Je le dis comme je le pense, La Presse n'a jamais été un meilleur journal que ces dernières années. Mais n'en déplaise à mes jeunes collègues qui le font, notre journal a déjà été aussi bon qu'il l'est actuellement, pour de plus courtes périodes il est vrai. Et l'une de ces périodes aura été la période Jean Sisto.

Jean était directeur de l'information quand je suis arrivé à La Presse. Il venait du Macleans français. Il m'a envoyé une petite note pour commenter mon tout premier texte: N'abuse pas trop de ce genre de plaisanterie si tu veux qu'on soit amis, O.K.?

J'ai abusé, bien sûr, et on n'a jamais été amis, mais on s'est plutôt bien entendus.

Il a d'abord eu la salle de rédaction à ses pieds. Puis il se l'est mise à dos, ce qui nous a menés à la grève de 1977, mais les quelques années de totale fusion entre lui et la salle ont été comme une épopée journalistique: grandes enquêtes, scoops, reportages dans le monde... Son bureau était toujours plein de journalistes, ça riait, ça déconnait. Le midi, il présidait des repas dans les restos du Vieux, La Vieille France souvent, où nous nous retrouvions parfois une quinzaine à planifier le journal du lendemain. Je me raconte que cela a duré quelques années, mais c'est peut-être seulement quelques mois avant que cela ne se gâte grandement. Même si c'est quelques mois, j'en garde plus de souvenirs heureux que de bien d'autres mornes périodes.

Vous vous doutez bien que, si je vous parle de cela, c'est que Jean est mort. Mais ce n'est pas pour vous apprendre sa mort, dont vous n'avez rien à foutre. Ce n'est pas non plus pour dire comme il était fin. Il n'était pas si fin: il était redoutablement cinglant, il avait l'ironie tranchante comme une lame de rasoir. Je ne l'imagine pas une seconde diriger mes jeunes collègues d'aujourd'hui, il serait trop rugueux pour notre époque. Ou est-ce notre époque qui est devenue trop lisse?

Si je vous parle de Jean, ce n'est même pas pour vous parler de la mort, c'est pour vous parler de la vitesse effroyable à laquelle le temps nous efface en passant. Jean est mort lundi. Mardi, j'ai passé la journée à La Presse. Presque personne dans la salle à qui j'aurais pu dire: hé, Sisto est mort. Les trois quarts de mes collègues ignorent jusqu'à son nom. Même les «vieux» sont entrés à La Presse quand Jean n'y était déjà plus.

Mardi, j'ai passé la journée dans cette même salle de rédaction où, avant-hier - où était-ce il y a trois siècles? -, Jean Sisto sortait de son bureau en me hélant: Tu viens manger avec nous, le Rital? Toute la salle était agglutinée autour de lui. Mardi, c'était comme s'il n'avait jamais existé.

Je n'arrête pas de m'étonner de comment le temps nous efface en passant.

La maîtresse a envoyé un enfant essuyer le tableau. Bon, reprenons, dit-elle.

Finales

On est à cette période bénie des finales des sports d'hiver - hockey, basket, soccer. Samedi s'est tenue à Londres la finale de la Ligue des champions, que j'ai eu le bonheur de suivre à la télé - un très grand match dominé par le Barça. On dit souvent d'une équipe qui domine à ce point-là qu'elle «donne une leçon». Ce n'est pas une leçon qu'a donnée le Barça, c'était un poème, un si beau moment de sport que c'en était à crier.

Mais bon, je sais que c'est la finale Vancouver-Boston qui vous intéresse, et je vois que vous favorisez grandement les Canucks. Je préférerais que ce soit Boston. Pour une seule raison: faire ravaler aux ex-coaches de RDS toutes les mesquines niaiseries qu'ils ont proférées sur les Bruins quand ceux-ci eurent éliminé le Canadien. Qu'est-ce qu'ils peuvent me taper sur les nerfs, les coaches de RDS! Le conformisme de l'un, la médiocrité de l'autre, le lourd cabotinage du troisième... Le quatrième est un peu mieux, mais ils lui donnent moins souvent la parole: c'est pas une vedette de la LNH.

Je vous dirais bien que je vais plutôt regarder la finale de la NBA entre Miami et Dallas, mais j'ai bien peur de m'y ennuyer. J'ai lu dans un journal que j'aime pourtant bien qu'on s'en allait vers un duel Nowitzki-LeBron. D'abord, je crois que ce sera Bosh qui va tout particulièrement se charger de l'Allemand, et dans mon dictionnaire, un duel, c'est un contre un. Ici, ils seront trois contre Nowitzki: Bosh, Wade, James. Ça ne devrait pas durer très longtemps.

Vélo, pour finir: cet emmerdeur de Contador a non seulement remporté le Tour d'Italie, dimanche, mais il a dit aussi: Et maintenant, le Tour de France.

Vous savez que, drette là, on ne sait toujours pas qui a gagné le Tour de France de l'an dernier? La cause est devant le Tribunal arbitral du sport, qui doit décider si le «vainqueur» - Contador, justement - était dopé au Clenbuterol ou si, comme il le prétend, il s'est intoxiqué en mangeant de la vache avariée.

Le TAS vient d'annoncer qu'il ne rendra peut-être pas son verdict avant le mois de septembre. Ainsi, Contador pourrait participer au Tour de France 2011, le gagner sous réserve de le perdre par décision du TAS quelques semaines plus tard, perdre du même coup celui de 2010 et le Tour d'Italie.

C'est le nouveau règlement dans le vélo: est déclaré vainqueur celui qui finit deuxième, mais deux ans plus tard.

Au hockey, c'est plus simple. Tu comptes un but, c'est 1 à 0. Tu comptes deux buts, c'est 2 à 0. Si l'autre équipe n'en compte pas trois, tu gagnes. Pas l'année prochaine: tu gagnes là tout de suite. C'est incroyable.

Plus merveilleux encore, au hockey, il ne se trouve personne pour dire: Attendez une minute, le gars qui a compté deux buts était dopé. Il l'était peut-être, mais tu ne le sauras jamais - il n'y a pas de contrôle pendant les séries, pas de contrôle non plus le reste de l'année durant les matches, et pas de contrôle durant l'été. Personne pour t'empêcher d'aller te faire des muscles au gym.

Le hockey est beaucoup mieux organisé que le vélo, je trouve.