C'est un père de famille qui m'écrit: Je supervisais l'autre soir les devoirs de ma fille qui est en 2e année, elle avait à répondre à des questions à la suite de la lecture d'un texte, les questions 4, 5 et 6 étaient ainsi formulées par sa maîtresse:

Qu'on entendu les vaches?

Qu'on entendu les lapins?

Qu'on entendu les moutons?

Je corrige en ajoutant un «t» aux trois «qu'on». J'explique à ma fille qu'il s'agit du verbe avoir à la troisième personne du pluriel, les vaches, les moutons, les lapins ont entendu. Je n'en parlerais plus si la maîtresse n'avait lourdement insisté en corrigeant mes corrections, barbouillant mes «t» et expliquant à son tour à ma fille que c'était bel et bien ainsi qu'il fallait écrire qu'on, sans «t».

Que feriez-vous à ma place, monsieur le chroniqueur?

Je soumettrais à la prof une troisième orthographe: Con entendu les moutons? Con entendu les lapins? Con entendu les vaches? J'écrirais CON assez gros.

Je faisais écho l'autre jour à la lettre que des enfants d'une école alternative ont écrite à Victor-Lévy Beaulieu, 3 lignes, 147 fautes, ni accents ni majuscules... Cela s'est retrouvé sur les réseaux sociaux, sur Facebook notamment où une enseignante horrifiée, abondant dans mon sens, écrit: «J'ai dû récemment recommandé à mes étudiants de relire leurs emails avant de me les envoyer... J'ai souvent l'impression d'être une domestique à leur service.» Elle ajoute plus loin: Je me suis fait plaisir ce matin, je les ai traité de mécréants durant 3 heures!

Les cancres sont de toutes les époques, mais je ne me souviens pas d'une époque où les profs, LES PROFS, étaient aussi nuls que leurs élèves.

Je connais une dame qui enseigne en histoire en troisième et cinquième au secondaire - ai-je dit en histoire? Pardon, en univers social, selon l'appellation de la nouvelle pédagogie -, anyway, elle me raconte comment elle se fait tordre le bras par son directeur pour faire passer des élèves qui ne devraient pas passer, des directives du genre: mettez 60 à tous ceux qui ont 55.

À la rentrée, à la première grande réunion avec les profs, ce même directeur se pète les bretelles avec des graphiques en couleurs qui démontrent que les élèves s'améliorent! Et le classement de l'école aussi évidemment. Tout le monde est content.

Je repose la question: con entendu les vaches, les moutons, les lapins et con entendu les cons d'après vous?

DEUX DÉCÈS ET UNE IMMENSE DÉCEPTION - Vous savez comme on a tendance à dire du bien des gens qui viennent de mourir? Eh bien, des fois, ils méritent chaque compliment qu'on leur fait. J'ai pas dit souvent, j'ai dit des fois. Des fois, ils étaient aussi gentils, aussi brillants, aussi talentueux, aussi chaleureux qu'on le dit.

Ainsi, Randy Starkman, journaliste sportif au Toronto Star décédé lundi dernier à l'âge de 51 ans. Il y a à peine deux semaines, il couvrait les essais olympiques de natation à Montréal, il n'était même pas malade, on l'enterre aujourd'hui à Toronto.

On n'était pas amis, mais quand on se rencontrait, c'était comme si on l'était. On s'est croisés souvent à des championnats de ceci cela, et aux Jeux olympiques, je me souviens à Athènes, il dormait à côté de son ordi pendant le plongeon, Randy, franchement!

Il travaillait plus fort que nous tous, et surtout mieux que nous tous. Ses papiers sur les athlètes étaient écoeurants, les athlètes peuvent bien, aujourd'hui, lui rendre un vibrant hommage, plus jamais personne ne leur servira la soupe comme Randy.

Les gens qu'on accuse d'être racistes se défendent souvent en disant c'est même pas vrai que je suis raciste, j'ai un ami juif, j'ai un ami nègre. Moi, j'avais un ami canadien. J'en ai pu.

Un autre mort, celui-là qui n'a rien à voir avec le sport, l'écrivain français Claude Duneton, chroniqueur au Figaro littéraire, que j'ai découvert il y a plus de 35 ans, et ceci fera le lien avec le début de cette chronique, que j'ai découvert par un petit essai sur l'éducation curieusement titré: Je suis comme une truie qui doute. C'est ce que j'ai lu de mieux sur l'éducation après Lettres mortes de Danièle Sallenave.

Duneton, donc. De lui, j'ai souvent fait lire Rires d'homme entre deux pluies aux gens qui me disaient: t'aurais pas quelque chose à lire, je file pas...

Qu'est-ce que t'as?

Je sais pas.

Rires d'homme entre deux pluies, c'est un livre exprès pour les gens qui ont le couci-couça. En passant, Duneton est le seul chroniqueur français que je connaisse qui a dit du bien de moi, même que j'ai rougi. Voilà, j'ai pu d'ami canadien. J'ai pu d'ami français, mais ce qui me fait le plus de peine: je n'ai pas d'amis luxembourgeois non plus.

Vous savez pourtant comme j'aime le Luxembourg? Et comme j'en fais sans cesse la promotion dans cette chronique? Où est-ce que je passe mes vacances depuis 30 ans? Au Luxembourg. Quel est le sujet de la thèse de doctorat que je termine ces jours-ci à l'Université de Napierville: la danse folklorique au Luxembourg. Qui a rédigé les sous-titres luxembourgeois de Monsieur Lazhar? Moi.

Tenez-vous bien. Je viens d'apprendre que le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) recevra le prince Guillaume, grand duc héritier du Luxembourg, le 7 mai à l'hôtel Omni pour une causerie sur l'économie européenne, ai-je été invité?

Non!

Quelle est la seconde source de violence après les inégalités sociales? L'ingratitude.

VIOLENCES - À propos de la violence que dénoncent si commodément nos politiciens ces jours-ci, je vous soumets ce petit texte et vous aurez à dire de qui il est: La violence sociale a moins à faire avec la fureur des manifestants qu'avec la surdité du pouvoir. On commence par crier pour qu'il entende. Il n'entend jamais la première fois. Ni la deuxième. Ni la dixième. La centième fois, une vitrine vole en éclats. C'est pas bien. Mais c'est pas si grave non plus.

Alors? D'après vous? Bakounine? Chomsky? Bourdieu?

Aucun des trois, lalalèreu.