Il m'est venu tout à coup que je n'avais rien dit du sport dans ma revue de l'année. Je vous avertis, la chronique qui suit est très, très sport. Pour aggraver mon cas, des sports que vous n'aimez pas, des athlètes que vous ne connaissez pas. Tenez, par exemple : connaissez-vous Jimmie Johnson?

Moi non plus. Il a pourtant été choisi l'athlète de l'année dans le monde - DANS LE MONDE - par l'agence Associated Press.

Je me suis vanté souvent d'être de culture sportive. Je ne sais pas tout du sport - par exemple, je ne connais pas très bien le baseball. Si Associated Press, au lieu de ce Jimmie Johnson, avait choisi Albert Pujols comme athlète de l'année, je n'aurais pas su à quelle position il jouait ni pour quelle équipe (les Cardinals?), mais j'aurais su que c'était un joueur de baseball.

Jimmie Johnson? Not a fucking clue, comme disent les Chinois. C'est quand même incroyable, moi qui épluche le cahier des sports tous les jours, qui passe des heures sur le Net pour savoir «c'est qui qui gagne», jamais entendu parler de ce type qui, j'ai fini par l'apprendre, fait vroum-vroum dans le NASCAR.

On s'entend : je ne suis pas en train de débattre ici de qui est le meilleur athlète de l'année, ni même en train de parler de sport, mais d'une certaine Amérique hyper-chauvine, qui n'a rien à foutre d'un Federer suisse - c'est où, la Suisse? - ni d'un Usain Bolt jamaïcain. Chauvine et puritaine : vous ne pensez tout de même pas qu'AP allait choisir Tiger Woods?

Bref, j'étais une fois de plus en train de bitcher cette Amérique aussi fondamentalement fondamentaliste en sport que dans le reste quand est tombée cette nouvelle qui m'a fermé la gueule, ou plutôt qui me l'a ouverte toute grande, comme dans «bouche bée» : Houston, une des villes les plus conservatrices des États-Unis, venait de se donner pour mairesse une lesbienne déclarée, Mme Annise Parker qui, lors de sa victoire, a présenté à la foule sa compagne, Kathy, et leurs trois enfants.

Et je me suis réconcilié une fois de plus avec l'Amérique. Mais rassurez-vous, pas avec le NASCAR, cette morronnerie pétaradante.

L'ART DE DIRIGER UNE ÉQUIPE - Parmi les événements sportifs marquants de 2009, évidemment, cette main (sale) de Thierry Henry qui permettait à la France de se qualifier pour la Coupe du monde de foot aux dépens de l'Irlande. Ce n'est pas tout à fait exact : qui permettait à la France d'éviter des prolongations aléatoires.

Dans cette histoire, je suis du côté de la France. Et la morale, dites-vous? Réponse de Raymond Domenech, entraîneur de l'équipe de France : le foot et le sport ne sont pas affaires de morale.

En fait, c'est de ce Domenech que je veux parler. Il me fait beaucoup penser - vous allez rire - à notre Jacques Demers national. Deux personnalités aux antipodes, bien sûr : le second lénifiant et sénatorial, le premier rugueux et très éloquent. Pourtant une même posture comme coach devant leur équipe : à genoux. Bons motivateurs, mauvais techniciens. Se perçoivent avant tout comme des écrans protecteurs entre le monde et leurs joueurs, qu'ils surprotègent en exagérant exprès la menace extérieure pour consolider le groupe. Pour le match lui-même, s'en remettent à l'inspiration des joueurs et au petit boss du vestiaire, un Thierry Henry, un Patrick Roy.

Si j'étais assez riche pour me payer un club professionnel de foot ou de basket ou de hockey, je serais assez riche aussi pour me payer le luxe de perdre avec un Carbonneau plutôt que de gagner avec un Demers. Je le savais que vous alliez me trouver croche.

PETITE GÊNE À PROPOS D'UN GÈNE - Le cas Caster Semenya. Cette jeune femme sud-africaine dont on ne sait pas trop si c'est une jeune femme, justement, elle a gagné le 800 m des Mondiaux de Berlin en posant un double problème d'éthique.

Selon les tests de féminité qu'on lui a fait passer, ses chromosomes sont bien du type XY : c'est bien une fille. Oui, mais est-elle aussi, comme tout le monde le soupçonne, hermaphrodite? Problème d'éthique médicale : le médecin qui ira y voir n'est-il pas lié par le secret médical? Problème d'éthique sportive : les hermaphrodites produisent de la testostérone comme les hommes, d'où une musculature d'homme, d'où un tonus d'homme. La jeune femme de 18 ans, encore junior, a remporté la finale du 800 m par près de trois secondes (2,45 exactement), du jamais vu. Les médias se sont déchaînés. La fédé internationale a enquêté.

En Afrique du Sud, c'est là le vrai scandale, l'histoire de Caster Semenya (qui est noire) a été récupérée par le gouvernement noir en place de l'ANC, qui avait bien besoin d'une diversion aux énormes problèmes sociaux qui le submergent. Récupération aussi par Winnie Mandela (l'ex de Nelson), qui n'en manque pas une, et par le président de la fédé d'athlétisme sud-africaine. Tous ont fait de la jeune femme une victime du racisme européen.

Bullshit. L'ANC a alimenté là une bien sulfureuse chicane à quelques mois du grand rendez-vous de juin en Afrique du Sud : la Coupe du monde de soccer.

Pour revenir à Caster Semenya, elle gardera sa médaille de Berlin. Sur le fond, le problème posé par l'intersexualité n'est pas réglé. On ne voit pas très bien comment il pourrait l'être au-delà du test de féminité auquel, précisons-le encore une fois, Caster Semenya a satisfait deux fois... Elle n'en court pas moins comme un homme, parle comme un homme et a l'allure d'un homme au point où la foule maugréait dans les gradins.

BASKET - Samedi, il faisait - 22. Savez-vous combien on était à jouer au basketball dehors, au nord du 45e parallèle? Un. Le ballon a passé par-dessus le banc de neige et a roulé jusqu'au pommier. J'avais de la neige à mi-cuisse, j'ai tiré des deux mains en faisant tourner mes poignets comme font les filles, floutche ! J'ai marqué le premier panier arctique et hermaphrodite de l'histoire du basketball.