésiliens menaient deux sets à zéro, menaient aussi dans le troisième, mais ont laissé échapper deux balles de match et l'impensable est arrivé: les Russes sont revenus, emportant le set suivant et dominant le tie-break.

Les Français ont enlevé la finale de handball devant la Suède 22-21. Commentaire excessif d'un joueur français: maintenant, on peut mourir tranquilles!

TRENTE-SIXIÈME - Je me suis encore trompé en vous annonçant deux médailles d'or pour samedi. Celle de Catharine Pendrel en vélo de montagne était pourtant une des plus sûres des Jeux. Il me semble que les déconvenues canadiennes ont été plus nombreuses que les bonnes surprises, à Londres: au lancer du poids, au vélo sur piste féminin et masculin, au taekwondo, à la lutte, à la boxe féminine, etc. Autant de médailles annoncées qui ne se sont pas concrétisées.

Mais bon, c'est fini, le Canada termine ces jeux au 36e rang. Pour être bien sûr de ce que je vous dis, je l'ai vérifié dans les grands journaux du monde: le New York Times, Le Monde, La Repubblica, L'Équipe, La Gazzetta dello sport. Dans tous ces journaux, le Canada est 36e. Pas 13e.

D'autres classements sont envisageables, bien sûr. Il y a même un petit comique ici (de Radio-Canada) qui a inventé un classement mixte: Jeux d'hiver, Jeux d'été. N'importe quoi pour ne pas finir 36e. D'autres classements sont envisageables, bien sûr, reste qu'au tableau de l'Official Medal Count and Standing of the London 2012 Summer, le Canada termine 36e.

UN VOL - Un lecteur: qu'attendez-vous pour dire qu'on s'est fait voler en nage synchro? Tout ce que je sais de la nage synchro, monsieur, c'est qu'on est devant de considérables athlètes. Pour le vol dont vous parlez, j'en sais seulement ce qu'en dit l'entraîneuse, Mme Julie Sauvé. En gros, que les juges ne sont pas capables d'apprécier l'avant-gardisme des Canadiennes. Il se trouve que moi non plus. Cet esthétisme, cette théâtralité, ce n'est vraiment pas mon idée d'une avant-garde. Ou alors une avant-garde de banlieue.