Vous savez cette annonce à la télé, tellement débile, qui dit: un jour, les Français vont en manger, de mon fromage! Au lieu de cette niaiserie, on aurait mieux fait de prédire quelque chose de vraiment, mais alors là vraiment imprévisible: un jour, un coureur cycliste canadien va gagner un des trois grands Tours - de France, d'Espagne ou d'Italie.

Ce jour-là pourrait venir plus vite qu'on pense. Pourquoi pas dès dimanche prochain? Un Canadien, Ryder Hesjedal, 31 ans, pourrait effectivement gagner le Tour d'Italie dimanche à Milan à l'issue de la dernière étape, un contre-la-montre de 32 kilomètres.

«Pourrait», notez le conditionnel, et même un conditionnel un peu incrédule. Reste que le seul fait d'envisager la victoire d'un Canadien dans le Giro à une semaine de l'arrivée à Milan est proprement renversant. Reste également que Hesjedal a déjà réécrit l'histoire du Giro en devenant le premier Canadien à en porter le maillot rose, et pas par accident, pas en profitant d'une échappée heureuse comme cela arrive parfois dans le vélo, mais en se battant pour le conquérir, en se battant pour le garder, et même pour le reconquérir après l'avoir perdu à Assise.

On est manifestement devant le Hesjedal de 2010, celui qui finissait 7e du Tour de France. Peut-être même qu'on est devant un tout nouveau coureur. On le connaissait un peu diesel, gros rouleur, bon grimpeur, capable de rester avec les meilleurs, mais pas de les battre, pas de les attaquer non plus. Or, dans ce Tour d'Italie, on l'a vu attaquer samedi, magnifiquement, dans la première arrivée en altitude, on l'a même vu participer à un sprint de masse. Il est vrai, le lendemain, dimanche, cela est allé un peu moins bien; il s'est fait décrocher dans la montée finale et ce n'est peut-être pas de très bon augure pour les prochains jours dans les Dolomites.

Pour l'instant, Hesjedal est second au classement général, à 30 secondes de Joaquim Rodriguez. Il devance par une minute Ivan Basso, les deux Astana Paolo Tiralongo et Roman Kreuziger, et Michele Scarponi.

Je ne vois pas Joaquim Rodriguez gagner le Tour d'Italie. L'Espagnol est taillé dans la même étoffe que Hesjedal, s'ils arrivent nez à nez à Milan, avantage Hesjedal dans le contre-la-montre. Basso? On est loin du grand Basso, même du Basso chanceux vainqueur en 2010. Reste Scarponi, donné comme favori au départ et qui n'a rien montré jusqu'ici. Reste Kreuziger, mais encore là, le Tchèque n'est pas un coureur si supérieur à Hesjedal.

J'en oublie un, Pozzovivo, tout petit, moins de 110 livres, une chèvre. Quand la pente est vraiment très raide, il peut creuser de gros écarts, sauf qu'il est à trois minutes derrière et il faudra qu'il soit trois minutes devant - ça fait six - pour survivre au contre-la-montre de Milan. Sauf, aussi, qu'il descend comme une tondeuse à gazon.

Hesjedal, je vous dis.

CE QUI RESTE - Encore six étapes pour aller au bout de ce Giro, deux pour rien, aujourd'hui et jeudi, mais demain, holà demain! Un enchaînement de trois des plus grands cols des Dolomites avec pour dessert le Giau, où un favori fatigué peut se prendre trois ou quatre minutes en dix kilomètres. Vendredi, petite fantaisie: comme la dernière ascension était difficile, mais pas très difficile, ils ont décidé de la leur faire faire deux fois! Savent plus quoi inventer pour les tuer. Et enfin, samedi, l'abomination totale avec le Mortirolo et ses passages à 22 pour cent et le Stelvio perché à 2700 mètres.

DEUX SIÈCLES - J'ai appelé mon ami Marinoni pour savoir ce qu'il pensait tout ça: un Canadien vainqueur du Giro, tu y crois, Peppe?

Pourquoi pas? Hesjedal a terminé septième du Tour de France, un coureur qui termine septième du Tour de France peut gagner le Giro, ou le Tour d'Espagne une année comme cette année, où il n'y a pas vraiment de grand favori, je veux dire un Contador, un Basso plus jeune.

Quand j'ai pris ma retraite de la compétition, si tu m'avais demandé si un coureur canadien gagnerait le Giro un jour, je t'aurais dit oublie ça... Ça va prendre deux siècles avant qu'un coureur canadien fasse le Giro, on ne parle pas de le gagner, juste de le faire..

Sont quatre coureurs Canadiens dans ce Giro. Outre Hesjedal chez Garmin, il y a Svein Tuft et Christian Meier dans l'équipe australienne Orica-GreenEDGE et Dominique Rollin avec la Française des Jeux. Les quatre sont toujours en course.

MERCI, RDS - Je ne sais pas si je suivrais le Giro si ce n'était de Louis Bertrand et Dominique Perras, qui en font la description en direct à RDS. Louis est égal à lui-même, en-cyclo-pédique et drôle, et Perras, beaucoup plus à l'aise et disert que dans les premières étapes, un plaisir donc. Sauf que samedi dernier, pour la première vraie étape de haute montagne (et l'exploit de Hesjedal), pas de vélo à RDS! De la lutte, calvaire! Je hurlais dans le salon.

Merci, RDS, de nous donner du vélo... quand y a pas de lutte professionnelle.

Photo: Reuterds

Le Canadien Ryder Hesjedal, 31 ans, pourrait gagner le Giro dimanche prochain à Milan.