Une fois j'ai escaladé la pyramide de la Lune (au sud de Mexico) avec un groupe de touristes québécois. Les plus obèses ahanaient sur les marches de pierre irrégulières, les dames faisaient des pauses fréquentes en se tenant le coeur, l'escalade du troupeau oblitérait totalement la dimension historique du lieu comme si, il y a mille ans, les Toltèques avaient construit leur foutue pyramide comme un obstacle de piste d'hébertisme, pour l'amusement futur des épiciers de Saint-Hyacinthe.

Pourquoi je pense à ça? Quelque chose dans vos commentaires sur ma chronique iPad - la littérature et le iPad - me dit que grâce au iPad vous êtes en train d'aller sur la Lune, en vous crissant totalement de la Lune. Votre émerveillement d'être à un clic des dix tomes gratuits des Misérables. Sauf que votre émerveillement c'est le clic, pas Les misérables.

Avec votre iPad, me dit cette dame, vous êtes à un clic de Stendhal, Gide, Mauriac, Balzac, tous les classiques. Ah les classiques! Tous, vous me parlez des classiques. C'est fou ce que le iPad mène à la redécouverte des classiques. J'en suis quand même un peu surpris parce qu'enfin, cela fait plusieurs décades que ne vous lisez plus rien d'autre que des merdes comme Millenium, arrive le iPad et tadam! Vous plongez dans Balzac, Stendhal, Gide, Mauriac, envoye donc.

À qui racontez-vous des histoires, là? À vous ou à moi?

Avec mon iPad, ajoutez-vous presque tous, je peux emporter ma bibliothèque en voyage. Comme c'est pratique en effet. Alain Robbe-Grillet à Carcassonne. Madame Bovary à Zanzibar. Vous lisez tant que cela en voyage? Vous posez votre valise et hop Marguerite Yourcenar here we go. Ah ben.

Quand je clique sur les liens que vous m'envoyez, livrespourtous.com, Kobo, Project Gutenberg, etc., j'ai l'impression, pas du tout désagréable d'ailleurs, de me retrouver dans un bed and breakfast de la Nouvelle-Angleterre, dans le salon, devant la bibliothèque pleine de livres que j'ai déjà lus ou bien qui ne m'intéressent pas vraiment... Avant de m'endormir, je tirerai de ma sacoche de vélo le même recueil de poèmes que je relis depuis cent ans, le temps/dans le chas de l'aiguille/passe si lentement...

LA SIMPLICITÉ - Remarquez-le: dans presque toutes les entrevues avec les joueurs de hockey, il est question de «garder les choses simples». Keep things simple. Le coach m'a dit de garder les choses simples. J'ai du succès parce que je garde les choses simples. Ça ne va pas très bien en ce moment, il faut que je m'applique à garder les choses simples. Sont payés cinq millions par année pour garder les choses simples. On paie cent piastres le billet pour les voir garder les choses simples.

À l'enthousiasme que mettent les chroniqueurs (ceux de RDS en particulier) à faire l'apologie de la simplicité - ils sont souvent les premiers à suggérer que Gionta devrait garder les choses simples - on devine que garder les choses simples est une recette gagnante bien au-delà de l'aréna: un principe de vie pour ainsi dire.

Comme principe de vie, la simplicité donne des comédies hilarantes au cinéma, Linda Lemay en chansons, ciel mon mari au théâtre, bientôt on va aller au cirque et le fildefériste traversera le chapiteau sur un fil de fer peint sur le sol, pour garder la chose simple et sécuritaire. Bientôt les Grand Ballets donneront Le lac des cygnes en cha-cha-cha, pour ne rien compliquer en pointes et jetés. Et je vous signale qu'il existe un résumé de 15 pages de Notre-Dame de Paris (le livret de la comédie musicale) qui fait la job aussi bien que les sept volumes.

La simplicité est à la mode. Soit, gardons les choses simples, de toute façon, j'en vois un crisse de paquet qui, le voudraient-ils, ne pourraient pas les garder complexes.

LA COMPLEXITÉ, UNE MALADIE? - Parlant de la complexité des choses, pourriez-vous, quand la chose en question est politique, pourriez-vous ne pas trop l'embrouiller, la tête me tourne...

Dans ma chronique de samedi, je dis que le Québec est de droite.

Vous m'ostinez dans vos courriels: mais non, Foglia, il est de gauche.

Je vous demande alors: qui a élu Charest aux dernières élections, les Papous?

Vous me concédez que Charest est de droite (ouf! j'ai eu peur!) mais, MAIS... qu'il ne peut pas gouverner à droite parce que le peuple est à gauche.

Si je vous suis bien, le Québec, de gauche, vote à droite pour être gouverné à gauche? Mais alors, dites-moi, il est malade le Québec?

Sartre: un de ces rêveurs éveillés que la médecine nomme «schizophrène» et dont le propre est, comme on le sait, de ne pouvoir s'adapter au réel.

LA BOURSE OU LA COURSE? - Haile Gebreselassie, qui avait annoncé sa retraite, a confirmé hier qu'il poursuivra sa carrière au moins jusqu'au marathon olympique de Londres en 2012.

Difficile à croire. Les blessures récurrentes, la business qui prend de plus en plus de place (des centaines d'employés dans des salles de gym, des cinémas, des édifices à bureau), la tentation de la politique, l'entraînement vient après tout cela et à Londres il aurait 40 ans, peut-être plus (on n'a jamais trop su), sans ajouter qu'il ne serait plus le meilleur marathonien du monde, ce qu'il n'est déjà plus d'ailleurs.

Finalement c'est à New York l'autre jour, après son abandon, qu'il disait la vérité, du moins celle du coeur: c'est fini, je n'ai plus envie, le ressort est cassé. Depuis, son entourage et surtout son entraîneur (le Hollandais Jos Hermens) l'ont convaincu que sur son élan et sa réputation il pouvait encore faire un million ou deux en 2011, juste en figuration intelligente, au Japon en février, à Berlin à l'automne où il a établi son record du monde (2:03,59). Un argument sonnant et trébuchant auquel le Négus en runnings a toujours été très sensible.